L'invité des ÉcosMaroc

Schneider Electric : le Maroc, un hub stratégique et un laboratoire à ciel ouvert

Présent depuis plus de soixante ans au Maroc, Schneider Electric a fait de Casablanca son quartier général pour l’Afrique de l’Ouest. Le groupe mise sur le Royaume comme hub stratégique et terrain de développement de la transition énergétique et numérique, entre efficacité énergétique, automatisation industrielle et essor des data centers. Pour Jean-Pascal Tricoire, président du conseil administratif de l’entreprise, le pays réunit les atouts pour devenir un modèle africain, à condition de relever les défis de compétences et de financement. Compte-rendu.

Depuis plus de soixante ans, Schneider Electric s’est enracinée au Maroc, où elle pilote depuis Casablanca ses activités pour l’Afrique de l’Ouest. L’entreprise, pionnière des solutions de gestion de l’énergie et de l’automatisation, y voit un marché dynamique et une plateforme stratégique pour déployer sa vision : rendre l’accès à l’énergie plus sûr, plus efficace, plus durable et plus digitalisé. Invité des Inspirations ÉCO, son président du conseil administratif, Jean-Pascal Tricoire, a détaillé les ambitions du groupe dans le Royaume, ses priorités et les défis à relever.

«Le Maroc est au milieu de l’Europe et de l’Afrique», souligne Jean-Pascal Tricoire.

Cette localisation confère au pays un rôle de carrefour que Schneider entend exploiter pleinement. Depuis son siège de Casablanca, l’entreprise orchestre non seulement son activité nationale mais aussi ses opérations ouest-africaines. Avec une présence de plus de 65 ans, le groupe ne se contente pas d’exporter ses technologies.

Il contribue à structurer un écosystème local d’installateurs, d’ingénieurs et de partenaires industriels. La stratégie marocaine de Schneider s’articule autour de segments à forte croissance. Le bâtiment, qui représente environ 30% du chiffre d’affaires mondial du groupe, constitue un axe majeur. Optimiser la consommation énergétique, équiper les parkings de bornes de recharge et déployer des systèmes intelligents pour réduire les factures sont autant de leviers que l’entreprise juge accessibles et rapidement rentables.

«L’efficacité énergétique se paie toute seule», rappelle Tricoire, estimant que les projets s’amortissent en trois à cinq ans.

L’industrie constitue un autre pilier, notamment à travers l’automatisation et les logiciels de simulation (jumeaux digitaux). Dans un Maroc en pleine montée en gamme industrielle, ces technologies permettent d’accroître la compétitivité et de sécuriser les chaînes de production. Enfin, le numérique ouvre un champ stratégique. Avec l’essor attendu des data centers et des applications d’intelligence artificielle, la demande en énergie fiable et optimisée explose.

«On ne peut pas parler d’IA sans parler d’énergie», insiste le président du conseil administratif, rappelant que les infrastructures numériques seront au cœur des investissements de la décennie.

Micro-réseaux et décentralisation
L’une des grandes tendances évoquées par Tricoire est la décentralisation de l’énergie. L’intégration des renouvelables, par nature intermittents, impose de nouveaux modèles (micro-réseaux, solutions hybrides combinant solaire, stockage et digital…) Ces technologies, déjà testées dans plusieurs zones minières ou industrielles, peuvent renforcer la résilience du réseau marocain et réduire la dépendance aux énergies fossiles.

«Vous recevrez des signaux qui diront à vos machines d’aller consommer quand c’est moins cher et plus vert», illustre-t-il, décrivant un avenir où le digital pilotera directement la consommation.

Pour le dirigeant, le challenge principal n’est pas technologique mais humain. Sans compétences locales pour installer, programmer et maintenir les équipements, les solutions risquent de rester sous-exploitées.

Schneider investit donc dans la formation, via des partenariats avec des universités marocaines comme l’UM6P, et dans des programmes destinés à renforcer les capacités des intégrateurs et installateurs. Cette vision s’inscrit dans une logique d’écosystème. L’entreprise se voit autant comme fournisseur de technologies que comme catalyseur d’un tissu professionnel capable de porter la transition énergétique sur le terrain.

Un Maroc porteur d’opportunités
Reste la question des financements. Les projets d’efficacité énergétique ou de micro-réseaux nécessitent des investissements initiaux. Mais Tricoire insiste : «Le coût initial n’est pas le vrai problème, car les économies réalisées permettent de rembourser l’investissement en quelques années».

Le président du conseil administratif plaide pour une mobilisation conjointe de fonds d’investissement, de banques et de partenariats public-privé afin de démultiplier les projets et de passer du pilote au déploiement massif. Le Royaume apparaît ainsi comme un laboratoire idéal pour les ambitions de Schneider Electric, à la fois hub géographique, pays engagé dans les renouvelables, marché en croissance et terre d’innovation numérique. Des champs entiers s’ouvrent : électromobilité, smart cities, dessalement alimenté par des énergies propres, zones industrielles connectées et data centers à haute performance énergétique.

