Numérique : quels défis pour le Maroc de demain?
Si le Maroc de demain, tel que décrit dans le nouveau modèle de développement, ne saurait se faire sans le numérique, une question cruciale se pose. Comment relever le défi de la digitalisation pour assurer une mobilisation pleine du potentiel des technologies numériques dans les chantiers de développement du pays ? Eléments de réponse.
Dans le rapport du Nouveau modèle de développement (NMD), s’il y a un volet moins débattu que les autres, c’est bien le numérique. Dès lors, on peut légitiment se poser la question de savoir pourquoi ce catalyseur de transformations structurantes, et à fort impact, n’intéresse personne. Conscient de cette négligence, par ignorance sans doute, des vrais enjeux du digital, le Maroc gagnerait mieux en accordant à l’intelligence artificielle un intérêt particulier. La Fondation OCP, pour qui le digital est un levier de changement et de développement, a posé, jeudi 30 septembre, le débat sur le défi de la digitalisation dans le Nouveau modèle de développement du Maroc. Animée par Rachid Guerraoui, enseignant et membre de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSNMD), la rencontre virtuelle a duré 45 mn. Assez suffisant, selon le membre du Comité de pilotage de l’UM6P (School of computer science) pour faire le tour de la question. En gros, le spécialiste est longuement revenu sur les possibles usages, à l’avenir, de cet outil qui pourrait aussi transformer, de manière radicale, l’accès et la qualité des services publics, en particulier dans les zones reculées et être ainsi un outil d’inclusion économique, sociale et territoriale, comme le rappelle le rapport du CSNMD. Lequel énumère de nombreux défis à relever pour assurer une mobilisation pleine du potentiel des technologies numériques dans les chantiers de développement du pays. Pour ce faire, Guerraoui suggère que le numérique ne soit pas considéré comme un secteur à part. Au contraire, celui-ci doit être un secteur transversal dans l’agriculture, le tourisme, l’industrie… Bref, un axe de développement qui englobe toutes les activités économiques. De plus, pour permettre à chaque citoyen de devenir un acteur du développement, l’enseignant propose que l’accès à internet au Maroc se démocratise davantage. A titre d’exemple, la majorité des Marocains non bancarisés pourraient facilement réaliser des transactions commerciales et de services avec les seuls paiements mobiles, qui constituent une opportunité d’inclusion économique et sociale des populations vulnérables.
Vaccination : le logiciel performant
L’État a un rôle important à jouer en mettant la pression sur les opérateurs et, en parallèle, «fournir petit à petit aux citoyens des logiciels pour qu’ils se familiarisent avec le numérique et que, par la même occasion, l’État, lui-même, s’habitue à la transparence». Ce qui contribuerait davantage à responsabiliser les acteurs vis-à-vis de l’opinion publique, et offrirait de nouveaux canaux de services et de participation. Des exemples de réussite de plateformisation logicielle frugale existe déjà au Maroc. La campagne de vaccination au niveau logiciel a été conduite de manière incroyable et ce, sans l’aide de Google ni de Microsoft. Selon l’expert, le Maroc a tout fait de lui-même et les citoyens se sont appropriés les outils numériques mis à leur disposition. Il faudra ensuite former des ressources humaines compétentes suffisantes pour accompagner cette transformation numérique. Ce qui va nécessiter des Écoles 1337 partout au Maroc et davantage d’établissements d’ingénierie dans le numérique.
Les propositions de Guerraoui rejoignent parfaitement les recommandations du rapport du CSNMD qui prône la mise à niveau des infrastructures numériques de haut débit et très haut débit fixe et mobile et leur extension à l’ensemble du territoire, assurant un droit d’accès à tous les citoyens. «Il est nécessaire et urgent de lancer une opération de couverture à haut débit sur tout le territoire, y compris dans les zones blanches, pour réduire la fracture numérique révélée par la crise de la Covid, et donner accès, partout dans le pays, à une connexion de qualité et au débit suffisant pour les usages devenus essentiels, tels que l’enseignement à distance», souligne la commission avant de noter que la connexion de l’ensemble des équipements publics sur tout le territoire, tels que les hôpitaux et les écoles, doit être assurée et fonctionnelle, y compris en milieu rural.
Dans le même ordre d’idée, la CSNMD propose le développement des plateformes numériques pour tous les services au citoyen et à l’entreprise, ainsi que les plateformes de participation au niveau central et territorial. «Il est urgent d’accélérer la digitalisation de l’administration à travers une plateforme numérique unique, permettant à chacun d’accéder à tous les services administratifs nécessaires à sa vie quotidienne», dira-t-on. Il faut noter que ce webinaire s’inscrit dans le cadre d’une série de rencontres, intitulée «45 chrono» et initiée par la Fondation OCP, acteur majeur du numérique toujours présent auprès des opérateurs de l’innovation dans le développement de nouvelles initiatives.
Khadim Mbaye / Les Inspirations ÉCO