Festival du livre africain de Marrakech. Sami Tchak : “Mon père n’a jamais su lire une ligne de ce que j’ai écrit”
Autour d’une dizaine de jeunes lycéens marocains, l’éminent écrivain togolais, s’est livré à cœur ouvert lors d’un des petits-déjeuners littéraires organisés dans le cadre du Festival du livre africain de Marrakech (FLAM). De son enfance, sa relation avec ses parents jusqu’à ses voyages en Amérique latine et au Maroc, l’auteur prolifique nous a fait plonger dans son univers cru, simple et sans fioriture.
Sami Tchak, plus connu sous le nom de Sadamba Tcha-Koura, est devenu un fidèle du FLAM. Conquis par la première édition, l’écrivain togolais était à nouveau présent pour un petit-déjeuner avec des lycéens ce jeudi 8 février. Intimidés dans un premier temps, les élèves finissent par se lâcher. «À quel âge as-tu commencé à écrire ?», l’interroge l’un d’eux.
«J’ai commencé à écrire à mes 13 ans», répond Sami Tchak avant d’être interrompu par un autre élève qui lui demande si ses parents étaient au courant. «Mes parents étaient illettrés, ils ne savaient pas écrire. Mon père n’a jamais su lire une ligne de ce que j’ai écrit. Il est décédé sans savoir lire et sans avoir jamais su ce que j’écrivais. Il est décédé à la Mecque lors de son troisième pèlerinage», confie-t-il à son auditoire captivé.
Itinéraire d’un globe-trotteur
«L’Amérique latine c’est un peu venu par hasard. Un jour je sortais de l’UNESCO et j’ai été interpellé par un homme blanc. Il m’a dit : «Bonjour monsieur, vous êtes togolais ou béninois ?». Il m’avait demandé ça par rapport à mes scarifications. C’était le vice-recteur de l’université d’Alcalá de Henares de Madrid et il avait enseigné dans mon pays. Il avait un programme de recherche à Cuba, où il m’a proposé de me rendre pour sept mois», se remémore l’écrivain qui publiera l’ouvrage «Communisme, ruses et débrouille», après son séjour dans ce pays. Un livre sur la prostitution.
Après Cuba, Sami Tchak se rendra au Mexique, en Colombie et au Brésil notamment. Dans ces pays-là il abordera essentiellement le phénomène des enfants des rues. «Au Mexique, j’ai travaillé avec les enfants de la rue, ceux qui dorment dans les égouts jusqu’au petit matin et en sortent pour errer. Et en Colombie je me suis intéressé aux escadrons de la mort et à la délinquance à un âge précoce», relate-t-il devant les yeux écarquillés des lycéens. Il publiera notamment «Le paradis des chiots» en 2006, ouvrage grâce auquel il obtiendra un an plus tard le Prix Ahmadou Kourouma à Genève.
Fin connaisseur du Maroc
Son travail l’a souvent amené à se rendre au Maroc, pays que l’écrivain dit bien connaître. «Le Maroc est très présent au Togo, ne serait-ce que par les banques marocaines qui y sont installées. Il y a aussi une forte communauté marocaine qui compte plusieurs familles installées au Togo depuis des décennies», explique-t-il. «J’ai pu découvrir plusieurs villes marocaines. J’ai déjà été à Fès, Meknès, Agadir, Rabat, Casablanca, Tanger et très récemment Oujda», explique Sami Tchak qui compte bien revenir au Maroc pour animer d’autres ateliers ou pour le plaisir, lance-t-il avec humour.
«Au Mexique, j’ai travaillé avec les enfants de la rue, ceux qui dorment dans les égouts jusqu’au petit matin et en sortent pour errer. Et en Colombie je me suis intéressé aux escadrons de la mort». Sami Tchak, écrivain togolais
Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO