Gazoduc Nigéria-Maroc : une joint-venture dans les tuyaux

Le Maroc et le Nigéria lanceront bientôt une entreprise commune qui pilotera la construction et l’exploitation du futur Gazoduc africain atlantique. Ce mégaprojet stratégique, dont le tracé final a été défini, pourra notamment s’appuyer sur l’expertise du Sénégal et de la Mauritanie, désormais producteurs et exportateurs de gaz naturel liquéfié.
Le projet de Gazoduc africain atlantique (AAGP), devant relier le Nigéria au Maroc, avance doucement, mais sûrement. Après l’achèvement des études de faisabilité et d’ingénierie préliminaires, ce mégaprojet franchira bientôt une étape décisive, avec la création d’une «société à vocation spéciale» qui sera pilotée par Rabat et Abuja. L’annonce a été faite par la ministre de la Transition énergétique et du développement durable, Leila Benali, le 13 mai, lors de la séance hebdomadaire des questions orales à la Chambre des conseillers.
Cette dernière a également révélé la finalisation du tracé optimal de ce futur pipeline. Cette déclaration confirme l’information publiée le 22 novembre dernier par le média spécialisé «Asharq business Bloomberg», faisant état de la création d’une future société chargée de gérer la construction, l’exploitation et la maintenance du gazoduc.
Le portail annonçait aussi le lancement, cette année, des premiers appels d’offres pour la première phase Maroc-Mauritanie-Sénégal, ainsi que la signature d’accords complémentaires entre les trois pays pour le transport de gaz.
30 à 40 milliards de mètres cubes par an
L’AAGP, fruit d’une collaboration entre la Nigeria national petroleum corporation (NNPC) et l’Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM), regroupe le projet d’extension du gazoduc Maroc-Nigéria (budget prévisionnel de 25 milliards de dollars), prévu sur un tracé de 5.669 km, et le gazoduc ouest-africain (975 millions de dollars), d’une longueur de 678 km.
Début mai, Benali avait annoncé au Parlement une contribution des Emirats Arabes Unis au financement, aux côtés d’autres partenaires comme la Banque européenne d’investissement (BEI), la Banque islamique de développement (BID), et le Fonds de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP).
Ce mégaprojet partira du Nigéria et traversera treize pays de la côte ouest-africaine ainsi que trois pays enclavés (Mali, Burkina Faso et Niger), pour atteindre le Maroc, où il sera connecté au Gazoduc Maghreb-Europe (GME), puis à l’ensemble du réseau gazier européen.
Dans le Royaume, il est prévu de connecter le réseau gazier national à cette infrastructure gazière via un terminal méthanier qui sera érigé au port de Dakhla Atlantique. D’une capacité annuelle de 30 à 40 milliards de mètres cubes (m3) de gaz, le pipeline permettra de fournir de l’énergie à 400 millions de personnes établies dans les seize pays traversés, et de transporter, chaque année, 18 milliards de m3 de gaz vers l’Europe.
Premiers tronçons attendus en 2029
Parallèlement aux études de faisabilité et d’ingénierie, celles relatives aux études météorologiques et océaniques (Meteocean Survey) ont été menées, depuis février dernier, par l’entreprise britannique RPS et l’Institut national de recherches halieutiques (INRH). Ils ont déployé des équipements spécialisés sur les fonds marins, à proximité des points d’atterissage (Landfalls) prévus pour le gazoduc, au Maroc, en Mauritanie et au Sénégal.
Ces instruments, qui vont enregistrer des informations précieuses sur les courants marins, la température de l’eau, les vagues et la densité de l’eau, permettront de collecter des données précises sur l’environnement et l’écosystème marin. Sur le terrain institutionnel, les choses avancent aussi.
L’accord intergouvernemental (IGA) a été adopté par les ministres de l’Energie des pays membres de la CEDEAO, du Maroc et de la Mauritanie en novembre 2024 à Abuja, au Nigéria, et sera soumis aux chefs d’Etat. D’après la directrice générale de l’Onhym, Amina Benkhadra, la décision d’investissement progresse, avec la perspective de mise en service des premiers tronçons en 2029.
Mauritanie-Sénégal : deux pays gaziers qui alimenteront le futur gazoduc
Le Sénégal et la Mauritanie sont devenus des producteurs de gaz naturel liquéfié (GNL), après la mise en service fin 2024 du projet Grand Tortue Ahmeyim (GTA), un champ gazier situé aux larges des côtes des deux pays, qui l’ont déclaré «projet d’importance nationale stratégique».
Exploité par la compagnie britannique British Petroleum (BP), l’américain Kosmos Energy, la Société des pétroles du Sénégal (Petrosen) et la Société mauritanienne des hydrocarbures (SMH), ce champ gazier est l’un des plus profonds en Afrique, avec des ressources gazières localisées à des profondeurs allant jusqu’à 2.850 mètres sous l’eau.
Actuellement dans sa phase 1, GTA permettra de produire, une fois totalement opérationnel, environ 2,4 millions de tonnes de GNL par an. Mi-avril dernier, BP avait annoncé le chargement de la première cargaison de GNL issu de ce gisement, faisant entrer les deux pays dans le cercle des exportateurs de gaz. Une avancée majeure qui permettra à Dakar et Nouakchott de jouer un rôle déterminant dans le futur Gazoduc africain atlantique.
Elimane Sembène / Les Inspirations ÉCO