Culture

Cinéma : John Woo revisite “The Killer”

Le thriller explosif est sorti en salles le 23 octobre pour plonger ses spectateurs dans un tourbillon d’action à la chorégraphie millimétrée.

John Woo est de retour. Après avoir quitté Hong Kong et investi Hollywood, le réalisateur livre à son public une réinterprétation de son classique «The Killer», tourné en 1989. Cette année, l’action se situe à Paris. Le thriller met en scène Nathalie Emmanuel dans le rôle de Zee, une tueuse à gages redoutée, poursuivie par ses employeurs et la police après qu’elle a refusé d’exécuter une innocente. Elle doit survivre tout en affrontant ses propres démons.

Omar Sy et Saïd  Taghmaoui au casting
John Woo renoue avec les codes qui ont fait sa renommée, en combinant des scènes d’action spectaculaires à une narration émotionnelle appuyée. Le réalisateur nous plonge dans une expérience visuelle où chaque coup de feu, chaque course-poursuite est filmé avec une précision millimétrée.

L’étonnante Nathalie Emmanuel, accompagnée de l’impeccable Diana Silvers, de Sam Worthington et d’Omar Sy, livre une touchante performance, capturant à la fois la brutalité et la vulnérabilité de son rôle. Les personnages secondaires sont confiés à des acteurs choisis avec soin.

Tandis que la présence d’Éric Cantonna ravira bien plus que les amateurs de football, celle de Saïd Taghmaoui suscitera une connexion spéciale avec le public marocain. Taghmaoui incarne un héritier saoudien au cœur d’un complot criminel, contraint de faire face aux conséquences du vol d’une cargaison de drogue. Ce rôle ambigu permet à Taghmaoui de démontrer une part trop peu utilisée de son talent.

Une violence chorégraphiée  comme un ballet
Mais malgré ce casting de rêve, l’exercice du réalisateur semble purement formel. L’ambivalence des rôles ne va pas au-delà du plat dilemme moral, à l’américaine, qui ne peut se résoudre que dans une zone grise très convenue.

L’excellente prestation des acteurs ne comble pas le vide de personnages réduits à de vagues stéréotypes par le scénario. Il reste toutefois la signature de John Woo : une violence chorégraphiée comme un ballet, dont l’esthétique est, assurément, rigoureuse et efficace. La méthode avait propulsé le réalisateur au fait de la célébrité mondiale à la fin des années 80, et inspiré de Quentin Tarantino à «Matrix». On ne reposera pas ici la question de savoir si ce sont les écrans qui influencent la violence dans la «vraie vie», ou l’inverse — ou les deux. Ses films de l’époque s’appuyaient sur sa connaissance personnelle de l’histoire de Hong Kong et de sa région.

Ainsi son «Bullet in the Head» («Une balle dans la tête», 1990), où les stéréotypes, déjà, de l’évolution de jeunes gangsters totalement paumés permettaient à la caméra de déambuler à travers les violentes contestations sociales des années 60 et les effets de la guerre du Vietnam sur les trafics régionaux. Rien de cela ici.

Un Paris de carte postale
John Woo s’est offert de tourner dans un Paris de carte postale, avec Aline Bonetto, la décoratrice du «Fabuleux Destin d’Amélie Poulain». Un exotisme qu’il nourrit peut-être depuis longtemps, mais bien loin de Jean-Pierre Melville, référence pourtant revendiquée par le cinéaste.

De plus, sans dimension onirique véritablement assumée, l’esthétique gothique des scènes de bataille dans le cimetière évoque plutôt le Londres, non moins fantasmé, de la littérature de genre de la fin du XIXe siècle.

À ce propos, l’on se lasse de la répétition des plans de colombes voletant devant les vitraux, qui ne souffre pas la comparaison avec le surprenant marché aux oiseaux de Hong Kong dans «Hard Boiled» («À toute épreuve»), de 1992. Il ne manquait pas grand-chose — un meilleur script, en somme — pour que les admirateurs de la première heure rendent son statut de maître cinématographique au réalisateur, égaré depuis son exil hollywoodien.

Ces réserves émises, ce nouveau «The Killer» est un film d’action efficace non sans humour, aux acteurs sympathiques et remarquables, à regarder sans réfléchir. Un peu comme ces histoires de super-héros où l’on finit par se désintéresser des personnages. Ce qui est regrettable, puisque seule la diversité du casting ressemble à la France contemporaine, la performance de Nathalie Emmanuel surnageant très agréablement au-dessus de tout le reste.

Murtada Calamy / Les Inspirations ÉCO



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