Baleària : la traversée vogue vers l’ère électrique

La ligne verte Tanger ville-Tarifa prend forme. Annoncée début mai, la future liaison maritime 100% électrique de Baleària entre le Maroc et l’Espagne se précise. Deux fast ferries à zéro émission entreront en service d’ici 2027 pour relier Tanger Ville à Tarifa. Un projet d’envergure, à la fois technologique, environnemental et géopolitique, qui illustre la montée en puissance d’un nouveau modèle de navigation durable en Méditerranée.
On en sait désormais davantage sur la ligne maritime verte annoncée par Baleària début mai. La compagnie maritime espagnole entend imposer un nouveau tournant dans les liaisons entre l’Europe et l’Afrique en dévoilant, depuis le port de Tanger Ville, un projet technologique et environnemental d’envergure.
À l’horizon 2027, deux fast ferries entièrement électriques assureront la liaison entre Tanger ville et Tarifa, au sud de l’Espagne. Porté par un partenariat public-privé à forte intensité technologique, ce projet constitue une première mondiale sur une ligne internationale régulière.
Un nouveau modèle de navigation
Derrière ce projet ambitieux, la promesse de faire de la ligne Tarifa-Tanger ville le premier «couloir vert» transcontinental en mer. En mai dernier, Baleària a pris les commandes de cette liaison stratégique, après avoir remporté l’appel d’offres lancé par l’Autorité portuaire de la Baie d’Algésiras (APBA) pour une durée de 15 ans.
Si la compagnie exploite actuellement la ligne avec des ferries à motorisation classique, c’est une tout autre expérience qu’elle prépare à moyen terme. Les deux navires jumeaux, dont la construction est confiée aux chantiers navals espagnols Armon, seront les premiers de leur catégorie à être entièrement propulsés par l’électricité. Avec 16 mégawatts de puissance électrique délivrés par quatre moteurs, alimentés par des batteries de 11.500 kWh, chaque catamaran effectuera la traversée de 18 milles nautiques sans émission, sans bruit et sans vibration.
«Ce seront des trajets complètement décarbonés, qui répondront dès 2027 aux objectifs climatiques fixés à l’horizon 2050», a souligné Georges Bassoul, directeur général de Baleària.
Une coopération bilatérale visible
La présentation officielle du projet à Tanger a rassemblé près de 200 invités, dont plusieurs représentants des institutions marocaines et espagnoles. Le ministre du Transport, Abdessamad Kayouh, y côtoyait l’ambassadeur d’Espagne Enrique Ojeda, le président du port de Tanger ville, Mohamed Ouanaya, ainsi que des représentants du gouvernement espagnol et de l’Autorité portuaire de la baie d’Algésiras. Tous ont salué ce projet qui met en avant les synergies croissantes entre les deux rives du détroit en matière de transport durable.
Des ports prêts pour la transition
Pour garantir l’efficacité de cette liaison nouvelle génération, Baleària investit également dans l’infrastructure terrestre. À Tanger comme à Tarifa, des installations de recharge rapide seront mises en place.
Chaque port disposera d’un système de stockage de batteries d’une capacité brute de 8 MWh, complété par un apport en électricité terrestre de 8 MW à Tanger et 5 MW à Tarifa. Deux bras robotiques autonomes, conformes au système OPS (Onshore power system), permettront de connecter les navires en escale et de recharger leurs batteries en seulement 40 minutes.
Au total, la capacité de stockage atteindra 39 MWh, soit l’équivalent énergétique de 765 voitures électriques. Cette logistique portuaire avancée marque un pas important vers la décarbonation du transport maritime. Selon Baleària, la mise en service des deux catamarans permettra d’éviter chaque année l’émission de 44.000 tonnes de CO₂ équivalent.
Confort et performance au rendez-vous
Si la performance énergétique est au cœur du projet, le confort des passagers n’est pas en reste. Les navires de 25 mètres de large offriront des intérieurs lumineux et spacieux, capables d’accueillir jusqu’à 804 passagers et 225 véhicules.
Le design a été optimisé pour les spécificités des ports de Tarifa et Tanger, s’inspirant de celui des deux ferries au gaz naturel déjà exploités par Baleària aux Baléares. Une attention particulière a été portée à la stabilité en mer, grâce à un système T-Foil qui atténue le tangage, et à la manœuvrabilité améliorée, avec deux propulseurs d’étrave et quatre gouvernails. Deux rampes arrière à grande capacité garantiront une fluidité optimale lors des opérations portuaires.
Une stratégie d’entreprise alignée sur la neutralité carbone
Ce projet s’inscrit dans une trajectoire plus large de transition énergétique portée par Baleària. Avec déjà onze navires au gaz naturel et deux à propulsion électrique, la compagnie mise sur une flotte éco-efficiente et intelligente pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Elle affirme avoir réduit de près de 10% son empreinte carbone par passager en 2024, notamment grâce à l’optimisation des performances de navigation et au recours croissant à des énergies propres.
Depuis près de deux décennies, Baleària construit patiemment une présence durable et stratégique entre le Maroc et l’Espagne, jalonnée d’étapes structurantes. En 2003, la compagnie inaugure sa première ligne internationale dans le détroit de Gibraltar, reliant Tanger à Algésiras. Quatorze ans plus tard, en 2017, elle étend sa couverture à la mer d’Alboran avec l’ouverture de la liaison Nador-Almeria, marquant ainsi une deuxième connexion maritime directe avec le Royaume.
En 2022, c’est au tour du fret d’être renforcé avec la mise en place d’une ligne dédiée entre Tanger Med et Motril, destinée à soutenir le transport de marchandises. Un parcours progressif qui témoigne de l’ancrage de la compagnie dans la région et de sa volonté d’accompagner la transition écologique des liaisons transméditerranéennes.
Adolfo Utor
Président de Baleària
«Ce projet ne se limite pas à une avancée technologique. Il incarne un lien durable et vert entre deux nations unies par des relations profondes, qu’elles soient historiques, culturelles, économiques ou commerciales. Porté par un partenariat public-privé innovant et à la pointe de la technologie, il permettra pour la première fois d’assurer une traversée entièrement alimentée par l’énergie électrique, sans aucune émission.»
DNES à Tarifa, Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO