Maroc

Flambée du café : la riposte défensive du Maroc

Alors que les cours du café s’envolent à l’échelle mondiale sous l’effet des perturbations climatiques et des tensions géopolitiques, le Maroc tente de contenir le choc. Grâce à une politique douanière ciblée et un renforcement de la torréfaction locale, le Royaume amortit les hausses tout en structurant un marché encore largement dominé par le thé. Mais la volatilité des cours mondiaux et la faible percée à l’export soulèvent encore des interrogations.

Le marché mondial du café connaît une flambée des cours sans précédent. Cette hausse généralisée des prix s’explique par plusieurs facteurs, notamment les conditions météorologiques défavorables dans les principales zones de production.

En 2024, les cours du café, qu’il s’agisse de l’Arabica ou du Robusta, n’ont cessé de grimper, atteignant des sommets inédits sur les marchés internationaux. Cette envolée s’explique d’abord par une tension physique sur l’offre. Les récoltes, frappées par des aléas climatiques de plus en plus fréquents, peinent à répondre à la demande. Mais au-delà du déséquilibre conjoncturel, c’est une recomposition plus profonde qui semble à l’œuvre.

Le réchauffement climatique accélère l’érosion des zones de culture, tandis que les instabilités géopolitiques complexifient les circuits d’approvisionnement.

Résultat : le café devient une denrée plus rare et plus chère. À travers cette recomposition, une question s’impose, entrons-nous dans une ère de volatilité chronique et de polarisation du marché caféier mondial ?

Un marché sous pression
Face à ce choc, le Maroc a fait le choix d’agir. Déjà, la Loi de finances 2023 a abaissé le droit d’importation sur le café «vert» non torréfié de 10% à 2,5%. Une mesure saluée tant par les industriels que par les consommateurs.

«Cette réduction tarifaire a permis de contenir l’impact de la hausse mondiale tout en dynamisant le tissu industriel national. Les investissements se sont multipliés dans les unités de torréfaction, générant des milliers d’emplois. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les importations de café vert sont passées de 44.140 tonnes en 2023 à 54.508 t en 2024, tandis que les volumes de café torréfié consommé en l’état n’ont progressé que modestement, soit de 2.790 à 3.426 t. Cette croissance s’explique par un renforcement des capacités locales de transformation, confortant le choix de miser sur la valeur ajoutée industrielle», relate Mohamed Astaib, président de l’Association marocaine des industriels du thé et du café (AMITC).

Il convient toutefois de noter que l’approvisionnement du marché en cette denrée est assuré, d’une part, par les industriels spécialisés dans la torréfaction des grains de café «vert» importés par les unités de transformation, et, d’autre part, par les divers importateurs de café «torréfié» consommable en l’état importé de plusieurs pays. Cette structuration a ouvert le champ à un marché du café torréfié conditionné de plus en plus compétitif et attractif aussi bien pour les industriels torréfacteurs locaux que pour les importateurs de marques étrangères.

«Mais encore faut-il au préalable s’assurer de l’existence d’un marché très porteur où l’offre serait inférieure à la demande, ce qui ne semble pas être le cas aujourd’hui, car le marché marocain est surtout connu pour son engouement séculaire pour la consommation de thé vert, notamment dans les zones rurales. Alors que le café demeure une boisson citadine», affirme Astaib.

Toutefois, poursuit-il, il y a lieu de signaler que la politique touristique agressive menée par le Maroc et les perspectives de l’organisation de la Coupe du Monde, conjuguées avec l’accroissement du taux d’urbanisation du pays, sont autant de facteurs positifs pour booster la consommation intérieure du café et ainsi développer davantage cette industrie.

Une aubaine à saisir
Sur le front des exportations, le constat est plus nuancé. Les volumes à l’international restent timides, d’où l’appel de l’AMITC qui exhorte l’accompagnement des ministères concernés pour saisir les débouchés, notamment sur le marché africain, lequel est perçu par les industriels comme un relais de croissance. Mais derrière la dynamique industrielle et l’abondance sur les étals, une autre réalité se dessine, celle des prix.

A ce sujet, les industriels supposent que dans un environnement empreint d’une forte volatilité et d’incertitude, le secteur est dans l’incapacité de maîtriser les augmentations futures des prix transactionnels sur les marchés de référence. Puisque la fluctuation des prix de toute denrée alimentaire d’origine agricole dépend intrinsèquement des conditions spécifiques de production, qu’elles-mêmes sont tributaires de facteurs exogènes imprévisibles. C’est précisément cette incertitude structurelle qui justifie une vigilance accrue des autorités publiques.

Le café est aujourd’hui classé parmi les denrées alimentaires dites «stratégiques», au même titre que le blé ou le thé. Il fait ainsi l’objet d’un suivi constant, notamment en ce qui concerne les stocks de sécurité et les niveaux de prix pratiqués sur le marché intérieur.

La suspension temporaire des droits d’importation de certains produits, dont le café, a permis d’amortir le choc de cette flambée, en attendant une accalmie sur les marchés internationaux. À cette pression des prix s’ajoute un contexte international incertain. La récente décision des États-Unis d’appliquer des droits de douane supplémentaires pourrait redistribuer les cartes du commerce mondial.

Le Maroc, malgré l’existence d’un accord de libre-échange avec Washington, voit ses produits taxés à 10%. Paradoxalement, cette situation pourrait constituer une opportunité stratégique, à en croire les industriels de café.

Ce différentiel fiscal pourrait offrir au Maroc un avantage compétitif sur certains marchés tiers. Reste à savoir si le Maroc saura capitaliser sur cette conjoncture mouvementée pour structurer une véritable filière. Car si le café cristallise aujourd’hui de nombreuses incertitudes, il pourrait bien devenir demain l’un des piliers d’une stratégie agro-industrielle repensée.

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO



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