Maroc-Espagne : en attendant le dégel…
Après le discours royal, nombreux sont ceux qui ont cru à un retour à la normale dans les relations bilatérales entre Rabat et Madrid. Cependant, hormis le volet sécuritaire, les dossiers économiques et politiques attendent toujours la reprise du dialogue.
«L’arrestation d’un présumé jihadiste confirme l’étroite relation entre le Maroc et l’Espagne», titre ce magazine espagnol. En effet, il s’agit de la première opération policière conjointe après la traversée du désert entre les deux pays voisins, à cause de cette crise diplomatique provoquée par l’accueil, en catimini, par le gouvernement espagnol du chef du Polisario.
La mise hors état de nuire de cet individu est le fruit d’un long et minutieux travail d’investigation mené entre les services de la Direction générale de la surveillance du territoire DGST et le commissariat général de l’Information, relevant de la Police nationale espagnole, s’est félicité le département espagnol. De fait, cette détention aurait pu passer comme un événement quelconque si les relations entre les deux royaumes étaient au beau fixe. Mais on est devant la première collaboration officielle communiquée publiquement, après le discours royal confirmant l’attachement du Maroc à des relations solides, équilibrées et constructives avec les pays voisins, notamment l’Espagne.
Certes, il y a eu la polémique de l’opération de «retour assisté» de mineurs marocains, pour paraphraser le ministre espagnol de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, mais celle-ci s’est déroulée loin des caméras. De même, aucun communiqué officiel n’a été diffusé par aucune des parties impliquées dans ce retour historique des mineurs marocains établis sur le sol espagnol. L’Espagne tremblait à l’idée de perdre le, ô combien précieux, échange d’informations entre les sécuritaires marocains et leurs homologues espagnols. Seulement, mis à part le volet sécuritaire, le reste des dossiers est toujours à l’arrêt.
Car en dehors de cette coopération, l’immobilisme continue à planer sur le reste des dossiers dits stratégiques. Au lendemain du discours royal, la presse espagnole s’est empressée à parler d’un imminent retour de l’ambassadrice marocaine en Espagne, Karima Benyaich. Les pronostics sont allés même jusqu’à prédire l’arrivée de Pedro Sanchez sous nos latitudes pour la célébration de la très attendue réunion de haut niveau Maroc-Espagne, reportée in extremis en décembre dernier, à cause de la situation épidémiologique.
«Tant qu’aucune rencontre bilatérale de haut niveau n’est organisée, comme la visite du ministre des Affaires étrangères ou l’organisation d’une session de travail virtuelle, les choses n’avanceront guère», croit savoir cet ex-diplomate. De surcroît, la période électorale au Maroc n’a pas non plus contribué à une accélération de ce dégel tant attendu, mais il semblerait que le Maroc attend pour voir le premier pas qu’entreprendra le cabinet de Pedro Sanchez après cette main tendue de la part du Maroc.
De son côté, Madrid estime que le retour de la diplomate marocaine est le signal fort de cette volonté d’un retour à la normale. «Cette situation nous pénalise et nous espérons que les choses avancent plus rapidement», confie cet entrepreneur andalou, établi au Maroc. «Certes la diplomatie a ses raisons que l’économie ignore, ajoute-t-il, mais il est primordial que l’on tourne cette page dans les plus brefs délais car nous sommes devant une crise économique sans précédent et perdre le temps nous porte préjudice à nous deux», affirme-t-il. Sur un autre volet, la réouverture des frontières à Sebta et Melilia, après plus d’un an et demi de fermeture, est l’une des principales revendications du patronat dans les deux enclaves. «Les deux parties ont du pain sur la planche et il est temps de prendre le taureau par les cornes et aborder les différends avec le même esprit qui prédominait avant la crise diplomatique de mai dernier», suggère notre interlocuteur andalou.
Embellie commerciale
En attendant la relance des relations institutionnelles et politiques, le commerce entre les deux pays semble être à l’abri des hésitations diplomatiques. Selon les dernières statistiques, portant sur les exportations, les échanges commerciaux entre les deux pays ont repris des couleurs après une année 2020 marquée par la baisse en raison de l’impact de la pandémie de Covid-19 sur l’économie mondiale.
De la sorte, les chiffres révèlent une embellie qui dépassent les performances de l’exercice 2019, soit avant le déclenchement de la pandémie. Ainsi, les données fournies par l’agence tributaire espagnole, l’équivalent de la direction des impôts, indiquent que les exportations espagnoles destinées au royaume ont progressé de 7,2%, durant le premier semestre de cet exercice, en comparaison avec l’année 2019. En contrepartie, les importations de biens et produits en provenance du royaume, ont connu un léger rebond de 2,7% par rapport à la même période de 2019.
Amal Baba Ali, DNC à Madrid / Les Inspirations ÉCO