Intégration : dans la réalité des institutions supranationales
Les organisations régionales jouent un rôle considérable dans le développement de leurs États membres. Toutefois, elles sont source de luttes et de bras de fer entre pays voisins. Petit aperçu de quelques réalités de ces institutions.
Organisations supranationales : gain ou perte de souveraineté ?
Adhérer à une organisation régionale ou sous-régionale suppose d’abandonner une partie de sa souveraineté au détriment de cette organisation. Dans l’espace CEDEAO par exemple, la carte d’identité et le passeport sont les mêmes dans l’ensemble des pays membres. Idem pour l’espace UEMOA en ce qui concerne la monnaie, qui est directement gérée par une Banque centrale, à savoir la BCEOA, dont le siège se trouve à Dakar.
Dans l’espace UEMOA toujours, c’est le même taux de TVA (18%) qui est appliqué par l’ensemble de ses pays membres, à l’exception du Niger (19%). Pour ce qui est de l’OHADA (Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique), la perte de souveraineté s’exerce sur la régulation de certains pans de la vie économique, notamment sur le droit des entreprises.
D’ailleurs, cette question constitue toujours le point d’achoppement pour l’entrée du Maroc au sein de cet espace. Le Royaume le veut bien pour faciliter la vie à ses entreprises très présentes sur le continent, mais a du mal à laisser filer une partie de sa souveraineté au profit de l’OHADA qui regroupe 17 États de la plupart des régions du continent. C’est dire à la fois les avantages et les inconvénients qu’offre l’appartenance à ces institutions communautaires. Ce qui rappelle un fameux adage qui dit : «Seul je marche plus vite, ensemble, on marche plus loin.
Intégration : un pays, plusieurs organisations sous-régionales
Un pays peut-il faire partie de plusieurs institutions régionales en même temps ? La réponse est «oui» ! Rien que les récentes candidatures du Maroc et de la Tunisie (tous deux membres de l’UMA) pour une adhésion à la CEDEAO, permettent de le confirmer. Le cas le plus emblématique de la Mauritanie est également là pour le rappeler. Ce pays corridor était à la fois membre de la CEDEAO et de l’UMA avant de faire le choix de l’Union du Maghreb en l’an 2000.
De même, en Afrique centrale, la RD Congo, pays qui entretient à la fois des frontières avec ses voisins de l’Afrique centrale et avec ceux de l’Afrique de l’Est, ou encore le Rwanda, sont membres de plusieurs institutions. Le Rwanda a, d’ailleurs, récemment réintégré la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), tout en faisant partie de la Communauté des États de l’Afrique de l’Est (EAC).
Par ailleurs, le COMESA (Marché commun de l’Afrique orientale et australe) et la CEN-SAD (Communauté des États sahélo-sahariens) sont des organisations qui englobent des États de diverses sous-régions. L’appartenance à plusieurs organisations sous-régionales présente souvent des avantages et parfois des inconvénients. Les avantages sont nombreux pour un pays capable d’influencer au sein de ces organisations et ainsi mieux profiter en même temps des avancées en termes d’intégration. Toutefois, pour des pays qui ont du mal à assurer leurs cotisations, c’est un fardeau lourd à supporter. Demandez au Cap-Vert, pays privé de parole et de vote par moment, en raison du non-paiement de ses contributions financières obligatoires au sein de la CEDEAO.
Institutions sous-régionales : choisir entre siège ou présidence !
Le jeu d’influence au sein des organisations sous-régionales et des diverses institutions peut parfois déboucher sur de véritables bras de fer. En témoigne, l’accession récente du président de l’Union des Comores, Azali Ansummani, à la présidence annuelle tournante de l’Union africaine. Il lui aura fallu résister à la farouche opposition kenyane qui convoitait également le poste.
Au niveau régional également, les batailles sont rudes entre pays voisins. Et pour pacifier les relations, une règle pas vraiment écrite est souvent invoquée. Si vous choisissez d’abriter le siège d’une organisation, vous accepterez d’en céder la présidence et de prioriser les voisins. C’est le cas, par exemple, pour le Sénégal avec la BCEAO. Une banque qui voit presque toujours un ivoirien à sa tête bien que le siège soit à Dakar.
Au sein des organisations, des règles édictent le recrutement des profils et l’on essaie de veiller à ce qu’une certaine répartition, juste et équitable, soit assurée. Ce qui, dans la réalité, est loin d’être le cas. Parfois, la méfiance et la nécessité de disposer d’équipes de confiance intervient sur la coloration de la composition des structures de ces organisations. Et pour réussir à devenir président d’une organisation supranationale, il faut d’abord avoir le soutien de son pays pour ensuite espérer bénéficier des retombées des actions de lobbying de ses propres dirigeants. Pour l’actuel président de la BAD, Akinwumi Ayodeji Adesina, le Nigeria a pesé de tout son poids lors de son élection en mai 2015. Le même poste était convoité par le Sénégalais Makhtar Diop, alors en charge de l’Afrique à la Banque mondiale. Mais il a rapidement renoncé à ses ambitions, en raison du refus de son propre pays d’appuyer sa candidature.
Abdellah Benahmed / Les Inspirations ÉCO