Maroc

Discours royal : tolérance zéro pour l’inefficacité

En filigrane du discours royal du 10 octobre 2025, c’est toute l’architecture institutionnelle qui se trouve réinterrogée. À la veille de la fin du mandat gouvernemental, le souverain invite les acteurs politiques à renouer avec l’esprit de responsabilité et à faire de la rigueur un moteur d’action publique. Un appel à la cohérence, à la reddition des comptes et à la justice territoriale, qui sonne comme un rappel à l’ordre adressé à l’ensemble du système politique.

C’est un message fort que S.M le Roi Mohammed VI a adressé, le 10 octobre 2025, au gouvernement et aux parlementaires à l’occasion de la rentrée parlementaire. Le Souverain a appelé à davantage de rigueur, de persévérance et de sens des responsabilités dans l’exécution des chantiers engagés, en particulier ceux à portée sociale.

Dans un contexte marqué par de fortes attentes citoyennes, le Roi a insisté sur l’urgence de réduire les profondes disparités entre les territoires. L’heure n’est plus aux promesses, car à l’approche de la fin du mandat gouvernemental, la tolérance sera «zéro» face à l’inefficacité ou aux retards.

Appel à la cohérence
Cette interpellation directe n’a pas manqué de faire réagir les spécialistes en politiques publiques. Pour Amine Essaid, chercheur en droit constitutionnel et en sciences politiques, le discours royal «s’inscrit dans un engagement constitutionnel prévu à l’article 65 de la Constitution de 2011».

Ce texte fondateur fait du discours royal d’ouverture «la déclaration officielle du lancement de l’année politique au Maroc». En s’adressant aux deux Chambres du Parlement et au gouvernement, le Roi remplit une fonction institutionnelle essentielle, celle d’orienter l’action publique et de rappeler les fondements de la responsabilité politique, explique-t-il.

Dans cette perspective, le discours royal se présente comme un véritable cadrage stratégique de l’action parlementaire. Il redéfinit la relation entre le législatif et l’exécutif, en mettant l’accent sur trois piliers : la qualité du travail législatif, le contrôle de l’action gouvernementale et l’évaluation des politiques publiques. À travers ces axes, le Souverain invite à une gouvernance plus efficace, mieux coordonnée et tournée vers les résultats, souligne Amine Essaid.

Mais le message va au-delà des institutions. Il esquisse une feuille de route pour réorienter le modèle politique et territorial du pays. En rappelant les priorités déjà évoquées dans son dernier discours du Trône, le Roi réaffirme deux urgences : la justice territoriale et le lancement d’une nouvelle génération de programmes visant à réduire les inégalités régionales tout en stimulant les initiatives locales.

Cette approche s’inscrit dans la continuité de la politique de décentralisation et de régionalisation avancée, censée donner un second souffle à la dynamique du développement. Autre axe majeur, la transformation des mentalités. Le Souverain a insisté sur la nécessité d’en finir avec les modes de gestion bureaucratiques pour leur substituer une culture de la performance et de la reddition des comptes. La logique des moyens doit céder la place à celle des résultats.

Pour Amine Essaid, l’analyse du discours révèle également une convergence avec les attentes sociales exprimées ces derniers mois. La priorité donnée à l’éducation, à la santé et à la mise à niveau des territoires fait écho aux revendications populaires, tout comme l’appel à mieux articuler les grands projets économiques et les programmes sociaux. Cette cohérence témoigne d’une vision intégrée du développement, où l’investissement public n’a de sens que s’il améliore la vie des citoyens.

Rappel à l’ordre
Le politologue Mohamed Chiker partage cette lecture. Selon lui, «le Roi a voulu adresser un signal clair à la classe politique. L’heure est à l’action, non au calcul électoral». L’appel à accélérer la mise en œuvre des chantiers ouverts, notamment durant cette dernière année de législature, résonne comme une réponse implicite aux voix réclamant la démission du gouvernement, estime-t-il.

«En insistant sur la continuité du travail gouvernemental, le Roi ferme la porte à toute forme d’instabilité institutionnelle», explique le politologue.

Le discours n’a pas, non plus, épargné les autres acteurs du paysage national. Partis politiques et médias sont appelés à jouer pleinement leur rôle d’encadrement citoyen. Derrière cette mise en garde se profile une observation lucide, la montée des manifestations de jeunes traduit, en partie, l’incapacité des forces politiques et médiatiques à canaliser leurs aspirations.

Le Souverain les invite donc à réinventer leurs modes de communication et à renouer avec la jeunesse, non par le discours, mais par l’action et la proximité. Enfin, le Roi a réitéré l’exigence d’une mise en œuvre rapide des orientations formulées dans son précédent discours du Trône. Il s’agit notamment du lancement de nouveaux chantiers pour l’emploi des jeunes et du développement local, avec une attention particulière aux populations des zones reculées.

Cette année, l’accent a été mis sur les habitants des régions montagneuses, qui représentent environ 30% de la population marocaine. Leur intégration dans le tissu économique national, ainsi que celle d’autres régions marginalisées, doit permettre un partage plus équitable des richesses.

En filigrane, le message est limpide. Aucune politique de développement durable ne peut réussir sans justice territoriale. Pour un Maroc en pleine mutation, la consolidation du modèle de développement passe désormais par un ancrage fort dans le local, une gouvernance fondée sur les résultats et une classe politique capable de se hisser à la hauteur des ambitions nationales.

Amine Essaid
Politologue

«L’analyse du discours révèle également une convergence avec les attentes sociales exprimées ces derniers mois. La priorité donnée à l’éducation, à la santé et à la mise à niveau des territoires fait écho aux revendications populaires, tout comme l’appel à mieux articuler les grands projets économiques et les programmes sociaux».

Mohamed Chiker
Politologue

«Le Roi a voulu adresser un signal clair à la classe politique. L’heure est à l’action, non au calcul électoral. L’appel à accélérer la mise en œuvre des chantiers ouverts, notamment durant cette dernière année de législature, résonne comme une réponse implicite aux voix réclamant la démission du gouvernement. En insistant sur la continuité du travail gouvernemental, le Roi ferme la porte à toute forme d’instabilité institutionnelle».

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO



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