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Entreprises cotées : la gouvernance, nouvel impératif stratégique

La gouvernance s’impose comme le socle stratégique d’une croissance durable. Dans sa première newsletter dédiée à la RSE, BMCE Capital Global Research met en lumière ce pilier souvent sous-estimé, révélateur de maturité autant que de compétitivité.

À mesure que la responsabilité sociale des entreprises gagne du terrain dans les bilans et les stratégies, un pilier longtemps relégué à l’arrière-plan s’impose comme un facteur central de performance durable. La gouvernance, longtemps perçue comme une affaire interne, devient un marqueur de solidité et un levier de confiance. C’est l’un des principaux enseignements de la première newsletter RSE publiée par BMCE Capital Global Research (BKGR), qui consacre un focus étayé à ce volet souvent négligé dans les débats sur l’ESG.

À l’origine centrée sur les grandes places financières des marchés matures, la grille de lecture ESG (Environnement, Social, Gouvernance) s’est mondialisée sous la pression conjuguée des régulateurs, des investisseurs institutionnels et des opinions publiques.

De ce triptyque, la gouvernance apparaît aujourd’hui comme la condition d’un alignement stratégique entre vision, éthique et performance. Elle assure la qualité de la décision, la gestion des risques, la transparence vis-à-vis des parties prenantes et, in fine, la création de valeur durable. BKGR souligne dans son analyse que ce facteur devient de plus en plus corrélé à la résilience financière des entreprises.

Ce constat se vérifie aussi bien dans les dynamiques boursières que dans les matrices de scoring ESG adoptées par les gestionnaires d’actifs. Les fonds d’investissement, sensibles aux critères extra-financiers, accordent désormais un poids croissant à la robustesse des mécanismes de gouvernance. Dans certains cas, ce facteur pèse autant, voire davantage, que l’empreinte environnementale ou l’impact social.

Le Maroc avance, mais à pas inégaux
Dans ce panorama en mutation, le Maroc tente d’amorcer une convergence. BKGR consacre une partie substantielle de sa newsletter à l’état des lieux local, en s’appuyant sur les données de l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC).

Depuis 2021, les sociétés cotées sont tenues de publier un rapport ESG. Ce document comprend une section dédiée à la gouvernance, abordant la composition des conseils, l’indépendance des administrateurs, les politiques d’éthique, les comités spécialisés et la prévention des conflits d’intérêt. Les avancées sont notables mais hétérogènes.

En 2023, 181 administrateurs indépendants ont été recensés parmi les 885 membres siégeant dans les conseils des émetteurs cotés. Cinq d’entre eux ne comptaient toujours aucun administrateur indépendant, contre douze une année auparavant.

BKGR note que 74% des comités d’audit respectaient les exigences de composition, contre seulement 59% en 2022. Ces chiffres signalent une progression, mais aussi une résistance de certains modèles d’entreprise peu enclins à la transformation. La question de la parité illustre également cette ambivalence.

Le pourcentage de femmes administrateurs est passé de 20% à 22% entre 2022 et 2023. Trente entreprises respectaient déjà en 2023 le quota de 30% de femmes dans les conseils, exigé à partir de 2024. Vingt-six d’entre elles sont cotées. Mais quatorze sociétés ne comptaient toujours aucune femme dans leur instance de gouvernance, tandis que seulement six étaient présidées par une femme.

Un verrou structurel à desserrer
Derrière ces chiffres se dessinent des lignes de fracture profondes. Le monde des grandes capitalisations semble engagé dans une dynamique de convergence avec les standards internationaux. Les PME et les entreprises à actionnariat familial, en revanche, demeurent souvent à la marge, prisonnières d’un modèle vertical, peu transparent et rétif à l’évolution.

BKGR insiste sur cette hétérogénéité, soulignant qu’elle freine l’émergence d’un socle solide de gouvernance à l’échelle nationale. Les raisons sont multiples.

Certaines relèvent de la culture d’entreprise, d’autres d’un manque de ressources ou de sensibilisation. Mais toutes convergent vers une même conclusion, sans un effort structurant, porté par les régulateurs, les acteurs de marché et les milieux économiques eux-mêmes, le Maroc risque de rester en retrait dans la compétition globale pour la durabilité.

La gouvernance ne doit plus être perçue comme une contrainte administrative ou un exercice de conformité. Elle est un révélateur de maturité, un vecteur de confiance, un catalyseur de croissance pérenne. Pour BKGR, elle constitue même le socle de l’architecture ESG. Dans un monde où les investisseurs exigent des garanties de soutenabilité, la gouvernance devient une condition d’accès aux capitaux et aux marchés.

Une opportunité à saisir
Le Maroc dispose des leviers pour franchir un cap. L’arsenal réglementaire se renforce. La culture de la transparence progresse. Les entreprises les plus en vue montrent l’exemple. Il reste désormais à enclencher un mouvement de fond, qui dépasse la simple conformité et s’inscrive dans une vision stratégique.

Dans ce sillage, le message de BMCE Capital Global Research est clair. La gouvernance représente une opportunité, celle de construire une entreprise résiliente, alignée sur les attentes globales et capable d’affronter les incertitudes. C’est aussi le moyen pour l’entreprise d’inscrire son action dans une économie durable, non par contrainte réglementaire, mais par choix stratégique et engagement sincère.

Un alignement international à plusieurs vitesses

À l’échelle globale, les grandes juridictions ont déjà intégré cette dimension. L’OCDE, par exemple, a défini un corpus de principes directeurs, qui imposent des standards élevés en matière de transparence, de traitement équitable des actionnaires, d’indépendance des conseils et de responsabilité des organes de surveillance. Les chiffres sont parlants.

Dans les pays de l’OCDE, plus de la moitié des membres des conseils d’administration sont indépendants. Aux États-Unis, cette proportion atteint 65%.

En France, elle dépasse 58%. La diversité progresse également, avec des femmes représentant 46% des administrateurs en France, 40% au Royaume-Uni et 33% aux États-Unis. Cette tendance traduit une transformation culturelle profonde, où l’équilibre des pouvoirs et l’inclusion deviennent des facteurs de performance reconnus.

Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO



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