Rapport UNFPA : Fonder une famille devient un combat

Alors que les débats sur la démographie s’intensifient, le Maroc se retrouve face à une réalité silencieuse mais cruciale. De nombreux citoyens ne peuvent pas fonder la famille qu’ils désirent, faute de moyens, de services adaptés ou d’environnement favorable.
Et si la plus grande crise démographique n’était ni la surpopulation ni le vieillissement, mais bien l’impossibilité pour des millions de personnes de décider librement d’avoir un enfant ou non. C’est le constat sans détour que dresse le rapport 2025 de l’UNFPA, qui replace au centre du débat un facteur souvent ignoré, celui des désirs individuels. Au Maroc, les données confirment un écart grandissant entre les aspirations des individus en matière de fécondité et les conditions réelles qui leur sont offertes pour les concrétiser.
Des projets familiaux qui se heurtent à la réalité
«Beaucoup trop ne sont pas en mesure d’exercer un véritable choix sur ces questions, pourtant parmi les plus intimes et les plus fondamentales de leur existence», souligne l’UNFPA. Dans les 14 pays étudiés, dont le Maroc, près d’un adulte en âge de procréer sur cinq déclare qu’il n’aura probablement pas le nombre d’enfants souhaité.
Les raisons varient, mais une constante demeure, celle de l’environnement, qu’il soit économique, social ou sanitaire, empêche l’expression libre du désir d’enfant.
Au Maroc, 47 % des personnes interrogées évoquent les contraintes financières comme principal frein. Les problèmes de logement, l’absence de services de garde abordables ou encore la précarité de l’emploi viennent s’ajouter à cette pression.
La parentalité n’est plus un choix mais une équation
Dans le Royaume, avoir un enfant devient moins un projet naturel qu’un compromis dicté par les moyens. «Cette incapacité des individus à réaliser leurs aspirations procréatives constitue précisément la véritable crise de la fécondité», explique le rapport.
Si certains se retrouvent avec plus d’enfants qu’ils ne le désiraient à l’origine, d’autres, et ils sont nombreux, revoient leurs ambitions à la baisse. Le taux de personnes qui ont changé d’avis en cours de route est particulièrement élevé au Maroc, ce qui traduit un climat d’incertitude persistant.
Les femmes en première ligne de l’injustice reproductive
Dans le rapport, l’UNFPA rappelle qu’«une femme sur quatre ne peut pas prendre de décisions concernant sa santé» et qu’«une sur dix n’est pas en mesure de décider si elle souhaite avoir recours à la contraception». Au Maroc, ce déséquilibre prend aussi la forme d’inégalités dans le couple.
Le manque d’implication du partenaire dans l’éducation des enfants ou les tâches domestiques est mentionné par 13% des femmes marocaines. Cette proportion, presque deux fois plus élevée que celle des hommes, traduit une pression genrée encore tenace et une attente générationnelle de plus en plus affirmée en faveur d’une parentalité partagée.
Un soutien structurel encore trop fragile
L’accès aux soins de santé reproductive est une condition nécessaire mais non suffisante. Le rapport insiste sur la nécessité d’un environnement globalement favorable à l’autonomie. Il ne s’agit pas uniquement d’éviter des grossesses non désirées, mais de permettre à chacun de décider, dans la dignité, s’il veut ou non avoir des enfants.
«Le libre arbitre en matière de procréation ne se réduit pas à l’absence de contrainte ou à un meilleur accès aux services», rappelle l’UNFPA. Il suppose une égalité des genres réelle, des politiques de soutien aux familles, un climat social propice et une confiance dans l’avenir.
Changer de regard sur la démographie
Face aux discours alarmistes sur la chute des naissances ou la pression démographique, l’UNFPA appelle à recentrer le débat sur les droits humains. «Le problème n’est pas le nombre d’enfants par femme, mais l’impossibilité pour beaucoup d’en avoir autant qu’ils le souhaitent, ou de ne pas en avoir du tout», souligne la même source.
Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO