Femmes en entreprises : un cadre légal pas toujours adapté à la gent féminine
Présentes certes dans presque tous les secteurs, les femmes sont moins nombreuses et seules quelques-unes occupent des postes de responsabilité. Le cadre du travail n’est pas toujours propice à leur épanouissement et les freine dans certains cas. Une réforme alors du Code du travail pourrait-elle y remédier ?
La question est au coeur d’un important débat de société. Doit-on attendre pour réformer le Code du travail, à l’instar d’autres pays ? Face à cette interrogation, les avis de nos invitées divergent entre celles qui estiment qu’il est encore trop tôt ou celle qui plaide pour un changement dès maintenant.
Encore trop tôt
Pour Fatima-Zahra Ouriaghli, vice-présidente du Conseil national de la presse, et Rajaâ Cherkaoui, docteure en physique nucléaire et professeure à l’Université Mohammed V de Rabat, «il est encore prématuré de parler d’une révision du Code du travail». «Le Code du travail s’applique à toutes les personnes qui travaillent, quel que soit leur sexe. Du moment où l’on demande à avoir le même statut que l’homme, on ne peut pas en plus demander à ce que le Code du travail soit modifié. Parler d’égalité et demander à ce que le Code du travail soit adapté à la femme, c’est trop demander», pense Fatima-Zahra Ouriaghli.
«Dans le Code du travail, on ne doit pas faire de différence, justement pour montrer que nous sommes égaux. La Moudawana (ndlr: code du droit de la famille) est pour la femme et le Code du travail pour tout le monde», juge pour sa part Rajaâ Cherkaoui.
Pour Maria Aït M’Hamed, présidente de l’Union des agences de conseil en communication, des changements sont nécessaires. «La vraie question serait de savoir si nous voulons être dans l’égalité pure avec les mêmes conditions pour les hommes et les femmes ou est-ce que nous voulons inscrire une certaine discrimination positive dans ce cadre légal», soutient-elle, jugeant qu’une réforme du Code du travail «est une étape qu’on devra franchir».
Et d’ajouter : «Demain, le Code du travail marocain doit pouvoir donner un coup de boost à la femme et mettre en place des lois pour l’épauler, notamment en prolongeant son congé de maternité et en prolongeant aussi celui de l’homme, qui ne bénéficie que de deux semaines, mais qui, une fois allongé, permettra d’alléger le fardeau de la femme. C’est aujourd’hui que ça se passe et c’est ce qui permettra de faire évoluer plus rapidement les mentalités».
Rejoignant la réflexion de Maria Ait M’Hamed, Pr Rajaâ Cherkaoui El Moursli a mis également l’accent sur la nécessité de créer des institutions constitutionnelles pour instaurer et veiller à une égalité et une équité entre les hommes de manière générale et dans le milieu professionnel en particulier. À noter qu’une institution, l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination (APLD), consacrée par la Constitution de 2011, attend toujours d’être mise sur les rails. Aujourd’hui, cette autorité est à peine en cours d’opérationnalisation.
Le rôle du top management
Au-delà du cadre légal, une entreprise peut mettre en place un cadre plus adapté pour la femme qui se retrouve souvent sur plusieurs fronts.
«Une femme a besoin de flexibilité, elle gère des imprévus tous les jours et ne peut donc pas travailler dans un cadre rigide. Dans mon entreprise, à ma petite échelle, j’ai essayé de mettre en place un cadre bienveillant pour les femmes, en leur permettant par exemple de travailler à distance un à deux jours par semaine, quand elle le souhaite, à condition de prévenir. C’est aussi au service de la performance, c’est donc dans l’intérêt de l’employeur d’accorder ce minimum de flexibilité», explique Maria Ait M’Hamed.
«La femme peut assurer ses missions à la maison, mais aussi à l’extérieur. Elle se réveille avant tout le monde et s’endort après tout le monde, en assurant sur deux fronts, ce qu’un homme ne pourrait pas faire», rappelle Fatima-Zahra Ouriaghli.
Cependant, la femme ne doit pas s’oublier, estime pour sa part Maria Ait M’Hamed. «Nous ne pouvons pas être performantes tout le temps. Il faut savoir s’adapter aux différents cycles auxquels on peut être confronté dans notre vie. La grossesse, l’accouchement, la période post-accouchement, quand les enfants tombent malades, au final on suit un cycle de vie où l’on ne peut pas exiger de nous-mêmes d’être sur deux fronts», insiste-t-elle. Ceci étant, pour la patronne de Bonzai, «mettre en valeur et donner leurs chances aux femmes c’est aussi un calcul rentable». Pour elle, «c’est un vivier de talent et une vrai ressource qui a fait ses preuves, les femmes ont prouvé qu’elles peuvent donner tout autant que les hommes». La question serait donc de savoir si la mentalités des dirigeants est prête ou non ?
Fatima-Zahra Ouriaghli
Vice-présidente du Conseil national de la presse
«Il est encore trop tôt pour parler d’une révision du Code du travail. Celui-ci s’applique à toutes les personnes qui travaillent, quel que soit leur sexe. Du moment où on demande à avoir le même statut que l’homme, on ne peut pas en plus demander à ce que le Code du travail soit modifié. Parler d’égalité et demander à ce que le Code du travail soit adapté à la femme, c’est trop demander».
Rajaâ Cherkaoui
Docteure en physique nucléaire
«Dans le Code du travail, on ne doit pas faire de différence, justement pour montrer que nous sommes égaux. La Moudawana (ndlr: code du droit de la famille) est pour la femme et le Code du travail pour tout le monde».
Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO