Comment définir la pauvreté au Maroc?
D’abord, il y a les démunis, pas ceux de Brel mais les nôtres, eux qui n’ont pas d’emploi, qui n’ont pas de revenus, qui n’ont pas de couverture sociale, qui n’ont pas de formation, qui n’ont pas d’alternatives… Faut vous dire, messieurs, que chez ces gens-là, on ne vit pas, on survit ! Puis il y a les autres, un revenu dérisoire et irrégulier, qui ont des personnes à charge, qui ont un chapelet d’obligations financières à remplir et qui tentent de joindre les deux bouts car ils n’ont pas le sou.
Faut vous dire, messieurs, que chez ces gens-là, on ne vit pas non plus, on jongle ! Et puis, il y a tous les autres, un tantinet au-dessus du seuil de pauvreté ou qui viennent d’en sortir, qui ont l’air d’être plus chanceux mais qui ne sont pas forcément mieux lotis.
D’ailleurs, comme nous l’apprend l’Observatoire national du développement humain, 48,5% de la population marocaine a connu au moins une fois la pauvreté entre 2012 et 2019. Et chez ces gens-là, messieurs, cette expérience laisse indéniablement des marques. Preuve en est qu’en 2019, près de 45% des Marocains se considéraient comme subjectivement pauvres.
C’est dire qu’il y a «pauvre» et «pauvre»: pauvre par le ressenti et pauvre par les statistiques. Ce qui détermine cet état de fait est une série de critères tels que l’accès à l’éducation, la situation matrimoniale et la lourdeur du fardeau familial… Tous ces aspects sont décisifs dans la matrice de la pauvreté, et c’est pourquoi l’on voit fuser des recommandations afin que les approches adoptées pour appréhender ce phénomène soient remises à plat. Ceci, a fortiori avec l’imminence de l’activation du Registre social unique ou encore à l’aune de la généralisation de la couverture sociale. Tout ceci pour dire que de la convergence de ces outils de mesure -et leur pertinence- dépendra inévitablement la réussite de ces méga-chantiers sociaux dont les premiers objectifs sont, justement, de tendre la main aux classes sociales pauvres et précaires.
Meriem Allam / Les Inspirations Éco