Cancer du sein : la prise en charge, le maillon faible
Une étude sur une décennie du traitement du cancer du sein au Maroc a été menée par des chercheurs de l’Agence internationale de recherche sur le cancer (CIRC) et d’institutions partenaires. Elle révèle notamment que de nombreux progrès ont été réalisés dans le traitement du cancer du sein, mais qu’à ce jour près de la moitié des patientes ne sont pas prises en charge adéquatement.
Des chercheurs marocains et étrangers, de l’Agence internationale de recherche sur le cancer (CIRC) et de plusieurs institutions partenaires, ont mené une étude révolutionnaire sur le cancer du sein, publiée dans BMC Cancer. L’étude, qui a étudié le parcours thérapeutique de près de 2.000 femmes, diagnostiquées entre 2008 et 2017, marque une avancée significative dans un domaine où les données sont encore rares au Maroc, malgré une prévalence croissante du cancer du sein. Contrairement aux études antérieures qui se concentraient sur les aspects épidémiologiques et cliniques, celle-ci se penche spécifiquement sur l’impact des traitements sur le risque de récidive.
Incidence en hausse
L’étude révèle un premier chiffre effarant, suggérant une augmentation du taux d’incidence du cancer du sein au Maroc. «Le cancer du sein représente 38,1% de tous les nouveaux cas de cancer chez les femmes, avec un taux d’incidence normalisé selon l’âge de 45,6 pour 100.000 femmes-années», indique l’étude. Quant aux profils des patientes de l’étude, un total de 1.901 femmes atteintes d’un cancer du sein ont été détectées aux stades I à III.
Dans le détail, 52% des femmes étaient âgées de moins de 50 ans, 28% appartenaient à la tranche de 50 à 59 ans, et 19% étaient âgées de plus de 60 ans. De plus, 49 % des patientes étaient préménopausées et 11% des patientes avaient des antécédents familiaux de cancer du sein. Les patients venaient principalement de zones urbaines (80%), étaient couverts par l’assurance maladie pour les populations indigentes (47%), étaient mariées (78%) et la moitié avaient trois enfants ou plus.
La distribution du stade du cancer a montré 11 % des patients au stade I, 45% au stade II et 36% au stade III (8% avaient des informations manquantes sur le stade). Toutes les patientes étaient prises en charge dans les deux principaux centres d’oncologie au Maroc, à savoir Rabat et Casablanca. Mais, les résultats de l’analyse approfondis du parcours de ces combattantes sont prometteurs.
En effet, une gestion appropriée du cancer du sein, comme défini par les chercheurs, a conduit à des taux de survie sans maladie (DFS) bien supérieurs par rapport à une prise en charge moins rigoureuse. Les patientes bénéficiant d’une gestion adéquate ont affiché des DFS à 3 ans de 88% contre 62% pour celles moins bien prises en charge, et à 5 ans, ces chiffres se sont élevés à 80% contre 50% respectivement. Toutefois, seulement 53% des patientes incluses dans l’étude ont été prises en charge de manière adéquate, révèle-t-on.
Rabat fait mieux que Casablanca
Les patientes les mieux prises en charge, selon l’étude, ont été celles affectées au centre d’oncologie de Rabat, traitées entre 2008 et 2012, ayant moins de 60 ans et présentant une maladie à un stade précoce.
«Les résultats montrant que la gestion thérapeutique différait selon le centre d’oncologie sont en accord avec les résultats de survie de cette étude sur le modèle de soins, car la gestion à l’Institut national d’oncologie de Rabat (INO) était associée à une meilleure survie», indiquent les chercheurs, expliquant cela par le fait que «l’INO est un centre de cancérologie complet fournissant tous les services de traitement liés au cancer en un seul endroit, alors que dans le département d’oncologie de Casablanca, il fait partie de l’hôpital universitaire qui collabore avec des départements qui ne s’occupent pas seulement spécifiquement des patients atteints de cancer».
En revanche, à Casablanca, une grande proportion de femmes subissent initialement une intervention chirurgicale immédiatement après le diagnostic de cancer du sein dans un autre hôpital, principalement dans des cliniques privées moyennant des frais. Ils sont ensuite dirigés vers le Centre Mohammed VI pour le traitement du cancer à Casablanca (CM-VI) pour la chimiothérapie ou la radiothérapie, où le traitement est gratuit puisque le centre de cancérologie est un établissement public. Cependant, en raison de «lacunes dans les données détaillées» des patientes pour chaque centre, il est difficile de tirer des conclusions définitives, souligne l’étude.
Des progrès notables
«Cette étude a plusieurs limites, notamment en raison de sa conception rétrospective», selon le rapport, évoquant également des «dossiers incomplets» et un mauvais suivi des patientes en rémission. Néanmoins, l’étude met l’accent sur les progrès notables menés par le Royaume dans le traitement du cancer du sein, grâce à la collaboration entre la Fondation Lalla Salma – Prévention et traitement du cancer et le ministère de la Santé.
Les principales réalisations ont été le lancement d’un programme de détection précoce du cancer du sein, la construction de deux centres d’excellence dédiés à la gestion des cancers gynécologiques et du sein, ainsi que la mise en place d’un programme pour les patientes vulnérables et indigentes afin d’accéder à des médicaments innovants.
Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO