Conjoncture : la demande intérieure sauve la mise

Portée par une consommation intérieure dynamique et une reprise de certaines branches stratégiques, l’économie marocaine entame 2025 avec confiance, confirmant ainsi une résilience notable, malgré les vents contraires. Mais les incertitudes internationales continuent de peser sur la trajectoire de croissance.
Après une année 2024 marquée par une alternance d’accélérations et de ralentissements de l’économie marocaine, elle semble évoluer vers un cap plus stable en ce premier trimestre 2025. Selon la Note de conjoncture du HCP (Haut-commissariat au plan), la croissance aurait atteint 4,2% au premier trimestre 2025, contre 3,6% à la fin de l’année précédente. Un redressement porté essentiellement par les services, les industries extractives, la construction et une timide reprise de l’activité agricole.
Bons auspices
Tout porte à croire que le deuxième trimestre s’annonce également sous de bons auspices, avec une prévision de croissance à 3,8%, bien que le contexte international demeure incertain. Comme la performance du pays s’appuie essentiellement sur la vigueur de la demande intérieure, les dépenses de consommation des ménages ont enregistré une hausse de 4,5%, stimulées par les récentes mesures fiscales et sociales, notamment l’allègement de l’impôt sur le revenu et la revalorisation des salaires dans le secteur public et privé.
Ce soutien à la consommation est d’autant plus notable qu’il intervient dans un contexte de reprise de l’inflation. Il ressort de la note du HCP que celle-ci s’est établie à 2,2% au premier trimestre 2025, après avoir été contenue à 0,7% trois mois plus tôt.
Cette hausse s’explique par l’augmentation de 3,7% des prix alimentaires, principalement ceux de la viande rouge, des poissons frais et des légumes. Le renchérissement de certains produits non alimentaires, comme l’énergie (+1%), a également contribué à ce rebond inflationniste. Si la demande intérieure s’avère robuste, le commerce extérieur continue de jouer un rôle restrictif.
Les exportations de biens ont progressé de 9,2%, tirées notamment par les industries chimiques, électroniques et électriques. Mais cette dynamique reste insuffisante face à une hausse des importations de 15,6%, notamment en produits énergétiques, demi-produits et biens de consommation. Résultat des courses, une contribution négative du solde extérieur à la croissance estimée à -1,1 point, et un taux de couverture en recul de 5 points par rapport à l’année précédente.
Face à ces déséquilibres, la politique monétaire a maintenu son cap expansionniste. Bank Al-Maghrib a abaissé son taux directeur de 25 points de base en mars 2025, le fixant à 2,25%. Ce qui s’est répercuté positivement sur la liquidité bancaire. Les effets se font également sentir sur le marché obligataire avec les taux des bons du Trésor à 1, 5 et 10 ans qui ont tous reculé de manière significative.
Embellie du marché financier
La Bourse de Casablanca continue de profiter de cet environnement favorable. En effet, l’indice MASI a enregistré une progression de 36,5% au premier trimestre, dans la continuité de sa hausse de 22,2% à fin 2024.
Cette envolée s’accompagne d’une augmentation de 37,8% de la capitalisation boursière et d’un bond de 186% du volume des transactions, témoignant d’un regain de confiance des investisseurs. Par ailleurs, par branche d’activité, ce sont les services marchands, les industries extractives et la construction qui ont tiré la croissance. L’hébergement et la restauration ont connu une progression notable (+13,2%), tout comme les activités minières (+6,7%) et le bâtiment (+6,4%). L’agriculture a enregistré une hausse modeste de 3,1%, grâce au redressement des cultures maraîchères et fruitières, notamment les agrumes.
En revanche, l’industrie manufacturière affiche une croissance plus modérée (+3,2 %), freinée par le ralentissement de la demande étrangère. Malgré cette dynamique globale, des risques pèsent sur les perspectives.
Le report de 90 jours de l’entrée en vigueur de nouvelles hausses tarifaires américaines a offert un répit. Mais les effets anticipés sont déjà visibles sur les marchés, à savoir volatilité des matières premières, ralentissement industriel en Europe et tensions sur les marchés financiers.
Ces incertitudes rendent la projection pour le second trimestre fragile, et la probabilité d’un choc à court terme, bien que repoussée, reste présente. Le Maroc semble donc engagé sur la voie d’un redressement économique solide mais encore fragile.
La résilience interne ne suffira pas à elle seule à protéger l’économie des turbulences mondiales. La stratégie des mois à venir devra allier vigilance, soutien à l’investissement productif et renforcement de la souveraineté commerciale pour consolider les acquis de ce début d’année.
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO