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Financements innovants : trois institutionnels au cœur de l’effervescence

Lancées en 2019, les montages de lease-back sur des actifs du domaine privé de l’État auront rapporté un peu plus de 109 milliards de dirhams de cash au Trésor d’ici fin 2025. Il peut s’agir de bâtiments abritant des hôpitaux, des universités ou des tribunaux. Ce marché est animé par les trois grands investisseurs institutionnels du pays : la Caisse marocaine des retraites, la CNSS et le groupe CDG. Pour le Trésor, ces «financements innovants» permettent d’alléger le poids de la dette. Sur le plan comptable, la Cour des comptes assimile ces engagements, des loyers à long terme que verse le Trésor aux investisseurs, à de la dette publique.

Imaginés par Mohamed Benchaâboun lors de son passage au ministère des Finances afin de contenir la pression de la charge de la dette, les «financements innovants» connaissent une spectaculaire montée en régime.

Ces montages consistent à céder, aux investisseurs institutionnels, des bâtiments affectés au service public comme les hôpitaux, les universités ou les tribunaux, moyennant un loyer que l’État leur verse sur base de contrats de location à long terme. C’est un schéma qui ressemble comme deux gouttes d’eau à la technique financière de lease-back que pratiquent massivement les grandes entreprises au Maroc, les banques et les compagnies d’assurances, notamment.

74,3 milliards de DH de cash pour le budget
Depuis leur lancement en 2019, ces financements, dits innovants, ont rapporté 74,3 milliards de dirhams de cash au Trésor dont 35,27 milliards pour Ia seule année dernière. Et n’allez pas chercher l’explication du succès que connaissent les OPCI, ces véhicules d’investissement dans l’immobilier qui captent une grosse partie de l’épargne.

Pour l’essentiel, ce boom repose sur ces opérations de «gestion active du patrimoine immobilier de l’État» dont le marché est animé par les trois plus grands investisseurs institutionnels du pays : la CDG, la Caisse marocaine des retraites (CMR) et la CNSS.

Ainsi, en 2024, les OPCI appartenant à trois investisseurs institutionnels se sont positionnés sur 592 actifs immobiliers relevant du domaine privé de l’État, des bâtiments administratifs et des équipements publics, révèle la direction des Domaines de l’État. Ceci a permis de drainer un fonds de 35,27 milliards de dirhams au titre des «financements innovants», soit 10 milliards de plus que la «collecte» de l’exercice budgétaire précédent. Ce qui représente 47,5% de l’encours de ces cinq dernières années. Pour 2025, le ministère des Finances a budgété 35 milliards DH au titre de nouvelles «opérations de gestion active du patrimoine de l’État», et prévoit autant pour l’année prochaine ainsi que 25 milliards en 2027.

«Les actifs immobiliers à céder sont définis au fur et à mesure des résultats des travaux menés en termes de cadrage, d’évaluation des actifs et de préparation de la documentation contractuelle», explique le ministère des Finances. La première opération au titre de «financements innovants» remonte à novembre 2019. Elle avait consisté en la cession en lease-back par l’État, à la Caisse marocaine des retraites (CMR), de 5 CHU pour un montant de 5 milliards de dirhams. D’autres opérations ont depuis eu lieu, impliquant des établissements de santé et autres bâtiments administratifs.

Les réserves des autorités monétaires
Le gouverneur de Bank Al-Maghrib n’est pas particulièrement un aficionado de ces montages car «ils suscitent des préoccupations croissantes quant à leur supervision et à leur impact réel à long terme», avait-il déclaré lors du briefing de la presse qu’il a tenu après le Conseil de la politique monétaire du 24 juin 2025.

Dans un souci d’équité et de prudence financière, confiait-il, «il faut encadrer ces financements au même titre que le schéma appliqué aux recettes de privatisations».

En gros, qu’il ne fallait pas que cet argent soit englouti par les dépenses de fonctionnement et le train de vie de l’État. Les autorités monétaires mettent en garde également contre les risques potentiels liés aux montants de plus en plus élevés de ces financements innovants, ainsi que sur le possible effet d’éviction de ceux-ci, du fait que ces montages sollicitent les organismes institutionnels d’épargne, réduisant ainsi leur participation aux émissions de bons du Trésor.

En résumé, le wali de Bank Al-Maghrib identifie trois raisons qui justifient l’encadrement strict de ces dispositifs : l’ampleur croissante des montants impliqués, leur impact sur les finances publiques passant des recettes aux charges courantes, et les possibles préjudices causés à d’autres opérations traditionnelles de financement, notamment les émissions de bons du Trésor.

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO



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