Maroc

Instruments de paiement : qu’en pensent nos banquiers ?

Le nombre d’opérations bancaires rejetées reste élevé au Maroc, malgré la digitalisation croissante des services. Dans une étude à paraître le 31 août 2025 dans l’African Scientific Journal, le chercheur Mustapha Kidouch dévoile le regard critique des banquiers marocains sur ce phénomène persistant. Le constat est sévère, les recommandations ciblées.

Les services de paiement se diversifient à grande vitesse au Maroc. Cartes bancaires, virements instantanés, portefeuilles électroniques, solutions mobiles sont désormais monnaie courante. La modernisation technique est indéniable.

Pourtant, certains instruments traditionnels comme les chèques, les lettres de change ou les prélèvements continuent d’alimenter un nombre préoccupant de rejets. Ce paradoxe est au cœur de l’étude menée par Mustapha Kidouch, chercheur en sciences de gestion, dans une publication à paraître dans l’African Scientific Journal. Son enquête, menée auprès de cinquante professionnels de banques marocaines, met en évidence les limites du système actuel.

Malhonnêteté et ignorance
À la question des instruments les plus mobilisés, 60% des banquiers placent la carte bancaire en tête, suivie du chèque (25%) et de la lettre de change (15%). Pour les services, le virement bancaire s’impose de manière écrasante, cité par 95% des répondants.

En revanche, les prélèvements automatiques semblent à la traîne, tant en usage qu’en fiabilité. L’étude va plus loin en explorant les causes des rejets d’opérations. Pour 45% des professionnels interrogés, ces incidents trouvent leur origine dans le manque d’honnêteté de certains usagers, notamment ceux qui émettent sciemment des chèques sans provision.

D’autres avancent des facteurs tout aussi préoccupants. Un quart des banquiers dénoncent l’ignorance des procédures bancaires, tandis que 24% évoquent une gestion approximative des fonds. Les données collectées viennent appuyer cette perception. En 2022, plus de 843.000 chèques ont été rejetés, un chiffre en hausse, avec un taux global de rejet de 3,3%.

Dans 60% des cas, l’insuffisance de provision est responsable. Le taux atteint 14% pour les lettres de change, dont 88% également pour cause de fonds insuffisants. Les prélèvements automatiques affichent, eux, un taux alarmant de 78,7%, en hausse continue depuis 2018. Seuls les virements bancaires semblent épargnés, avec un taux de rejet marginal de 0,1%.

Ce que les banquiers proposent pour assainir le système
Face à ce constat, les banquiers ne se contentent pas de dresser un état des lieux. Ils suggèrent des pistes concrètes pour limiter les incidents. Pour 43% d’entre eux, il devient urgent de renforcer la législation encadrant l’usage des instruments bancaires. Il s’agirait notamment de revoir la réglementation sur les chèques et d’imposer des sanctions plus claires et dissuasives en cas d’usage abusif.

D’autres insistent sur la nécessité de mieux former les usagers. Un tiers des professionnels estiment que l’éducation financière est la clé. Comprendre les délais d’exécution, les conditions de provision, ou les conséquences d’un rejet permettrait d’éviter de nombreuses erreurs involontaires.

Enfin, 24% des banquiers plaident pour une simplification des démarches. Dans un environnement complexe, la multiplication des étapes administratives peut elle-même devenir un facteur de rejet.

Restaurer l’efficacité passe par la digitalisation et la régulation
Dans son analyse, Mustapha Kidouch souligne que le système bancaire marocain dispose déjà d’un levier majeur, à savoir un mécanisme interbancaire d’exécution rapide des paiements. Selon lui, cette force doit être mieux exploitée en renforçant la digitalisation des services pour améliorer l’efficacité opérationnelle et l’expérience client. La modernisation technologique ne suffit toutefois pas à elle seule.

Pour faire face aux comportements de mauvaise foi, le chercheur recommande de renforcer les systèmes de détection de fraudes, notamment par l’usage de technologies avancées comme l’intelligence artificielle et l’analyse de données.

L’étude met également en lumière un contexte de concurrence croissante avec les établissements de paiement et les plateformes numériques. Face à ces mutations, les banques sont appelées à diversifier leur offre et à proposer des services différenciés à forte valeur ajoutée. En somme, c’est un modèle bancaire plus réactif, plus digitalisé mais aussi plus rigoureux qui se dessine, à condition d’articuler innovation technologique et encadrement adapté.

Bancarisation : l’élan se poursuit mais l’usage reste limité

Selon les derniers chiffres de Bank Al-Maghrib, 58 % des Marocains adultes détenaient un compte bancaire en 2024, contre 54 % un an plus tôt. Cette progression, portée par la Stratégie nationale d’inclusion financière, s’explique en partie par l’arrivée de jeunes clients (55 % ont moins de 25 ans) et de femmes (45 % des nouveaux bancarisés).

Pour autant, l’usage reste encore peu actif. De nombreux comptes ouverts servent uniquement à recevoir des aides sociales ou des virements ponctuels. Ce décalage entre ouverture et utilisation réelle souligne l’importance de renforcer l’éducation financière et de proposer des services bancaires simples et accessibles, surtout en zones rurales.

Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO



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