Mohamed Jadri : “Si elle se maintient, cette croissance pourrait marquer une rupture avec les précédents taux”

Mohamed Jadri
Économiste et expert
Les derniers chiffres du HCP pour le T1-2025 révèlent une accélération de la croissance économique, qui s’établit à 4,8% contre 3% un an auparavant. Cette performance positive est en phase avec les projections actualisées de Bank Al-Maghrib (BAM) qui a également anticipé une nette accélération de la croissance pour l’année 2025, la situant à 4,6%, avant une consolidation à 4,4% en 2026. De ce fait, le HCP et BAM partagent le même diagnostic optimiste, quant au rebond de l’activité économique au Maroc, contrairement à la Banque mondiale.
Quelle lecture faites-vous de l’arrêté des comptes nationaux du 1er trimestre 2025 qui fait ressortir une amélioration de la croissance économique nationale à 4,8% contre 3% à la même période de l’année précédente ?
La première note sur la situation économique nationale au titre du premier trimestre démontre un regain de l’appareil économique. De prime abord, le HCP estime que la croissance économique est établie à 4,8% au lieu de 3% l’année dernière alors que la loi de finances 2025 a prévu 4,6%. On peut y voir un signal positif et une rupture avec les précédents taux de croissance.
Si notre économie maintient ce rythme de croissance pour les trois prochains trimestres, on pourrait y arriver à un taux supérieur à 4%. Deuxième élément, on constate qu’une multitude de secteurs d’activité qui ont contribué à cette évolution. Je parle notamment de la demande intérieure, mais aussi du secteur primaire, avec l’amélioration des conditions météorologiques pour le secteur agricole par rapport à l’année précédente marquée par la sécheresse.
De surcroît, du moins cette année, le Maroc enregistre une valeur ajoutée agricole positive contrairement à la saison dernière. Le secteur du BTP affiche aussi une croissance avec l’investissement injecté dans les infrastructures, en plus du tourisme et de ses activités complémentaires dont les prévisions sont également prometteuses pour la valeur ajoutée des secteurs secondaire et tertiaire.
Vous évoquiez la demande intérieure, on rappelle qu’elle a quand même progressé de 8% au premier trimestre 2025 en contribuant pour 8,5 points à la croissance nationale. Quel regard portez-vous sur cette contribution ?
En effet, l’évolution de l’économie marocaine a été essentiellement portée par la demande intérieure et la consommation des ménages avec une amélioration du pouvoir d’achat des Marocains. Cela s’est fait à travers la baisse de l’inflation.
Aujourd’hui, on parle d’une inflation autour de 1 à 2%, loin des 6,6% de 2022 et des 6,1% enregistrés en 2023. On peut aussi citer l’augmentation des revenus dans le cadre du dialogue social avec les hausses progressives pour les instituteurs en deux temps, juillet 2024 et juillet 2025, ou encore l’augmentation des revenus de manière indirecte, via la revalorisation de l’impôt sur le revenu fin janvier 2025.
Sans oublier bien sûr un élément essentiel, c’est l’impact de l’aide directe sociale, qui a aussi des répercussions positives sur la demande avec une injection dans la demande locale. Par conséquent, la croissance a évolué pour se situer à 4,8% et c’est un élément qui est très positif.
Comment voyez-vous l’économie se comporter dans les années à venir ?
Si l’économie nationale maintient cette cadence, nous allons finir l’année, pour la première fois, sur une note positive depuis quelques décennies, soit un taux de croissance frôlant 4%, alors qu’en 2022, 2023 ou 2024, le taux a été de 1,5%, 3,3% et 3,6%. Si on dépasse la barre des 4%, notre économie rebondira dans les années à venir avec des taux variant entre 4% et 6% en générant plus de valeur ajoutée sectorielle et de postes d’emploi.
Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO