Maroc

Bourse : record historique ou retour à l’équilibre ?

En franchissant à la hausse la barre des 15.000 points, le Masi est bien parti pour pulvériser à nouveau ses records. Une performance qui repose, à en croire les analyses, sur des fondamentaux macroéconomiques solides. Mais l’ascension historique est à relativiser, le marché renouant timidement avec ses niveaux d’avant-crise des subprimes.

Voilà une trajectoire qui ferait pâlir d’envie plusieurs places boursières. Au dernier coup de cloche de la séance du 22 novembre 2024, l’indice vedette de la Bourse de Casablanca poursuit son “bull run” amorcé en début d’année (12.141 points) signant une belle envolée de 23,5% et franchissant à la hausse, quelques jours auparavant, la barre symbolique des 15.000 points. Une performance qui établit le MASI parmi les benchmarks les plus performants de la région, surpassant l’indice égyptien EGX 30, lequel a subi un repli significatif de 22,83%, et devançant également le JSE All Share d’Afrique du Sud, qui affiche, pour sa part, une hausse de «seulement» 15,74%.

«Climat propice à l’investissement»
Cette «ascension» – pour reprendre le jargon des chartistes -, n’a rien d’un élan euphorique. L’indice phare a évolué, certes, au fil des mois dans une conjoncture économique qui, par moments, a frôlé la morosité en particulier en raison de l’impact du stress hydrique et des poussées inflationnistes, sur fond de tensions géopolitiques. Mais à en croire les acteurs concernés, cette performance repose sur des fondamentaux solides.

«Nous avons une belle histoire à raconter. Et les investisseurs en sont conscients», affirme un expert des marchés.

La première bouffée d’air frais a été l’effritement de l’inflation – ramenée à 0,3% en février 2024 puis à 0,8% en septembre 2024, après des pics de plus de 6% les années précédentes –, qui offre une fenêtre de tir intéressante pour les opérateurs. La baisse de l’inflation, combinée à un repli des taux obligataires, a créé un climat propice à l’investissement.

«La dynamique s’étend également à plusieurs autres secteurs clés (hôtellerie, transport et télécoms…), suite au lancement des chantiers relatifs à la co-organisation de la Coupe du monde 2030», rappelle Farid Mezouar, directeur exécutif de FL Markets.

En ce sens, près de 52 milliards de dirhams seront investis à terme pour moderniser les infrastructures, incluant la construction et la rénovation de stades, l’amélioration des réseaux de transport et l’expansion de la capacité hôtelière. Il s’en suit des résultats semestriels qui dévoilent une hausse significative de la masse bénéficiaire des entreprises cotées, ce qui est de nature à renforcer davantage la confiance des investisseurs.

«La masse bénéficiaire semestrielle des sociétés cotées (hors IAM) a affiché une hausse de 26% au titre du premier semestre 2024, un rebond significatif qui témoigne de la bonne santé des valeurs cotées», peut-on lire dans une récente analyse de la société de Bourse M.S.IN.

À ce stade, le Masi se place au dessus des 13.000 points et affiche une progression de 10% mais le panorama sectoriel révèle des contrastes prononcés. Au terme du premier semestre, l’immobilier s’impose avec une envolée spectaculaire de 122,87%, porté par des initiatives comme le programme d’aide au logement. Le secteur minier, après une année difficile, retrouve des couleurs (+41,42%), soutenu par la hausse des cours des métaux et le plan Maroc Mine. La santé, tirée par le groupe Akdital, poursuit son essor (+39,31%), consolidant son rôle clé dans l’économie.

À l’inverse, des secteurs comme les télécommunications (-9,50%), affectées par des litiges, ou la technologie (-10,12%), fragmentée entre succès et replis, peinent à suivre le rythme.

Aucun signe de surchauffe
Cette effervescence s’accompagne d’une communication financière accrue et d’un regain de participation des petits porteurs, dont le volume d’investissement a été multiplié par cinq au deuxième trimestre 2024. Le marché évolue néanmoins dans une conjoncture difficile. Ce mouvement haussier, jalonné de prises de bénéfices modérées, n’en demeure pas moins fragile.

L’indice avance, semble-t-il, sur une ligne de crête où la vigueur de secteurs comme l’immobilier et le BTP contraste avec les risques liés à une croissance encore hésitante (+2,4%) et un chômage persistant (13,1%).

Cependant, les acteurs du marché persistent à croire qu’il n’y a aucun signe de surchauffe tant les indicateurs affichent des fondamentaux équilibrés. Le ratio cours-bénéfice (PER) du MASI, stabilisé autour de 22, reste modéré, surtout au regard des niveaux parfois extravagants atteints par d’autres places comme le Nasdaq, où ce ratio dépasse les 46.

«Avec un rendement de dividendes avoisinant les 3%, la Bourse de Casablanca conserve un intérêt notable pour les investisseurs locaux, même si les étrangers se font plus rares depuis la perte du statut de marché émergent», analyse le directeur exécutif de FL Markets.

Pour rappel, le déclassement du Maroc du MSCI Emerging market au MSCI frontier market s’expliquait, à l’époque, par la faible liquidité de la Bourse de Casablanca, limitant sa capacité à attirer des bailleurs de fonds étrangers. En cela, l’introduction en Bourse (IPO) de CMGP Group et le lancement récent du marché à terme sont autant de signaux encourageants à même de renforcer l’attractivité du marché.

Une ascension à relativiser
Le franchissement des 15.000 points par le MASI marque un tournant psychologique, qui n’est pas sans rappeler les années fastes de la Bourse. Replacé dans une perspective plus large, l’indice boursier retrouve tout juste ses performances d’avant 2008, une phase marquée par l’éclatement de la crise des subprimes, qui avait brutalement interrompu cet élan.

Depuis, la Bourse alterne des phases de reprise et de consolidation, avec des performances variables selon les secteurs et les périodes.

Toujours est-il que cette progression repose sur des fondamentaux solides, témoignant à la fois d’une conjoncture favorable et d’un regain de confiance. De nombreux observateurs y voient moins un sommet qu’un retour à l’équilibre. L’expression, peut-être, d’un marché en quête de repères qui réajuste ses valorisations pour tenir compte des réalités économiques.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO



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