Faillites d’entreprises: les chiffres qui inquiètent les patrons
Les chiffres relatifs aux faillites d’entreprises en 2021 ont de quoi inquiéter les patrons. Les effets de la crise liée à la pandémie ne font que commencer.
Après une longue et douloureuse expérience en 2020, la plupart des entreprises devraient, en principe, recouvrer leur santé dès cette année, selon le Haut-commissariat au plan (HCP). Dans une étude rendue publique mi-janvier, l’organisme chargé de la production, de l’analyse et de la publication des statistiques officielles au Maroc tablait sur une rémission marquée par une croissance 4,6% de l’activité économique. Sur la base de cette hypothèse et des espoirs nés du lancement des campagnes de vaccination, la demande extérieure adressée au Maroc devrait favoriser l’ouverture des frontières et entrainer un regain de confiance des ménages et des investisseurs. Ces prévisions économiques prennent également en considération les dispositions annoncées dans la loi de finances 2021 et supposent la réalisation d’une production céréalière moyenne de 75 millions de quintaux durant la campagne 2020/2021. Si le secteur primaire devrait enregistrer une hausse de l’ordre de 11% de sa valeur ajoutée en 2021 contre une baisse de 7,1% en 2020, les activités du secteur secondaire, elles, soutenues par l’amélioration des demandes extérieure et intérieure, devraient connaître plus de dynamisme, avec une valeur ajoutée en amélioration de 4,1% en 2021 contre un net repli de 6,3% en 2020.
Plus de 2.694 entreprises ont déjà fait faillite en 2021
Mais, aujourd’hui, tout cela semble tellement beau pour être vrai au vu des derniers chiffres révélés par la société Inforisk. Selon le spécialiste du renseignement commercial sur les sociétés marocaines, un total de 2.694 entreprises ont fait faillite depuis le début de l’année. Un chiffre énorme, qui traduit une hausse de 15% de plus que l’an dernier sur la même période. En effet, après un calme premier semestre en 2020, le rythme de progression des faillites s’est redressé depuis le mois d’octobre 2020 pour revenir à un niveau « normal » avant de s’accélérer à partir du mois de janvier, au moment où la reprise de l’activité économique commençait à prendre forme. Amine Diouri, directeur des études et de la communication chez Inforisk D&B, explique les contours de ce paradoxe. En réalité, explique-t-il, si la fermeture déclarée des entreprises a connu une hausse en 2021, c’est que les tribunaux de commerce qui étaient paralysés de mars à juin 2020 à cause du confinement ont maintenant ouvert leurs portes. Autrement dit, la baisse des entreprises l’année dernière, au plus fort de la crise, était en fait une baisse en trompe-l’œil. Ce qui explique aussi l’effondrement des redressements judiciaires et les liquidations entre autres les procédures amiables, les contentieux ou les référés, constatés durant ladite période. Mais cela n’explique pas tout, poursuit notre interlocuteur. «Les répercussions du choc créé par la crise liée à la pandémie de la Covid-19 commencent à faire leurs effets sur certaines entreprises», explique Amine Diouri. Et le pire est que non seulement, les répercussions de la crise se feront davantage ressentir, mais également, et surtout, les mécanismes de soutien de l’État aux entreprises viennent d’arriver à leur terme. Or, la mise en place de programmes de soutien aux entreprises, tels que le programme Intelaka, ainsi que des différents modes de financement aux entreprises durant la crise, comme Damane Oxygène ou Damane Relance, avaient permis aux patrons d’entreprises de souffler pendant quelques mois. Ces outils avaient d’ailleurs joué un grand rôle dans la forte reprise des créations d’entreprises vers la fin de l’année.
Finie la perfusion?
Pour rappel, au 31 décembre 2020, 86.008 opérations de crédit ont été réalisées. Élément clé dans l’accompagnement des entreprises et la facilitation d’accès au financement durant la période de crise, la Caisse centrale de garantie a traité 3 fois plus de dossiers de prêts que d’habitude, représentant un surplus de 85.000 à 86.000 prêts accordés. Dans le détail, c’est près de 50.000 entreprises qui ont pu bénéficier de l’offre Damane Oxygène pour un volume crédit de plus de 18 MMDH. Hélas, pour l’heure, personne ne sait si l’État va encore jouer les sapeurs-pompiers pour le reste de l’année au moment où on s’attend à une hausse des défaillances des entreprises. « Je crois que l’État ne va pas reconduire ces programmes pour une raison simple: ils coûtent très cher au contribuable», estime Amine Diouri. Résultat : 2021, qui devait être une année de relance pour de nombreuses entreprises, risque d’être plus corsée que prévu, notamment pour les plus vulnérables, à l’image des TPE.
Seules les entreprises les mieux organisées et qui proposent des offres correspondant aux besoins actuels du marché tireront leur épingle du jeu. Pour le reste, il va falloir peut-être s’attendre au miracle.
Khadim Mbaye / Les Inspirations Éco