Maroc

Maroc Telecom, Orange et inwi: il va y avoir du changement

L’ANRT publie les détails de sa décision définissant les modalités de décroissance des tarifs d’interconnexion dans les réseaux fixe, de nouvelle génération et mobile entre Maroc Telecom, Orange Maroc et inwi. Quelles sont les répercussions d’une telle décision ?

Les trois opérateurs télécoms marocains vont devoir proposer des offres plus généreuses sur le segment voix, dans les jours à venir. Comment cela serait-il possible ? Pour maintenir les équilibres dans les échanges de flux d’interconnexion entre opérateurs, le régulateur a décidé de baisser les tarifs d’interconnexion. Par la décision ANRT/DG/n°14-20 du 26 novembre 2020, celui-ci définit les modalités de décroissance des tarifs d’interconnexion (TA) dans les réseaux fixe, de «nouvelle génération» et mobile de Maroc Telecom, Orange Maroc et Inwi, en vigueur depuis le 8 juin 2018. Ainsi, depuis le 1er décembre 2020, le tarif de terminaison du trafic d’interconnexion SMS dans les réseaux mobiles d’Itissalat Al-Maghrib, Orange et Inwi a été fixé à 0,01 DH (HT) par SMS au lieu de 0,03 DH.

Face aux interrogations qu’une telle décision pourrait susciter, le régulateur rassure : «les propositions de baisse des tarifs d’interconnexion ne devraient pas affecter significativement les résultats des opérateurs». Mais pas que «sur le marché de détail, une baisse importante des tarifs d’interconnexion pourrait permettre une animation plus soutenue des différents marchés et encourager les usages voix». Concernant les réseaux fixe et nouvelle génération, l’application des baisses au niveau des tarifs d’interconnexion serait de nature à stimuler le niveau de concurrence. «Au besoin, des baisses plus importantes pourraient être mises en œuvre, jusqu’à l’horizon 2022, si la dynamique concurrentielle (dégroupage, développement FTTH, …) sur ce segment si nécessaire», soutient l’ANRT.

Benchmark international
Sur le plan des comparaisons internationales, il ressort des analyses de l’ANRT que des fluctuations importantes des échanges des trafics d’interconnexion peuvent, à terme, générer de nouveaux déséquilibres. S’y ajoute le fait que les niveaux des trafics d’interconnexion, actuellement appliqués au Maroc, seraient supérieurs de 42% à la moyenne observée dans les pays européens, en ce qui concerne les réseaux mobiles. «Les écarts observés s’expliqueraient, entre autres, par l’approche différente adoptée actuellement en Europe, basée ces dernières années sur la méthode CILT ou méthode du coût incrémental à long terme», explique l’ANRT. Par ailleurs, les audits réglementaires des trois opérateurs, pour certains exercices échus, ont permis de relever que les niveaux de coûts d’interconnexion en vigueur sont supérieurs aux coûts issus des audits réglementaires. Lesdits audits font également ressortir l’existence d’arguments justifiant des différences entre les TA (asymétrie) dans les réseaux des trois opérateurs.

En baissant les tarifs d’interconnexion, l’ANRT espère dynamiser la concurrence via le lancement d’offres plus compétitives et plus généreuses, notamment sur le segment Voix. Soulignons que la croissance du marché télécom marocain est essentiellement portée par la Data et que le segment Voix mérite d’être redynamisé étant donné que ce dernier connaît depuis l’avènement des applications alternatives comme WhatsApp, Telegram et Zoom des baisses importantes de trafic. Pour accompagner cet élan, l’ANRT a mis en place un encadrement pluriannuel des tarifs de terminaisons d’appel Mobile et Fixe, et ce, sur trois étapes couvrant la période allant jusqu’à 2022. Cet encadrement implique une baisse des tarifs d’interconnexion Mobile de 35% pour Maroc Telecom contre 25% pour Orange et 22% pour Inwi avec maintien de l’asymétrie. À la fin dudit encadrement, une baisse cumulée moyenne de 65% devrait être enregistrée auprès des trois opérateurs télécoms.

