Solaire : le Maroc en tête de la transition énergétique africaine

Alors que les importations de panneaux solaires explosent sur le continent africain, le Maroc s’impose comme un acteur stratégique de la transition énergétique. Entre développement industriel local, projets phares et ambition d’autonomie énergétique, le Royaume confirme son leadership régional. Décryptage à la lumière du dernier rapport du groupe de recherche Ember.
En Afrique, l’énergie solaire connaît une croissance fulgurante, portée par l’importation massive de panneaux photovoltaïques en provenance de Chine. Au cœur de cette dynamique, le Maroc se distingue comme un acteur stratégique, à la fois importateur majeur et pionnier du développement industriel local. Le dernier rapport du groupe de recherche Ember, publié il y a quelques jours, révèle que le Royaume confirme son statut de leader régional en matière de transition énergétique.
Comme le souligne le rapport , «Le Maroc a récemment doublé sa capacité de production à 1 GW par an», ce qui témoigne d’un effort industriel remarquable.
Une poussée continentale, un Maroc bien positionné
D’après le rapport «The first evidence of a take-off in solar in Africa», les importations de panneaux solaires depuis la Chine ont atteint un record : 15.032 mégawatts (MW) entre juillet 2024 et juin 2025, soit une hausse de 60% par rapport à l’année précédente.
Dans ce contexte, le Maroc figure parmi les plus gros importateurs africains, avec plus de 800 MW de panneaux acheminés en une seule année. Cette dynamique le place aux côtés de pays comme l’Afrique du Sud, le Nigeria ou encore l’Algérie. Mais le Royaume va plus loin. Il n’est pas seulement un marché de destination pour les équipements solaires : il devient aussi un centre de fabrication.
Ember indique qu’il est l’un des rares pays africains à avoir significativement accru sa production locale de panneaux. Ce positionnement est rare à l’échelle continentale, la majorité des pays africains demeurant intégralement dépendants des importations. En doublant sa capacité de production locale à 1 GW par an, le Maroc s’emploie à sécuriser sa chaîne d’approvisionnement.
Une stratégie nationale ambitieuse
L’essor du solaire s’inscrit dans une stratégie énergétique plus large. Le Maroc s’est engagé à porter la part des énergies renouvelables à 52% de sa capacité installée d’ici 2030. Un cap déjà bien entamé : en 2023, les énergies renouvelables représentaient environ 40% du mix énergétique national. Ce développement s’appuie sur un arsenal juridique et institutionnel structuré.
La loi 13-09 sur les énergies renouvelables, adoptée en 2010, permet aux producteurs indépendants d’électricité (IPP) de vendre directement leur production. Cette mesure a stimulé l’investissement privé dans le secteur. En chiffres, la capacité électrique totale du Maroc en 2023 avoisinait les 11.000 MW, dont environ 7,6% issus du solaire photovoltaïque. L’objectif pour 2030 est de répartir équitablement cette production entre 20% d’origine solaire, 20% éolienne et 12% hydroélectrique.
Noor Ouarzazate : symbole d’un leadership régional
Bien évidemment, le travail d’analyse d’Ember sur le solaire ne pouvait faire l’impasse sur le complexe Noor Ouarzazate. Composé de plusieurs phases (Noor I à IV), il cumule plus de 580 MW de capacité installée. Alliant technologies photovoltaïque et à concentration (CSP), ce mégaprojet incarne la capacité du Maroc à conduire des projets d’envergure mondiale.
Ce n’est pas qu’une vitrine technologique, c’est aussi un levier pour l’emploi local, la formation technique et la recherche appliquée. De plus, d’autres installations se développent dans les régions du Sud et de l’Oriental, renforçant le maillage national.
Au-delà de la production, la souveraineté énergétique
Le choix du solaire n’est pas uniquement écologique pour le Maroc, mais répond à la contrainte structurelle de renforcer la souveraineté énergétique, en misant sur une ressource durable et abondante. Le Royaume s’inscrit aussi dans une logique de coopération régionale. Il est interconnecté au réseau européen via l’Espagne, avec une capacité d’échange de 900 MW. Une stratégie qui vise à positionner le pays comme un hub énergétique entre l’Europe et l’Afrique.
Dans son analyse, Dave Jones, directeur du programme Global Insights chez Ember, affirme : «Maintenant que les panneaux solaires sont devenus si bon marché, la vraie valeur pour la plupart des pays africains ne réside pas dans leur fabrication, mais dans une meilleure exploitation de l’électricité bon marché qu’ils fournissent».
Par ailleurs, Ember souligne les gains économiques potentiels du solaire : «Les économies générées par l’évitement du diesel peuvent permettre d’amortir le coût d’un panneau solaire en six mois au Nigeria — voire moins dans d’autres pays ». Une logique qui s’applique également au Maroc, où l’électricité solaire commence à concurrencer sérieusement les coûts de production fossile. Ember insiste toutefois sur le besoin urgent d’améliorer la traçabilité des installations et la qualité des données pour garantir l’impact réel de ces importations. Le rapport d’Ember conclut sans équivoque : «Les premiers signes d’un essor de l’énergie solaire en Afrique sont désormais là.» Et le Maroc s’impose déjà en tête de peloton.
Qui est Ember ?
Ember est un groupe de recherche indépendant basé à Londres, spécialisé dans l’analyse des données énergétiques mondiales. Son objectif : accélérer la transition vers une électricité propre en fournissant des études rigoureuses, accessibles et orientées vers les politiques publiques.
Ember se distingue par l’exploitation de données ouvertes, comme les flux douaniers ou les bilans énergétiques nationaux, pour anticiper les tendances structurelles du secteur. Le rapport de 2025 sur le solaire en Afrique s’inscrit dans cette logique de veille stratégique au service de la décarbonation mondiale.
Sami Nemli / Les Inspirations ÉCO