Maroc

Délais de paiement : la réforme de l’espoir ?

Après un échec cuisant des réformes précédentes relatives aux délais de paiement, la dernière en date semble plus à même d’aboutir du moment que la DGI est la partie tierce ayant intégré le circuit. Certes, les professionnels affichent une lueur d’optimisme, mais la pénalisation ne risque-t-elle pas d’alourdir les crédits fournisseurs ? 

Cette fois-ci sera-t-elle la bonne ? En tout cas, tout porte à croire que ce changement de paradigme, opéré dans la réforme relative aux délais de paiement, portera ses fruits, contrairement aux précédentes. Car rappelons le, le retard de paiement impacte la trésorerie, notamment des petites entreprises, dont bon nombre ont mis la clé sous le paillasson. Ainsi, pour combler le vide juridique, un cadre réglementaire a été mis en place en 2011. Il a fallu revoir d’autres dispositions, en 2016, pour compléter l’arsenal juridique, mais en vain. En dépit des efforts consentis, la mise en application des textes en vigueur n’a pas donné les résultats escomptés. D’où la nécessité d’introduire une réglementation plus adaptée au contexte. Et c’est ce qui donne des lueurs d’espoir pour pouvoir résorber ce crédit fournisseur qui pèse lourd dans l’économie nationale.

«Ce nouveau dispositif peut changer la donne. Bien souvent, lorsqu’il s’agit de délai de paiement, il y a un rapport de force qui est exercé. Les grandes entreprises pouvaient se permettre de payer après les délais impartis. Une pratique qui s’est pérennisée. Et malheureusement, les petites entreprises en payaient les conséquences, et ne pouvaient pas réclamer le paiement dans les délais de peur de perdre un gros client. Le fait d’introduire une tierce partie, et non des moindres, reste dans l’intérêt de ces petites entreprises qui sont plus protégées», affirme Amine Diouri, directeur Études et communication à Inforisk.

Quid de la trésorerie ?
En effet, le projet de loi 69-21modifiant la loi 15-95 formant Code de commerce et édictant des dispositions particulières relatives aux délais de paiement, qui vient d’être voté par la Commission des secteurs productifs, le 9 janvier dernier à la Chambre des représentants, stipule que toutes les personnes physiques ou morales dont le chiffre d’affaires dépasse 2 millions de dirhams, en hors taxe, sont tenues de présenter une déclaration électronique à l’administration fiscale après chaque 90 jours écoulés. Cette déclaration doit mentionner le montant total des factures impayées dans les délais. Un relevé des factures et des justificatifs certifiés sont également obligatoires. Outrepassé ce délai, les entreprises redevables devront payer une amende de retard qui varie en fonction du CA réalisé. Toutefois, une question se pose, quelle est la garantie que ces entreprises effectueront réellement les déclarations ? Pour Diouri, l’administration dispose de moyens de contrôle. «À l’image de la direction de la répression des fraudes en France, le Maroc est également bien outillé. De plus, il faut signaler que les entreprises qui alourdissent le crédit fournisseur sont globalement au nombre de 500. Ce qui n’est pas difficile à contrôler. De plus, la digitalisation simplifie le contrôle. Néanmoins, je pense qu’il serait judicieux de compléter le dispositif avec une vision opposée, c’est-à-dire avec une data client qui peut s’obtenir via des opérateurs privés», insiste Diouri.

De son côté, Hicham Alaoui Bensaid, CEO d’Allianz Trade Maroc, partage le même enthousiasme quant au nouveau dispositif, mais estime qu’une autre problématique persiste. «L’expérience nous a montré que pour 90% des cas des entreprises accusant des retards de paiement, la bonne foi n’est pas en cause. Il s’agit de problématiques basiques de trésorerie.

Du fait de la comptabilité d’engagement, bon nombre d’entreprises ne sont riches que sur le papier, car elles rencontrent de sérieuses difficultés au titre du recouvrement de leurs ventes. À mon sens, au niveau de la disponibilité de la trésorerie, il s’avère primordial d’accorder plus d’importance tant à l’amont, à travers le pouvoir de négociation accru pour les fournisseurs, qu’à l’aval (ndlr: davantage de pénalisation des effets de commerce retournés impayés). Il est plausible que l’étendue des dégâts induits par les sujets de règlements perturbés soit autrement plus importante», appréhende-t-il.

Dans ce sens, le spécialiste de l’information sur les entreprises, Inforisk, juge judicieux de renforcer l’aspect opérationnel, notamment dans le recouvrement au sein de l’entreprise, laquelle doit être en mesure de disposer des informations relatives à la solvabilité et au comportement de ces clients, chose qui lui permettra soit d’écourter, soit de rallonger les délais.

Par ailleurs, à noter que le projet de loi devra être approuvé à la séance plénière, prévue le 16 janvier prochain, avant d’être revu à la Chambre des conseillers, jeudi d’après. Au niveau de la Chambre des représentants, trois légers amendements ont été apportés au projet de loi relatif au calendrier de mise en œuvre des dispositions du projet de loi. Initialement, les dispositions devront être applicables aux factures émises à compter du 1er janvier 2023 ; désormais, elles seront comptées à partir du premier mois suivant la publication dans le Bulletin officiel. Les amendements concernent les articles 78-3 et 78-10. L’autre ajustement concerne la révision à la baisse des amendes.

Maryam Ouazani / Les Inspirations ÉCO



Gouvernance des EEP : une réforme en profondeur se prépare


Recevez les actualités économiques récentes sur votre WhatsApp Suivez les dernières actualités de LESECO.ma sur Google Actualités

Rejoignez LesEco.ma et recevez nos newsletters




Bouton retour en haut de la page