Dialogue social : l’augmentation des salaires est-elle suffisante ?
Alors que la flambée des prix malmène le revenu réel des ménages, la grogne monte chez les syndicats représentatifs. Après plusieurs réunions, le gouvernement a procédé à une revalorisation des salaires dans le cadre des accords sectoriels. Cette entente est le fruit d’un compromis âprement négocié avec les syndicats. Mais cette augmentation pourra-t-elle couvrir l’inflation? Tour d’horizon avec Badr Lachgar, économiste et analyste en financement structuré.
Les négociations de la session d’avril du dialogue social ont poussé le gouvernement à adopter une nouvelle approche afin de répondre aux préoccupations des travailleurs et d’améliorer leurs conditions de travail. Se penchant sur la question de l’augmentation des salaires, Badr Lachgar, économiste et analyste en financement structuré, rappelle qu’en ce qui concerne le secteur public, la masse salariale constitue 40 à 50% du budget d’exploitation de l’État, soit environ 13% du PIB (contre une moyenne de 10% au sein de la zone euro). Un chiffre qui, selon l’économiste, est assez révélateur de l’importance de l’agrégat salarial à supporter par l’État. Il ajoute que «toute hausse dans les salaires décrétée par l’État en faveur de ses fonctionnaires devra être financée par de nouvelles recettes ou par des réductions budgétaires au détriment d’autres postes budgétaires (moins d’investissements). Il souligne que pour décréter une hausse générale des salaires du secteur public, «l’État l’inscrit dans sa loi de Finances, et le tour est joué» !
Pour ce qui est du secteur privé, l’État ne dispose pas d’un arsenal juridique qui lui permette d’obliger les chefs d’entreprise à augmenter les salaires de leurs collaborateurs, souligne notre interlocuteur qui estime que la force coercitive de l’Exécutif ne s’applique que sur le SMIG.
«En l’augmentant, celui-ci s’assure que tous les salariés à ce niveau de rémunération verront leurs rétributions financières augmenter», fait-il savoir.
Néanmoins, il relève que c’est l’État qui fixe le niveau des cotisations salariales et des charges patronales ainsi que l’impôt sur le revenu. «En baissant le niveau des cotisations salariales et de l’impôt sur le revenu (IR), le salaire net va augmenter, car le passage du brut au net sera moins important», relève notre interlocuteur qui estime que c’est une action concrète qui permettra d’augmenter le pouvoir d’achat de la population.
Pour ce qui est de la baisse des charges patronales, charges payées par l’employeur, l’État peut également les baisser et espérer que cette décision se reflète par une hausse générale des salaires, décidée par les employeurs. Pour réussir cet exercice, «l’État devra effectuer de véritables efforts de communication pour expliquer qu’une baisse des charges patronales a pour but d’inciter les entreprises à augmenter les rémunérations», explique l’analyste.
Concernant l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages, Badr Lachgar estime que l’État peut jouer sur le niveau de la TVA. Tous les produits de première nécessité pourraient ainsi bénéficier d’une baisse de la TVA appliquée (entre 7 et 20%) afin de réduire le coût supporté par les ménages. Cette action aura cependant un impact sur les rentrées fiscales. «La TVA représente près de 30% des recettes de l’État, il faudra donc récupérer cet argent ailleurs», rappelle-t-il.
Hausse de 5% du salaire minimum en septembre prochain
Les choses se précisent. «Environ 400.000 fonctionnaires dans le secteur de l’éducation ont bénéficié d’une hausse des salaires dans le cadre de l’accord historique signé avec les syndicats», rappelle Younes Sekkouri, ministre de l’Emploi. Et ce n’est pas ! Les fiches de paie des secteurs de la santé et de l’enseignement supérieur sont également concernées.
«Des dizaines de milliers d’employés ont bénéficié d’une augmentation des salaires», précise-t-il.
À l’issue d’une rencontre entre le gouvernement et les syndicats, la question des salaires a été au centre des discussions. En effet, les centrales plaident pour une revalorisation pérenne des salaires. Sous la pression, le gouvernement a revu sa feuille de route et s’attelle à améliorer les salaires des travailleurs concernés et à poursuivre les réformes afin que les citoyens puissent constater un changement qualitatif au niveau des écoles, des hôpitaux et des universités.
Évoquant le secteur privé, Younes Sekkouri a rappelé qu’une première hausse de 5% du SMIG a été opérée l’année dernière. Il ajoute qu’une nouvelle hausse de 5% sera effectuée en septembre prochain. Le ministre précise que ces accords sectoriels concernent des centaines de milliers de travailleurs, dans le public et le privé. Il convient de rappeler, par ailleurs, que le round de dialogue social d’avril a été lancé la semaine dernière à l’occasion de rencontres du Chef du gouvernement avec des délégations de l’Union marocaine du travail (UMT), de l’Union générale des travailleurs au Maroc (UGTM) et de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM). Elles étaient destinées à exposer les problèmes qui subsistent et à parachever la feuille de route.
Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO