Impôt sur le revenu : primes de bilan, retraites… les nouveaux dispositifs

La réforme de l’impôt sur le revenu (IR) a impacté les bulletins de paie des salariés. La circulaire de la Direction générale des impôts (DGI) précise les nouvelles règles, notamment sur les primes, les rappels de salaires et les exonérations liées aux contrats Anapec. Si la réforme vise à alléger la fiscalité, elle impose des ajustements, notamment sur la notion de «revenu acquis» et les exonérations fiscales, touchant ainsi de nombreux travailleurs.
Depuis fin 2024, des milliers de salariés ont relevé l’impact de la réforme de l’impôt sur le revenu (IR) sur leur bulletin de paie. La circulaire de la Direction générale des impôts (DGI), relative à la Loi de finances (téléchargeable sur notre site www.leseco.ma), apporte l’exégèse de dispositions fiscales.
Concernant les primes de rendement ou les rappels de salaires, attention à la notion de «revenu acquis» qui est le critère d’arbitrage pour l’application du nouveau barème de l’IR. Un verrou est par ailleurs posé à l’exonération greffée aux «contrats Anapec» afin de lutter contre l’effet d’aubaine de cette incitation et son abus.
Bonus, primes : Attention à la notion de revenu acquis !
La réforme de la grille des taux de l’impôt sur le revenu (IR) est sans doute par la taille de sa cible, la mesure la plus visible par les Marocains. La baisse de l’IR s’applique au revenu acquis à compter du 1er janvier 2025. Attention, le diable est dans les détails.
Pour de nombreux cas, tout est dans l’expression «revenus acquis». En effet, au sens de la doctrine fiscale, les revenus acquis correspondent à ceux sur lesquels le contribuable a un droit incontestable. Ainsi, si une personne perçoit des rappels de salaires dus pour les années 2023 et 2024 par exemple, comme cela arrive souvent à beaucoup de personnes qui intègrent la Fonction publique, ces régularisations constituent des compléments aux paiements déjà effectués durant ces années. Et donc, elles restent soumises aux taux du barème de l’IR en vigueur au 31 décembre 2024, précise la DGI dans sa circulaire.
Par contre, les primes et gratifications non acquises au titre de l’année 2024, du fait que leur fait générateur intervient au cours de l’exercice 2025, sont soumises aux nouveaux tarifs de l’IR introduits par la Loi de finances. Il s’agit des primes et gratifications déterminées en fonction du résultat de l’entreprise (primes de bilan, de productivité, d’intéressement, etc.).
Ces rétributions sont en général décidées par le Conseil d’administration ou le Conseil de surveillance réuni pour l’arrêté des comptes. Elles sont attribuées aux salariés au cours de l’année qui suit celle de la réalisation dudit résultat et, à ce titre, elles ne sont donc acquises qu’après réalisation dudit résultat. Ainsi, les primes et gratifications fixées en fonction des bénéfices de l’exercice 2024, mais versées en 2025, sont assujetties aux taux du barème de l’IR en vigueur depuis le 1er janvier 2025.
«Contrats Anapec» : L’exonération ramenée à 12 mois
L’indemnité de stage mensuelle brute plafonnée à 6.000 dirhams, versée au stagiaire par les entreprises du secteur privé, bénéficie de l’exonération de l’IR, pour une période de douze mois. Mais lorsque le montant de cette indemnité dépasse le plafond réglementaire (6.000 DH), il perd le bénéfice de l’exemption fiscale. Il devient ainsi imposable dans son intégralité à l’IR dans les conditions de droit commun, précise la DGI.
Cette franchise d’impôt sur le revenu est massivement utilisée dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre et à bas salaire, comme l’hôtellerie et la restauration. Mais on retrouve aussi de nombreux employés au «contrat Anapec» dans le réseau bancaire partout au Maroc.
Pour bénéficier de l’exonération, le stagiaire doit avoir être inscrit comme chercheur d’emploi à l’Anapec. Précision importante, cet avantage ne peut bénéficier qu’une seule fois au même employé. En cas de changement d’employeur, le stagiaire peut continuer à bénéficier de l’exonération dans la limite des douze mois.
Enfin, l’employeur doit s’engager à procéder au recrutement définitif d’au moins 60% des stagiaires sous contrat Anapec. Pour les stagiaires qui basculent au CDI, le salaire mensuel brut plafonné à 10.000 dirhams, bénéficie également de l’exonération de l’IR pour une période de vingt-quatre mois.
La défiscalisation des pensions de retraite de base
La Loi de finances 2025 institue, d’ici l’année prochaine, l’exonération totale de l’IR pour les pensions de retraite et rentes viagères versées par les régimes de retraite de base. Le chronogramme fixé par le législateur fiscal est le suivant : dès 2025, et à titre transitoire, il sera appliqué une réduction de 50% de l’IR sur les pensions de retraite et rentes viagères, acquises dans le cadre des régimes de retraite de base.
Dans une deuxième phase, l’exonération totale de l’IR interviendra à compter du 1er janvier 2026. Cette défiscalisation s’applique notamment aux retraites de base versées par la CNSS, la Caisse marocaine des retraites (CMR), le Régime collectif d’allocation de retraite (RCAR) ainsi qu’aux «régimes de retraite prévus par les statuts des organismes marocains de retraite constitués et fonctionnant conformément à la législation et à la réglementation en vigueur en la matière».
Il s’agit essentiellement des pensions gérées par les Caisses internes de retraite dans les établissements publics. L’exonération ne concerne pas les pensions de retraite et les rentes viagères versées dans le cadre des régimes de retraite complémentaire qui restent assujetties à l’IR dans les conditions de droit commun.
Il s’agit notamment des pensions de retraite et des rentes viagères versées par la Caisse interprofessionnelle marocaine de retraite (CIMR) ; le régime complémentaire du RCAR ; le régime de retraite complémentaire CMR-Attakmili et les autres instruments d’épargne retraite facultatifs qui donnent droit à une pension complémentaire, notamment la CIMR.
Revenus fonciers : Le seuil d’application de la retenue à la source
Dans le cadre de l’harmonisation avec le réaménagement du barème progressif des taux de l’IR, notamment le relèvement de la première tranche du barème relative au revenu net exonéré de 30.000 à 40.000 dirhams, le législateur a relevé le seuil d’application de la retenue à la source sur les revenus fonciers, aux taux non libératoires de 10% ou 15%, de 30.000 à 40.000 dirhams.
Ainsi, les personnes morales de droit public ou privé ainsi que les personnes physiques, dont les revenus professionnels sont déterminés selon le régime du résultat net réel ou celui du résultat net simplifié, sont dispensées de l’obligation de la retenue à la source, lorsque le montant des revenus fonciers annuels bruts imposables versé à un propriétaire ne dépasse pas 40.000 dirhams. Il convient de préciser que cette dispense d’application de la retenue à la source ne s’applique pas aux revenus fonciers versés aux personnes ayant opté pour l’imposition selon le taux libératoire de 20%.
Par ailleurs, les contribuables disposant de revenus fonciers ne dépassant pas 40.000 dirhams et/ou d’autres revenus soumis au barème sont tenus de souscrire leur déclaration annuelle de revenu global au titre de l’ensemble de ces revenus, à l’exception des revenus fonciers ayant fait l’objet de la retenue à la source au taux libératoire de 20% suite à leur option.
La DGI rappelle le principe de non réactivité de la loi en précisant que «ces dispositions sont applicables aux revenus fonciers encaissés à compter du 1er janvier 2025».
Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO