Maroc

Places financières : Casablanca conserve son capital séduction

Dans la lutte à couteaux tirés à laquelle se livrent les métropoles pour attirer les flux de capitaux, Casablanca parvient à tirer son épingle du jeu. Selon le dernier classement du Global Financial Centres Index, la capitale économique conforte son statut de première place financière en Afrique, malgré une concurrence régionale de plus en plus affirmée. Classée dans la catégorie «Global Contender», la place est perçue comme internationale, certes, mais toujours en phase de structuration. 

Une place financière ne se mesure pas à la hauteur de ses gratte-ciel ni aux volumes d’échange, mais à sa capacité à offrir un cadre stable, et un environnement bien arrimé aux flux économiques et financiers internationaux.

Sur ce registre, Casablanca consolide année après année sa position de place financière incontournable sur le continent. Selon la dernière édition du Global Financial Centres Index, la métropole se maintient en tant que première place financière d’Afrique, mais occupe le 56e rang mondial avec un score de 696 points.

Dans la région Mena, la concurrence se veut plus rude. Dubaï, désormais 12e, confirme son statut de place mondiale, tandis qu’Abou Dhabi (38e), Maurice (58e) et Kigali (72e) cherchent à grignoter des parts de marché. Il faut dire que Casablanca table surtout sur ses acquis.

Car au-delà de ce positionnement général, certains signaux inquiètent. La capitale économique du Maroc perd 17 places dans le classement dédié aux FinTech, reculant de la 52e à la 69e position. Un indicateur qui traduit la difficulté de la place à s’inscrire dans l’évolution des marchés, dominée par la montée en puissance des technologies financières.

Ce décrochage révèle un écosystème encore peu structuré. Si Casablanca ne figure dans aucun des cinq grands secteurs du classement sectoriel (banque, assurance, investissement, régulation ou services professionnels), selon les données du GFCI 37, elle est toutefois citée parmi les 15 centres jugés «en devenir» par les professionnels sondés, aux côtés de Kigali, GIFT City ou Riyad.

Classée comme «Global Contender», la place reste perçue comme une plateforme internationale encore en phase de structuration, avec un socle d’activités qui manque de profondeur sectorielle. En cela, le classement livre moins une reconnaissance d’une performance réelle que celle d’un potentiel encore en gestation. Sur le terrain, plusieurs éléments donnent pourtant matière à nuancer ce tableau.

Casablanca Finance City (CFC) a récemment réorienté sa stratégie vers des segments porteurs comme la finance durable, les green bonds ou le capital-investissement à l’échelle africaine. Plusieurs réformes réglementaires sont à l’œuvre, telles que l’allègement progressif du régime de change, la mise en branle du cadre légal pour le financement participatif, en plus d’incitations fiscales ciblées.

Ces initiatives, si elles parviennent à maturité, pourraient repositionner la ville comme hub régional structurant. Pour autant, dans les bilans des grandes firmes de conseil, le Maroc apparaît davantage comme une passerelle que comme un pôle d’attraction en soi.

Dans les rapports publiés par EY, Deloitte ou encore PwC, Casablanca est systématiquement décrite comme une porte d’entrée vers l’Afrique, mais rarement comme un marché de capitaux à part entière. La faiblesse persistante des volumes échangés à la Bourse de Casablanca, malgré les efforts de modernisation, continue de peser sur sa crédibilité internationale.

Ce constat dépasse largement le cadre local. À l’échelle du continent, le dernier classement GFCI révèle l’absence de centres africains dans le top 50 mondial. Seuls trois autres noms apparaissent : Maurice, Kigali et Le Caire.

À l’exception de Casablanca, aucun ne semble pour l’heure disposer de l’infrastructure, des compétences et de la profondeur financière nécessaires pour rivaliser à l’échelle mondiale. Idem pour le créneau porteur des Fintech, où le continent peine à faire émerger des pôles visibles. Nairobi et Johannesburg, pourtant actifs, restent en bas du classement des technologies financières.

L’analyse des trajectoires gagnantes dans le classement révèle une constante. Seules les places combinant innovation, stabilité juridique et connectivité globale parviennent à se hisser en haut du classement. C’est le cas de Singapour, de Shenzhen ou de Riyad, toutes portées par des politiques publiques offensives, une régulation cohérente et un soutien massif à l’innovation.

A contrario, des villes comme Tel-Aviv, San Diego ou Sao-Paulo régressent, pénalisées par un manque de visibilité et/ou un environnement jugé instable. Dans ce paysage en recomposition permanente, Casablanca conserve son rang sans parvenir pour le moment à affirmer sa singularité.

Global Financial Centres Index, baromètre discret des puissances financières

Le Global Financial Centres Index (GFCI) constitue, depuis sa création en 2007, un outil de référence pour évaluer la compétitivité des places financières. Élaboré par le cabinet britannique Z/Yen Group, en partenariat avec le China Development Institute de Shenzhen, ce classement repose sur une méthodologie qui allie les données objectives en plus de la perception des professionnels.

La classement agrège des indicateurs issus de sources reconnues telles que la Banque mondiale, l’OCDE ou le FMI, et compile plusieurs dizaines de milliers d’évaluations qualitatives.

Cette double approche offre au GFCI une légitimité certaine dans les cercles économiques, d’autant plus qu’il n’est ni sponsorisé par une instance étatique, ni adossé à une institution financière, ce qui lui confère une certaine crédibilité dans les milieux financiers.

Sa 37e édition, publiée en mars 2025, couvre 119 centres à travers le monde. Casablanca y figure comme «Global Contender», une catégorie intermédiaire traduisant l’ambition d’un centre encore en devenir.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO



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