Maroc

Medina de Marrakech : les deux-roues, source de nuisances pour les locaux

Dans la vieille ville de Marrakech, l’usage des motos s’est largement banalisé au fil des années, nourrissant un sentiment de frustration chez les commerçants, les habitants et les habitués de la destination.

Dans la médina de Marrakech, la présence de plus en plus marquée des deux-roues prend des proportions inquiétantes. À Jamaa El Fna, l’expérience dépaysante qu’est censée procurer une balade sur la place mythique, inscrite au patrimoine de l’Unesco, se voit souvent ternie par le défilé de scooters et mobylettes en tout genre.

Au-delà de nuire à l’expérience des visiteurs, ce fléau perturbe également la quiétude des lieux et pose de sérieux enjeux de sécurité pour les piétons.

En effet, l’irruption incontrôlée des motos dans la médina pose d’abord un problème de sécurité. Les ruelles, pensées à l’origine pour des piétons et des charrettes, se voient quotidiennement envahies par des conducteurs pressés, souvent imprudents.

«Cela pose un problème avant tout aux locaux qui en ont un peu marre de voir défiler ces motos, à une vitesse excessive», confie Ahmed Nait, opérateur touristique basé à Marrakech.

Ce constat est largement partagé par de nombreux touristes, surpris de croiser ces bécanes chinoises dans des ruelles chargées d’histoire.

«Altérer le parcours sensoriel»
L’impact sur l’environnement, bien que moins visible à court terme, est tout aussi préoccupant. Il y a d’abord les volutes de fumée émanant des pots d’échappement des motos non homologuées.

«Cela altère en quelque sorte l’authenticité de l’expérience, tant il est difficile d’échapper à l’odeur suffocante du carburant», déplore une membre de l’association Turath en décrivant le parcours sensoriel au sein de la médina.

À l’odeur d’essence brulé, s’ajoute le vriombissement incessant des moteurs. La plupart des deux roues génèrent un vacarme assourdissant qui dépasse les 80 décibels. Un grand nombre d’entre elles disposent de pots d’échappement trafiqués qui confèrent à la moto un bruit insupportable. Il convient de rappeler que les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé fixent le seuil du bruit de la circulation routière à 53 dB durant la journée et à 40 dB la nuit.

Au-delà de ces niveaux d’exposition, la pollution sonore peut entraîner des effets nocifs sur la santé, tels que des troubles cardiovasculaires ou des impacts sur le développement cognitif des enfants. Face à cette situation, des voix s’élèvent pour réclamer des régulations plus strictes. Parmi les propositions, la mise en place de pistes cyclables réservées aux deux-roues, mesure largement soutenue par les associations locales.

Cette solution pourrait permettre de canaliser la circulation des motos, tout en garantissant une certaine fluidité dans les déplacements. Mais cette mesure, si elle venait à être adoptée, devrait impérativement s’accompagner d’un renforcement des contrôles de vitesse et d’une sensibilisation accrue des conducteurs. C’est le propre d’initiatives comme «Safe Moto», une campagne menée par la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN), pensée pour éduquer et sensibiliser les motocyclistes aux dangers de la route.

À en croire les statistiques de la NARSA, «alors que les motards représentent à peine 2% de l’ensemble du trafic routier, ils sont impliqués dans 44% des accidents sévères… Et près de 21% des morts sur la route sont d’ailleurs des usagers de deux-roues».

En ce sens, les autorités ne restent pas inactives. De vastes opérations de contrôle sont menées à l’improviste dans les grandes artères de la ville, destinées à rappeler constamment aux usagers des deux-roues l’obligation du port du casque.

Manque d’alternatives

D’autres envisagent des solutions plus radicales, comme l’interdiction pure et simple des motos dans certaines parties de la médina, à l’instar de celles de Fès ou de Tanger. Cela dit, ces revendications se heurtent au sentiment d’attachement qu’éprouvent les Marrakchis pour ce moyen de transport, qui offre une flexibilité précieuse dans une ville où le trafic est souvent saturé.

«Il ne s’agit pas de diaboliser les motos, mais de trouver une solution qui ne nuit pas à la réputation de la ville», insiste Ahmed Nait.

Pour d’autres, la solution ne peut se limiter à des interdictions. Le véritable problème réside dans le manque d’alternatives, notamment en matière de transport public, qui n’est pas garanti à toutes les heures. Le soir, alors que la place Jamaâ El Fna reste animée jusqu’à 3h du matin, les bus et autres moyens de transport en commun cessent de fonctionner à 22h. Faute d’options viables, les motos restent pour beaucoup le seul moyen de se déplacer dans une médina encore en pleine effervescence nocturne. Alors que la société civile marrakchie se mobilise autour de cette question, il est légitime de s’interroger sur la vocation future de la médina.

Certains proposent de favoriser l’usage de vélos électriques ou d’autres modes de transport plus écologiques, tout en prévoyant des laissez-passer pour les riverains motorisés. Cela permettrait de préserver l’authenticité des lieux tout en répondant aux besoins de mobilité.

Cependant, pour certains habitués de la destination, ce désordre ambiant fait partie intégrante du charme unique de Marrakech. Pourtant, ce même charme se mue en véritable cauchemar dès que les visiteurs s’aventurent dans les ruelles étroites, où l’incivisme atteint parfois son paroxysme.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO


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