Cadre juridique de la décision
En vertu du décret n°2-97-1025 susvisé, les tarifs d’interconnexion devraient respecter les principes d’objectivité, de transparence et de non-discrimination, et ne pas conduire à imposer indûment des charges excessives. Ils devraient également refléter les coûts pertinents pour chaque opérateur exerçant une influence significative sur un marché particulier des télécommunications. Par ailleurs, et en vertu de l’article 22 du décret précité, l’ANRT peut définir les conditions de décroissance des tarifs d’interconnexion sur une période déterminée, de façon à permettre notamment les comparaisons internationales utiles en la matière. Enfin, et conformément aux décisions en vigueur, les tarifs d’interconnexion SMS de chaque opérateur doivent refléter effectivement les coûts. En application des textes réglementaires susvisés, les opérateurs exerçant une influence significative sur les marchés particuliers concernés sont soumis à l’obligation d’orientation vers les coûts des TA dans leurs réseaux. Quant aux opérateurs qui n’exercent pas d’influence significative sur un marché particulier, ils sont assujettis aux dispositions de l’article 13 du décret n°2-97-1025 susvisé et ne doivent pas imposer aux autres opérateurs utilisant l’interconnexion des charges excessives qu’ils doivent pouvoir justifier à la demande de l’ANRT.

Historique des consultations
En décembre 2018, une étude a été lancée en collaboration avec les opérateurs. Celle-ci a porté sur la mise en place de la méthode CILT pour la détermination des tarifs d’interconnexion. L’étude dont les résultats ont été présentés aux trois opérateurs courant décembre 2020 a permis d’établir un échéancier pour la mise en œuvre effective des recommandations. Par ailleurs, l’ANRT avait lancé une première consultation, en août 2019, pour la révision des tarifs d’interconnexion, à l’issue de laquelle les opérateurs se sont accordés, sans converger vers les mêmes niveaux, sur un seuil minimal de révision des tarifs en vigueur. Sur demande des trois opérateurs globaux et après concertation, il a été convenu de reporter provisoirement la révision de ces tarifs. Une deuxième consultation a été lancée, fin août 2020, pour la mise en place d’un encadrement pluriannuel, sur trois étapes, couvrant jusqu’à 2022, assurant ainsi la visibilité sur les modalités de décroissance des tarifs d’interconnexion pour les opérateurs en tenant compte de la configuration actuelle des flux d’interconnexion, des positions et tarifs d’interconnexion actuels des trois opérateurs sur chaque segment de marché. Ainsi, il a été préconisé, à la fin dudit encadrement pluriannuel, une baisse cumulée moyenne de 65%. Les niveaux de baisse proposés s’inscrivent également dans le cadre de la mise en œuvre progressive des résultats qui seraient issus de l’application de la méthode CILT et dont des coûts préliminaires ont déjà été calculés par l’ANRT sur la base des données fournies par certains opérateurs.

Réaction des opérateurs suite aux consultations
En réponse à des consultations, les trois opérateurs ont transmis à l’ANRT leurs commentaires et propositions. Leur examen relève que les trois opérateurs s’accordent pour appliquer des niveaux de baisse importants au niveau des tarifs d’interconnexion. Un opérateur a souhaité l’adoption d’une symétrie des tarifs le plus tôt possible, et recommandé une baisse progressive des niveaux d’asymétrie. Un opérateur a estimé qu’il serait pertinent que la baisse des tarifs de l’interconnexion ne soit pas brusque tout en proposant, à terme, qu’ils devraient varier entre 0,01 et 0,04 DH/mn. Un opérateur a demandé l’alignement des niveaux et rythme des baisses des tarifs de l’interconnexion entre deux opérateurs alternatifs, d’annuler ou d’abaisser massivement les tarifs de l’interconnexion fixes dans une optique d’ouverture du marché fixe, ainsi que de prévoir la possibilité d’une révision, à tout moment, de l’encadrement pluriannuel, au regard notamment de l’évolution de la dynamique concurrentielle.

Modeste Kouamé / Les Inspirations Éco



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