«L’énergie est le passeport pour le progrès», résume Jean-Pascal Tricoire. Au Maroc, ce passeport s’incarne déjà dans des projets concrets. Mais sa pleine valeur dépendra de la capacité à former les compétences, mobiliser les financements et accélérer l’adoption à grande échelle.

Jean-Pascal Tricoire : Un profil international 100% Schneider

Jean-Pascal Tricoire est président du conseil d’administration de Schneider Electric, qu’il a rejoint il y a près de quarante ans. Ingénieur de formation, complétée par un cursus en management, il est français d’origine et a grandi à la campagne, où il a passé les vingt premières années de sa vie.

Entré chez Schneider Electric en 1986, il y a construit l’intégralité de sa carrière, gravissant les échelons jusqu’à prendre la tête du groupe. Son parcours se distingue par une forte dimension internationale : il a vécu et travaillé en Italie, en Chine, en Afrique subsaharienne, en Afrique du Sud, aux États-Unis, puis de nouveau en Asie, où il réside depuis une quinzaine d’années.

Sous sa direction, Schneider Electric a mené de profondes transformations dans l’électrification et le digital, devenant leader mondial des technologies de gestion de l’énergie, de l’automatisation et des solutions numériques. Pour lui, l’essentiel réside dans la convergence entre énergie et digital.

«Nous sommes aujourd’hui leader mondial des technologies de l’énergie et surtout de la digitalisation, c’est-à-dire la capacité de connecter ce monde de l’énergie et de permettre à nos clients d’en contrôler tous les aspects», souligne-t-il.

Applications : Le tout-électrique en action

L’électricité n’est pas seulement un facteur technique, mais le pilier de tout développement moderne. Les applications, multiples, touchent presque tous les secteurs de l’économie et de la société, explique Jean-Pascal Tricoire :
– Bâtiments et smart buildings : dans l’immobilier et les infrastructures urbaines, l’électrification s’accompagne d’une digitalisation poussée. Tricoire explique : «Tout bâtiment va être connecté, et grâce aux smart grids, nous pouvons optimiser la consommation d’énergie, réduire les coûts et améliorer la durabilité». Les systèmes intelligents permettent non seulement l’automatisation de la climatisation ou de l’éclairage, mais aussi l’intégration de l’intelligence artificielle pour anticiper et gérer la demande énergétique.
– Industrie et smart manufacturing : la révolution énergétique touche aussi le monde industriel. L’électrification des sites de production et l’usage de jumeaux numériques et de logiciels intelligents offrent des gains significatifs en productivité et en efficacité. «L’industrie dans les pays qui ne sont pas pourvus de pétrole devient elle aussi électrique», souligne Tricoire, démontrant que l’énergie est désormais un levier stratégique pour l’industrialisation et la compétitivité des entreprises.

Centres de données et intelligence artificielle : l’explosion des besoins numériques rend l’électricité indispensable. «Pour opérer un data center, le premier poste de coût, c’est l’électricité», rappelle Tricoire. L’énergie devient ainsi le socle de l’intelligence artificielle, car ces infrastructures requièrent une alimentation fiable et durable pour fonctionner à pleine capacité.

Smart cities : au cœur des villes connectées, l’électricité pilote la mobilité, l’éclairage public et les services municipaux. Grâce aux réseaux intelligents, il est désormais possible d’ajuster la consommation en temps réel et d’intégrer des énergies renouvelables locales. Tricoire note que  «tout devient connecté, et cette connectivité transforme la manière dont nous produisons, distribuons et consommons l’énergie».

Énergies renouvelables et transition énergétique : la décarbonation de l’économie passe par le solaire, l’éolien et l’hydroélectrique.

«Les renouvelables et l’électrification sont les seuls moyens de réduire l’intensité carbone de l’économie», affirme le dirigeant, insistant sur la nécessité de technologies innovantes pour concilier développement et durabilité.

Mobilité électrique : les véhicules électriques symbolisent la première révolution de la demande. La recharge intelligente, synchronisée avec la production d’énergie verte, illustre parfaitement la convergence de l’électrification et de la digitalisation.

Agriculture et eau : l’énergie électrique irrigue, dessale et optimise la production agricole. «L’eau, c’est de l’énergie», explique Tricoire, soulignant l’importance de solutions compétitives et renouvelables pour répondre aux besoins croissants en ressources hydriques.

Mines et industries extractives : l’électrification et la digitalisation transforment également l’exploitation minière. L’IA et l’automation améliorent la sécurité et la productivité sur les sites d’extraction, tout en optimisant la consommation énergétique.

Hicham Bennani, Maryem Ouazzani et Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO



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