Climat et économie : le Maroc appelé à intégrer ses richesses naturelles dans sa stratégie économique

Un récent rapport de Clean Helpdesk met en garde contre les fragilités structurelles du Maroc face au climat. Entre surexploitation de l’eau, dépendance au phosphate et pressions agricoles, le Royaume doit revoir son modèle pour transformer ses atouts naturels en moteur durable de croissance.
Le Maroc s’impose sur la scène internationale comme un pays doté d’immenses richesses naturelles. Mais derrière cette vitrine, le rapport publié par le Clean Helpdesk met en évidence une réalité plus complexe. L’eau, ressource rare et surexploitée, constitue le fil conducteur de toutes les vulnérabilités qui pèsent sur l’économie marocaine.
Cette étude, qui s’appuie sur le Country Climate and Development Report (CCDR) de la Banque mondiale, rappelle que la transition vers un modèle durable est autant une question de survie économique que de protection de l’environnement.
Des richesses stratégiques mais fragiles
Avec trois quarts des réserves mondiales de phosphate, le Maroc s’impose comme un pilier de la sécurité alimentaire mondiale et le cinquième exportateur d’engrais. Mais cette rente géologique, explique le rapport, reste «à la fois énergivore et fortement consommatrice d’eau, ce qui crée des risques économiques».
Autrement dit, l’exploitation d’un atout stratégique peut accentuer une vulnérabilité structurelle, puisque le pays est déjà parmi les plus exposés au stress hydrique.
Les auteurs rappellent que «le Maroc est l’un des pays les plus touchés par la rareté de l’eau au niveau mondial» et que «les risques sont significatifs pour l’agriculture, l’énergie et, plus largement, pour la stabilité macroéconomique». Ce lien entre rareté hydrique et volatilité économique met en évidence une réalité, à savoir que sans une gestion prudente des ressources, les ambitions de croissance pourraient être compromises.
L’eau au cœur de la vulnérabilité
Le diagnostic est sans appel. La surexploitation des nappes phréatiques, notent les chercheurs, «a fortement augmenté pour atteindre un niveau estimé à près de 30%». Cette pression résulte d’une combinaison entre croissance démographique, expansion agricole et urbanisation, malgré les investissements publics dans les infrastructures hydriques. À cela s’ajoute un constat inquiétant sur les risques financiers.
Le rapport observe qu’«il n’existe pas de prise en compte explicite des risques liés à la nature, alors que 35% des actifs économiques marocains sont directement ou indirectement exposés aux aléas climatiques».
Autrement dit, plus d’un tiers de la valeur économique du pays est vulnérable à des phénomènes tels que les sécheresses récurrentes, la raréfaction de l’eau ou encore les fluctuations des prix alimentaires et énergétiques.
Entre initiatives et insuffisances
Face à ces constats, le Maroc a lancé plusieurs programmes structurants. Le plan «Forêts du Maroc 2020-2030» prévoit de reboiser 600.000 hectares afin de restaurer les écosystèmes, de capter du carbone et de créer de nouveaux revenus pour les populations rurales.
Le Plan Maroc Vert, en généralisant l’irrigation au goutte-à-goutte, a cherché à concilier productivité et préservation de l’eau. Ces efforts sont salués par les auteurs, mais ceux-ci insistent sur le fait qu’ils ne suffiront pas si la gestion intégrée de l’eau ne devient pas le pivot des politiques publiques. L’avenir économique du Maroc est indissociable de la préservation de ses ressources naturelles, suggère en filigrane le rapport.
En s’appuyant sur le CCDR de la Banque mondiale, il souligne que la croissance et la résilience ne pourront aller de pair que si la nature est pleinement intégrée dans les décisions économiques. La question de l’eau apparaît comme le fil conducteur de cette transformation. Pour le Royaume, la prospérité durable dépendra de sa capacité à transformer ses atouts naturels en levier et non en talon d’Achille.
D’autres pays sous la loupe
Le rapport du Clean Helpdesk ne s’arrête pas au Maroc. Il analyse également plusieurs pays émergents et en développement, chacun confronté à des défis spécifiques. En Égypte, la question de l’eau est tout aussi critique, avec une dépendance accrue au Nil et une agriculture vulnérable aux aléas climatiques.
En Indonésie, c’est la déforestation qui constitue le principal point de fragilité, menaçant à la fois la biodiversité et la sécurité alimentaire. Au Kenya et au Vietnam, les auteurs insistent sur l’importance d’intégrer les risques liés à la nature dans les politiques économiques et financières.
Ces pays illustrent la diversité des enjeux, mais convergent vers un même constat : sans une meilleure prise en compte des écosystèmes dans les stratégies de développement, la croissance demeure exposée aux chocs climatiques.
Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO