Pillage archéologique : le Maroc veut renforcer sa coopération avec les États-Unis
Trois ans après la signature d’un accord bilatéral visant à lutter contre le trafic de biens culturels, le Maroc demande aux États-Unis de revoir les termes du protocole. Derrière cette requête, une volonté affirmée de protéger un patrimoine menacé et de renforcer la coopération internationale dans la lutte contre le pillage archéologique.
Le Maroc se mobilise pour défendre son patrimoine archéologique et ethnologique. Alors que le protocole d’accord signé en 2021 avec les États-Unis arrive à échéance, le Royaume souhaite obtenir une révision de ses termes afin d’intensifier la protection de son héritage.
Ce protocole encadre les restrictions à l’importation de biens culturels marocains datant de la préhistoire jusqu’au début du XXe siècle. Le Comité consultatif sur les biens culturels du Département d’État américain doit se réunir du 4 au 6 février 2025 pour examiner cette demande. Une étape cruciale, selon Mohamed Lazhar, professeur d’archéologie et de patrimoine à l’Université Ibn Zohr d’Agadir.
«Les raisons principales de la demande du Maroc consistent dans la volonté du Royaume, en tant que pays d’exportation des biens culturels, de protéger son patrimoine chez un pays d’importation», dit-il.
Une démarche qui s’inscrit dans la continuité de la convention UNESCO de 1970 sur la lutte contre le trafic de biens culturels.
Une coopération à renforcer
L’accord bilatéral entre le Maroc et les États-Unis repose sur plusieurs engagements clés, notamment le partage d’informations sur les fouilles illégales et le trafic de biens culturels. Il encourage également les échanges scientifiques à travers des prêts à long terme d’objets archéologiques entre institutions des deux pays.
Cependant, les autorités marocaines estiment qu’une révision du protocole est nécessaire pour mieux s’adapter aux réalités du terrain.
«Aujourd’hui, nous avons besoin d’une coopération plus efficace pour identifier et restituer les objets pillés. Il est également essentiel de sensibiliser les collectionneurs et institutions à l’importance de l’origine légale des pièces qu’ils acquièrent», insiste Mohamed Lazhar.
Un marché noir en pleine expansion
Si la protection du patrimoine marocain est une priorité, c’est en raison de l’ampleur du trafic illicite qui gangrène le marché de l’art.
«Les objets archéologiques qui se trouvent sur le marché noir international ont plus une valeur scientifique qu’une valeur commerciale. Leur trafic prive la recherche d’éléments essentiels à la compréhension de notre histoire», alerte Mohamed Lazhar.
Fossiles, manuscrits anciens, poteries et bijoux historiques quittent illégalement le territoire pour être vendus à prix d’or à l’étranger. Mais grâce à l’accord signé avec Washington, plusieurs artefacts ont déjà pu être restitués.
Parmi les pièces emblématiques récemment récupérées figurent trois fossiles de dinosaures exposés au Musée Mohammed VI de Rabat. Il s’agit, notamment, d’un crâne intégral de Messosaurus, retrouvé aux États-Unis et rapatrié grâce à la coopération entre les deux pays.
En 2022, un crâne fossile de crocodile avait également été restitué, marquant un pas important dans la préservation du patrimoine paléontologique du Royaume.
Une approche multidimensionnelle pour une meilleure protection
Pour freiner le trafic illicite de biens culturels, le Maroc mise sur une approche globale combinant prévention, sensibilisation et renforcement des mécanismes de contrôle. Pour Mohamed Lazhar, plusieurs mesures sont à privilégier. Il insiste sur la nécessité d’agir à plusieurs niveaux.
«Le volet social, à travers l’éducation et la sensibilisation, l’économique, en intégrant davantage les jeunes sur le marché du travail pour réduire les motivations financières du trafic, l’institutionnel, en développant les musées et les centres d’interprétation du patrimoine, et enfin l’administratif, en renforçant le cadre législatif», défend le professeur.
Par ailleurs, il estime que la lutte contre ce fléau doit être menée en deux étapes. La première consiste à renforcer les contrôles sur le territoire national en formant les douaniers aux questions patrimoniales, un levier jugé «capital» pour détecter les tentatives de sortie illégale des objets historiques. La seconde repose sur l’application du principe de restitution des œuvres pillées vers leur pays d’origine, comme le prévoit la Convention de l’UNESCO de 1970.
Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO