Marché Obligataire : un cycle de taux apaisé

La dernière analyse de BMCE Capital global research met en lumière une accalmie progressive sur les marchés des taux au Maroc. Entre stabilisation du TMP, recul des rendements obligataires et interventions mesurées de Bank Al-Maghrib, le marché semble amorcer une phase de consolidation.
À la lecture du dernier «Fixed income weekly» de BMCE Capital global research (BKGR), une conviction s’impose. Le marché obligataire entre dans une phase d’assainissement mesuré, soutenu par la maîtrise des liquidités et une détente continue des rendements, tant sur le primaire que sur le secondaire. Si l’embellie semble s’installer, elle traduit avant tout un pilotage prudent de la part de Bank Al-Maghrib (BAM) et un repositionnement stratégique du Trésor.
Une détente pilotée du marché monétaire
La semaine écoulée a confirmé la poursuite de l’allègement du déficit de liquidité bancaire. Celui-ci s’est replié de 4,97%, pour s’établir à 135,8 milliards de dirhams (MMDH) en moyenne, selon BKGR. En même temps, les avances à 7 jours consenties par la Banque centrale ont reculé de 6,1 MMDH, pour atteindre 43,02 milliards.
Un niveau cohérent avec la stabilité du taux interbancaire TMP à 2,25% et une légère progression du MONIA, l’indice de référence sans risque à un jour, qui s’inscrit à 2,206%.
La lecture de cette configuration confirme le rôle régulateur de BAM, qui ajuste ses interventions pour maintenir les taux de financement proches du taux directeur. Pour la période à venir, BKGR prévoit d’ailleurs une hausse du volume d’intervention de la Banque centrale, qui porterait les avances à 7 jours à 46,5 MMDH.
Tensions apaisées sur le marché primaire
L’accalmie observée sur le marché monétaire se reflète désormais dans le compartiment des adjudications du Trésor. Lors de la dernière séance, ce dernier n’a levé que 2,1 milliards, soit 24% du montant proposé. Un sous-objectif assumé qui traduit une stratégie de financement opportuniste, visant à capitaliser sur les conditions favorables de taux tout en maîtrisant le coût de la dette.
Les baisses des taux sont pour leur part parlantes avec -18 points de base (pbs) sur la maturité 26 semaines, -15,3 pbs sur 5 ans et -30,9 pbs sur 15 ans. Les lignes servies témoignent d’un recentrage vers des maturités plus longues, comme le confirme l’adjudication à 15 ans à 3,1547%.
BKGR y voit une tendance vers l’allongement de la duration de la dette, permise par l’ancrage des anticipations d’inflation et la stabilité macroéconomique.
Le secondaire emboîte le pas
C’est sur le marché secondaire que la détente prend toute sa mesure. La courbe des taux poursuit sa décrue, avec une baisse marquée sur les maturités courtes, à savoir -21,73 pbs sur la ligne 26 semaines et -11,58 pbs sur un an. Les obligations à 5 ans cèdent -5,39 pbs, tandis que la courbe longue affiche également un léger repli, hormis la ligne 30 ans, quasiment inchangée (+0,07 pbs).
La baisse globale s’étend de la courte maturité à la longue, dans un contexte où les anticipations de baisse du taux directeur restent contenues.
BKGR interprète cette dynamique comme la conséquence logique de l’action conjointe de la Banque centrale et du Trésor, qui, en multipliant les interventions calibrées, contribuent à désamorcer les tensions latentes et à assainir la structure des taux.
Une stabilisation à l’horizon
Du côté des prévisions, BKGR table sur un marché obligataire relativement stable dans les semaines à venir. Si des levées plus importantes du Trésor sont attendues, celles-ci devraient s’effectuer dans un environnement maîtrisé, avec un effet modérateur apporté par l’augmentation des placements du Trésor sur le marché monétaire.
L’analyse laisse entrevoir une forme de consensus implicite : l’heure est à l’optimisation des conditions de financement, dans l’attente d’une inflexion de politique monétaire plus franche. En filigrane, c’est aussi l’adéquation des anticipations de marché avec les signaux émis par BAM qui se vérifie.
Une dette privée encore timide
Dans ce contexte, la dette privée reste discrète. Deux émissions de certificats de dépôt par CFG Bank sont à signaler : une à un an avec un taux facial de 2,55%, l’autre à trois mois à 2,25%. BKGR ne signale aucune nouvelle émission obligataire ou de bons de sociétés de financement, ce qui témoigne d’une activité encore prudente sur ce segment.
Le marché reste centré sur les instruments les plus liquides, à faible risque. BMCE Capital global research dresse le portrait d’un marché des taux en phase de stabilisation active.
Loin d’un emballement, c’est l’image d’une consolidation méthodique qui se dessine, celle d’un pilotage macrofinancier prudent, où la détente des taux se conjugue à une discipline budgétaire renouvelée. Une trajectoire à surveiller, à l’heure où les grandes banques centrales, de Francfort à Washington, préparent aussi leur prochain virage.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO