Marché boursier : la confiance, la clé de l’émergence
Dans le cadre de l’Invité des ÉCO, Tarik Senhaji, directeur de la Bourse de Casablanca, s’est volontiers prêté au jeu des questions-réponses. Dans cet entretien, il met en exergue les avancées de la réforme de la Bourse et les mécanismes à déployer pour atteindre les objectifs escomptés.
Tarik Senhaji, directeur général de la Bourse de Casablanca, estime que la réforme de son institution a réveillé le marché. À noter que cette réforme initiée en 1993 avait pour objectif de doter la Bourse d’une structure organisationnelle et de moyens modernes afin de renforcer son rôle dans le financement de l’économie. Pour Senhaji, qui a été l’Invité des ÉCO, le chantier avance bon train. D’ailleurs, la Bourse de Casablanca a pris de l’avance sur ses concurrents, notamment à l’échelle continentale. Dès1997, elle est devenue l’une des premières places africaines à adopter le trading électronique. De plus, le plan de privatisation de l’État vers les années 2000 a donné plus d’énergie au marché boursier. Certes, l’impact de la crise financière de 2008 a perturbé le développement du marché, mais la réforme de démutualisation de la Bourse de Casablanca lui a donné un nouveau souffle avec l’instauration de nouveaux produits et insufflé une nouvelle vision, celle de devenir un groupe boursier plutôt qu’une société gestionnaire de la Bourse. Tarik Senhaji nous annonce en avant-première que cette ambition est en cours de concrétisation.
«Nous pensons que cette année, nous pourrons enfin devenir un groupe boursier, ce qui nous permettra évidemment de lancer les nouveaux marchés que sont la CCP et le marché à terme. Ce sont des nouveautés que le marché attend depuis longtemps. Dans ce sens, je dirais que le plus gros du travail a été fait et les textes y afférents ont été publiés au Bulletin officiel. Certes, il reste encore quelques-uns en instance, mais avec le bon push institutionnel ainsi que celui des acteurs du marché, ces derniers deviendront réalité d’ici la fin de l’année. Ainsi, nous pouvons ouvrir un nouveau chapitre de la réforme», dévoile-t-il. Ces textes concernent notamment la Chambre de compensation.
Cette sorte de dépôt de garantie contre les risques s’applique à tous les produits. Dans un premier temps, elle porte sur le marché des dérivés et pourrait être élargi à d’autres produits. Dans ce sens, Senhaji a affirmé que le travail est mené avec Bank Al-Maghrib, le régulateur du marché, l’AMMC, et la Direction du Trésor pour que cette infrastructure de marché nouvelle soit utile et pertinente. Pour ce qui est de la mise en place de la Chambre de compensation, la Bourse de Casablanca s’inspire de partenaires de renommée internationale et organise en collaboration avec l’AMMC le capacity building des acteurs du marché.
Objectifs du NMD, comment y parvenir ?
In fine, la réforme s’inscrit dans les orientations du Nouveau modèle de développement, lequel aspire à ce que le Maroc se positionne comme acteur régional de taille sur le marché des capitaux. Ainsi, elle ambitionne de dynamiser la Bourse pour en faire un outil important de financement des entreprises, notamment les PME, ainsi que de porter la capitalisation boursière à 70% du PIB, avec l’objectif d’augmenter le nombre d’entreprises cotées à 300 d’ici 2035. Pour y parvenir, Tarik Senhaji rappelle que la charte de l’investissement est à même de stimuler l’investissement privé dont le débouché naturel de ses activités est la Bourse. Chose qui permet une rotation d’argent plus importante.
«Certes, plusieurs entreprises ont réussi à franchir le pas, mais ces actions sont encore timides. D’où l’importance d’instaurer un climat de confiance tripartite entre l’État, l’entrepreneur et le mode de financement. Ce schéma va accélérer la cadence. Nous avons la chance au Maroc d’avoir un système bancaire très développé qui reflète la stabilité financière. Mais les banquiers estiment que l’entreprise marocaine est sous-capitalisée, ce qui pose problème au niveau du financement. Ainsi, pour qu’elle trouve son compte, la Bourse reste une bonne porte de sortie pour se développer davantage», estime Senhaji.
Une avancée qui permettrait éventuellement de s’aligner sur les objectifs du NMD en termes de nombre d’IPO. D’après le DG de la Bourse, le marché compte actuellement 75 entreprises cotées. Pour lui, eu égard à la configuration économique actuelle, le marché est en mesure de doubler de taille.
Toutefois, pour atteindre le résultat escompté, la logique de la promotion de l’investissement privé y contribuera fortement. «Pour y arriver, c’est une affaire de mindset. Il faut que les entreprises marocaines se détachent de cette culture de «Pour vivre heureux, vivons cachés». Il est vrai qu’un changement de génération s’est opéré, mais encore une fois la confiance est primordiale pour pouvoir inculquer aux chefs d’entreprise les plus rétifs que l’entreprise est d’abord d’utilité publique et que la Bourse reste le moyen le plus sûr pour générer de la richesse».
Tarik Senhaji
Directeur général de la Bourse de Casablanca
«Nous pensons qu’avec la transformation entamée depuis la démutualisation en 2016, et le lancement des nouveaux marchés que sont la CCP et le marché à terme, nous pourrons enfin devenir un groupe boursier. Ce sont des nouveau- tés que le marché attend depuis longtemps.
Dans ce sens, je dirais que le plus gros du travail a été fait et les textes y afférents ont été publiés au Bulletin officiel. Certes, il reste encore quelques-uns en instance, mais avec le bon push institutionnel ainsi que celui des acteurs du marché, ces derniers deviendront réalité. Ainsi, nous pourrons ouvrir un nouveau chapitre de la réforme».
Maryem Ouazzani & Sanae Raqui & Moulay Ahmed Belghiti / Les Inspirations ÉCO