Bonus 2024 versés en 2025 : le mode d’emploi et les pièges fiscaux à éviter
Les bonus 2024 versés en 2025 seront imposés sur la base de l’ancien barème, plus défavorable. Pour les salariés qui toucheront un bonus exceptionnel en 2025 au titre de leurs performances relatives à l’exercice 2024, il faudra faire attention au décalage avec le nouveau barème et à l’effet de «double peine fiscale». Décryptage de cette spécificité fiscale.
Pour vos bonus acquis en 2024, vous pensiez bénéficier du nouveau barème allégé de l’IR en 2025 ? Détrompez-vous ! Pour les bonus 2024, c’est l’ancienne fiscalité qui s’applique. Explications. «Patatras ! Le bonus acquis en 2024 qui sera versé en janvier, février ou mars 2025 sera soumis au barème de l’IR de 2024 et non au nouveau barème de 2025.» C’est l’avertissement lancé par Mohamed Belkhayat, expert-comptable et commissaire aux comptes. Une mise en garde à prendre au sérieux pour tous les salariés qui toucheront un bonus d’ici quelques mois.
D’après l’article 71 du Code général des impôts (CGI), «l’impôt sur le revenu (IR) est établi chaque année en raison du revenu global acquis par le contribuable au cours de l’année précédente». En clair, le barème applicable est déterminé par l’année d’acquisition des revenus et non celle de leur perception. Autrement dit, cet article du CGI pose un principe fondamental : l’impôt sur le revenu est calculé sur la base des revenus acquis au cours d’une année donnée, indépendamment de leur date de perception effective.
Prenons l’exemple d’un bonus exceptionnel acquis au titre des performances réalisées en 2024, mais qui sera versé en janvier ou février 2025. Bien que ce bonus soit encaissé en 2025, il demeure un revenu acquis sur l’année 2024. C’est donc le barème d’imposition de 2024 qui s’appliquera pour le calcul de l’impôt correspondant à ce bonus.
La date de paiement est sans incidence sur l’année d’imposition. Seule compte l’année durant laquelle le revenu a été généré et acquis au titre de l’activité exercée par le contribuable. Ce principe connaît très peu d’exceptions. L’une des rares dérogations concerne les travailleurs ne résidant pas au Maroc qui ne sont imposés que sur les revenus effectivement perçus sur le territoire national au cours de l’année considérée.
Pour les salariés et les professionnels résidents, en revanche, l’administration fiscale se réfère systématiquement à l’année d’acquisition des revenus pour appliquer le barème d’imposition adéquat, conformément à l’article 71 du CGI.
Un bonus de performance acquis en 2024 sera donc taxé selon les tranches d’imposition en vigueur pour cette année-là, quand bien même il serait versé en 2025. C’est ce décalage possible entre les années d’acquisition et de perception qui conduit parfois à des effets de «double peine fiscale» lors du changement de barème, comme pour les bonus 2024 soumis à l’ancien barème malgré leur paiement en 2025.
Exemple concret
Les bonus, qu’ils soient versés par un employeur privé ou public, sont considérés comme des revenus salariaux au même titre que le salaire de base. Ils entrent donc dans le calcul du revenu imposable global. Ainsi, un bonus exceptionnel acquis en 2024 mais payé en 2025 sera soumis aux tranches d’imposition en vigueur en 2024, et non aux nouveaux taux plus avantageux prévus pour 2025. Son montant s’ajoutera au salaire annuel de 2024 pour le calcul de l’IR à payer.
Concrètement, si un salarié a perçu 150.000 DH de salaire en 2024 auquel s’ajoute un bonus de 50.000 DH, son revenu imposable global atteindra 200.000 DH. Il sera donc taxé à 34% sur la tranche de 180.000 DH à 200.000 DH, soit un impôt supplémentaire de 6.800 DH sur le bonus.
En revanche, si ce même bonus de 50.000 DH avait été acquis et imposé en 2025, seule la tranche de 40.001 DH à 50.000 DH aurait été taxée à 10%, représentant une économie d’impôt d’environ 12.000 DH.
Limite technique des logiciels de paie
«Très peu de logiciels de paie offrent la possibilité d’ajuster l’IR annuel 2024 lors de la paie du bonus en 2025», souligne l’expert-comptable. Cette déclaration soulève un enjeu pratique important concernant la gestion des bonus en paie et leur imposition.
En effet, la plupart de ces logiciels ne permettent pas d’ajuster rétroactivement le calcul de l’impôt sur le revenu de l’année précédente lorsqu’un bonus est payé sur une nouvelle année fiscale. En effet, le calcul de l’IR se fait généralement annuellement sur la base des revenus perçus dans l’année. Quand un bonus 2024 est versé en 2025, la majorité des solutions informatiques de paie n’ont pas la fonctionnalité de rattacher ce revenu à l’exercice 2024 pour recalculer l’IR dû à l’ancien barème.
Cette contrainte technique pose problème dans le cas spécifique où le barème d’imposition change d’une année sur l’autre, comme c’est le cas entre 2024 et 2025 au Maroc. Le risque est alors de voir le bonus 2024 imposé par défaut sur la base du nouveau barème 2025, conduisant à une sous-imposition.
Pour pallier ce manque, l’expert-comptable recommande vivement aux salariés concernés de consulter un professionnel de la paie et de la fiscalité afin d’anticiper et de gérer manuellement l’imposition du bonus 2024 selon l’ancien barème et éviter les mauvaises surprises. Un expert-comptable maîtrisant les règles du CGI pourrait effectuer les calculs adéquats, remplir les déclarations rectificatives nécessaires et s’assurer du paiement du complément d’impôt dû sur le bonus.
Faute d’un traitement manuel approprié, le risque est grand de voir l’administration fiscale effectuer ultérieurement une régularisation d’office, assortie de pénalités. Cette recommandation illustre les limites actuelles des outils de paie pour gérer de manière automatisée certaines situations particulières en cas de changements de réglementation fiscale.
Les sanctions en cas de mauvaise déclaration
Au-delà des simples considérations techniques, l’expert-comptable rappelle l’importance cruciale de bien déclarer et payer les impôts dus sur les bonus, sous peine d’exposition à de sévères sanctions de la part de l’administration fiscale.
En cas de déclaration erronée ou incomplète des revenus, comme un bonus indûment imposé au barème 2025 au lieu de 2024, le fisc disposera de la possibilité de procéder à une régularisation d’office. Celle-ci consistera à rectifier la base imposable et à réclamer le paiement du complément d’impôt éludé, assorti de lourdes pénalités. Le CGI prévoit en effet des amendes de 10% à 30% des droits complémentaires dus en cas d’insuffisance de déclaration.
Le taux de 30% représente donc le plafond des pénalités applicables lorsque le manquement est considéré comme substantiel par l’administration. À titre d’exemple, pour un bonus de 50.000 DH acquis en 2024 mais indûment imposé au barème 2025, l’écart d’impôt pourrait atteindre plusieurs milliers de dirhams. Avec une pénalité maximale de 30%, le montant total à régulariser dépasserait alors aisément les 10.000 DH.
Au-delà des aspects purement financiers, une régularisation fiscale constitue également une procédure longue et fastidieuse, source d’échanges répétés avec le fisc et de corvées administratives chronophages pour le contribuable. C’est pour éviter ces désagréments qu’il est recommandé d’anticiper dès à présent le traitement fiscal adéquat des bonus 2024 versés en 2025.
En faisant appel à un professionnel compétent, le salarié pourra ainsi s’assurer du strict respect de ses obligations déclaratives et de la correcte application du barème d’imposition de l’année d’acquisition des revenus. Une démarche de prévention qui, au-delà d’éviter les pénalités financières, permettra aussi d’économiser bien des tracas administratifs par la suite.
Un goût amer pour les bénéficiaires de bonus en 2024
Il faut savoir que le régime fiscal des bonus ne connaît pas de spécificités selon les secteurs d’activité. En revanche, les primes récurrentes liées à la performance ou l’ancienneté sont généralement mieux préparées dans les politiques de rémunération des entreprises. Les cotisations sociales patronales et salariales dues sur le bonus ne sont pas déductibles du revenu imposable, comme c’est le cas pour le salaire de base. Quant à l’éventuel étalement du paiement sur plusieurs années, il ne permet pas d’optimiser la fiscalité, l’IR restant dû l’année d’acquisition du revenu.
Alors que les taux d’imposition baisseront en 2025, notamment avec une tranche à 0% élargie jusqu’à 40.000 DH, la réforme pourrait bien laisser un goût amer aux bénéficiaires de bonus en 2024. Une situation qui appelle les salariés à la prudence et à l’anticipation pour éviter les déconvenues fiscales.
Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO