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Financement de la TPE : Bank Al-Maghrib active le levier de la garantie

Près de 90% du tissu économique repose sur les très petites entreprises, qui peinent toujours à franchir la porte du crédit bancaire. Pour répondre à ce déséquilibre systémique sans compromettre la solidité du secteur, Bank Al-Maghrib construit autour de Tamwilcom une architecture prudentielle sur-mesure.

Sans garantie, sans bilan structuré ni cadre de notation commun, les très petites entreprises demeurent encore largement exclues du crédit bancaire, quand bien même elles forment l’ossature de l’économie.

Dans son dernier rapport sur la politique monétaire, Bank Al-Maghrib rappelle que les TPE, qui, pour rappel, représentent l’écrasante majorité des unités économiques du pays, continuent de rencontrer des obstacles structurels à l’accès au crédit avec «une part dans l’encours du crédit reste modeste».

Devant l’incapacité persistante des banques à jouer le jeu, Bank Al-Maghrib tente d’y répondre en construisant un cadre de régulation différenciée autour de Tamwilcom, établissement public de garantie appelé à devenir un rouage central du financement des TPE.

Vers un cadre sur mesure
Cet ajustement, mené sur le plan prudentiel, vient accompagner le programme de soutien au financement bancaire des TPE lancé par BAM en mars dernier, adossé à une ligne de refinancement à taux bonifié — inférieur de 25 points de base au taux directeur. Mais cette détente monétaire, bien que saluée, s’avère insuffisante. Pour éviter que la garantie publique offerte via Tamwilcom ne devienne, à terme, un facteur de fragilité, la banque centrale s’est engagée à définir un cadre prudentiel spécifique, adapté à l’activité de garantie.

«Ce n’est pas la première fois que nous faisons ce genre de travail. Nous l’avons déjà fait avec la CDG, pendant près de trois ou quatre ans, en vue de définir des règles prudentielles sur mesure», insiste Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, lors de la deuxième réunion trimestrielle de la banque centrale.

Dans le schéma retenu, les banques restent en première ligne pour les crédits inférieurs à un million de dirhams. Ce n’est qu’au-delà de ce seuil que Tamwilcom intervient en tant que garant. Ceci combiné à la mise en place d’une charte TPE en cours de finalisation, visant à fixer un cadre de suivi harmonisé entre les fédérations sectorielles, Maroc PME et le patronat, à même de garantir une évaluation et un reporting homogènes des risques. S’y ajoute l’instauration d’un système national de scoring. Selon Jouahri, ce référentiel «éviterait que chaque établissement n’apprécie différemment le même risque, l’un pouvant être plus restrictif, l’autre plus laxiste».

Impératif de solvabilité
Mais la question centrale reste celle des fonds propres. Tamwilcom dispose-t-il des marges suffisantes face aux garanties qu’il engage ? Le gouverneur se veut serein : «Aucune banque n’a remis en cause sa capacité à honorer ses engagements». D’où le cadre prudentiel en cours de préparation, que l’institution monétaire présente comme conforme aux principes de Bâle, tout en l’ajustant à la spécificité d’un établissement dont l’exposition repose sur des engagements de garantie, et non sur des prêts en compte propre.

Dans cette perspective, la qualité du portefeuille TPE devient, de fait, un paramètre central. Une hausse significative des défauts forcerait Tamwilcom à provisionner davantage, ce qui, mécaniquement, impliquerait un renforcement de son capital. Autrement dit, la garantie publique ne peut être un chèque en blanc, et doit reposer sur des mécanismes capables d’absorber les chocs, sans remettre en cause l’équilibre global du secteur financier.

«Qui dit trajectoire prudentielle dit nécessairement capital et fonds propres adaptés à l’activité concernée», insiste Jouahri.

Cet impératif de solvabilité s’inscrit dans une volonté plus large d’aligner les instruments de l’État sur les cycles économiques. Là où Intelaka avait été lancé dans l’urgence post-crise, avec une générosité budgétaire peu encadrée, le nouveau dispositif autour de Tamwilcom entend éviter les écueils.

C’est dans cet esprit que Bank Al-Maghrib a entamé des discussions avec les établissements bancaires, Tamwilcom et les institutions publiques concernées, afin de fixer des seuils de déclenchement des garanties cohérents avec le profil de risque des bénéficiaires.

Les délais de paiement prolongent l’asphyxie des trésoreries TPE

Les retards de paiement interentreprises constituent une réalité bien connue des opérateurs économiques. Pour les très petites entreprises, déjà fragilisées par leur faible capitalisation, ces délais sont un facteur de vulnérabilité chronique.

Bank Al-Maghrib le souligne dans son dernier rapport sur la politique monétaire : « Les retards de paiement, notamment entre entreprises, continuent de pénaliser les plus petites structures, affectant leur capacité à honorer leurs engagements».

Une faiblesse structurelle qui, à l’échelle des petites structures, fragilise la trésorerie et, in fine, entame leur capacité à s’adresser aux banques.

A défaut, c’est l’ensemble de la chaîne de financement qui demeure grippée. La banque centrale appelle ainsi à «accélérer la mise en œuvre de mesures encadrant les délais de paiement, en particulier dans les marchés publics », estimant qu’il s’agit là d’une condition essentielle pour asseoir durablement la solvabilité des TPE.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO



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