Retraites : 2031 comme horizon

L’épuisement des réserves du régime des fonctionnaires, projeté pour 2031, est le premier indicateur d’une fragilité systémique. Un rapport sur l’état des lieux des retraites, basé sur les données de l’ACAPS, révèle que d’autres régimes suivront, comme la CNSS en 2036, soulignant l’urgence d’une réforme structurelle pour garantir l’équilibre global.
L’année 2031 représente une échéance critique pour l’architecture du système des retraites marocain. Selon un rapport détaillant l’état des lieux du secteur, le Régime des pensions civiles (RPC), géré par la Caisse marocaine des retraites (CMR), verra ses réserves financières s’épuiser à cette date.
Cette projection, basée sur les données de l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS), place le régime des fonctionnaires en première ligne face à des défis structurels qui concernent l’ensemble des caisses.
L’analyse met en évidence des pressions démographiques et financières croissantes, dont les effets se manifestent déjà à travers des déséquilibres techniques et globaux, appelant une action structurante pour assurer la viabilité du système à long terme.
Un compte à rebours financier pour le régime public
La situation financière du régime des pensions civiles illustre l’urgence de la situation. En 2024, il enregistre déjà un déficit technique de 7,3 milliards de dirhams (MMDH), ses prestations s’élevant à 39,2 MMDH contre seulement 31,9 milliards de cotisations. Le premier déficit technique de ce régime est apparu en 2014, suivi du premier déficit global dès 2015.
Si la CMR est la plus exposée à court terme, d’autres régimes approchent de leurs seuils critiques. La Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) devrait connaître l’épuisement de ses réserves à l’horizon 2036, tandis que le Régime collectif d’allocation de retraite (RCAR) est projeté pour 2052. Ces échéances successives soulignent la nature systémique de la problématique et la nécessité d’une vision d’ensemble.
49% des actifs couverts et des pensions inégales
La cause principale de cette tension financière réside dans une dégradation continue du rapport démographique. Le nombre d’actifs cotisants n’augmente pas au même rythme que le nombre de retraités, un phénomène accentué par l’allongement de l’espérance de vie, passée de 66 ans en 1990 à 77 ans en 2024.
Pour le régime des pensions civiles, le ratio cotisants/retraités est ainsi passé de 6,48 actifs pour un retraité en 2004 à seulement 2,1 en 2024. Le RCAR connaît une évolution encore plus marquée, avec un ratio tombé à 1,3. Cette dynamique pèse lourdement sur les modèles de répartition qui constituent le socle de la plupart des régimes marocains et fragilise leur capacité à honorer leurs engagements futurs sans ajustements paramétriques.
Au-delà de la menace sur l’équilibre financier, le rapport met en lumière des enjeux de couverture et d’équité. Actuellement, seulement 49% de la population active du pays bénéficie d’une couverture retraite, ce qui signifie qu’un actif sur deux reste en dehors du système. Cette situation prive une large part de la population d’une protection formelle pour la vieillesse.
Le document souligne également d’importantes disparités dans le niveau des prestations. En 2024, la pension moyenne mensuelle versée par le RPC/CMR atteint 8.557 dirhams, contre 2.177 dirhams pour la CNSS, qui couvre les salariés du secteur privé. Ces écarts reflètent la fragmentation d’un système où coexistent des règles et des niveaux de «générosité» différents.
Plus de 331 MMDH injectés dans l’économie nationale
La stabilité du système de retraite constitue un enjeu économique national. Les caisses de retraite agissent en tant qu’investisseurs institutionnels de premier plan, avec plus de 331 MMDH injectés dans l’économie nationale. Elles versent également quelque 85 MMDH de prestations annuelles, jouant un rôle de soutien à la consommation. Plusieurs instances, comme la Cour des comptes et Bank Al-Maghrib, ont alerté sur la fragilité du système.
Face à ce constat, une réflexion a été engagée par les autorités dans le cadre du Dialogue social, afin de trouver un équilibre entre la pérennité financière, la préservation du pouvoir d’achat des retraités et la compétitivité des entreprises.
Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO