Damane Relance/Oxygène : quel bilan ?
La machine des produits Damane Relance et Oxygène, lancés en grande pompe par l’État et les banques, semble encore avoir besoin de rodage. Au faible taux de couverture des entreprises cibles, s’ajoute la lenteur dans la distribution des enveloppes, selon les professionnels. Des inquiétudes planent sur le risque élevé de défaut de remboursement des bénéficiaires.
Au plus fort de la crise liée au nouveau coronavirus, le gouvernement a dégainé l’artillerie lourde pour apporter une bouffée d’oxygène aux entreprises en difficulté. Pour ce faire, et sur instruction royale, des produits ont été mis en place, à savoir Damane Relance/Relance TPE et Damane Oxygène, pour garantir les prêts bancaires accordés aux entreprises dans le besoin. Il faut distinguer les deux premiers produits : Relance TPE est destiné à garantir les prêts des TPE réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 10 MDH, tandis que Damane Relance est déployé en faveur des petites, moyennes et grandes entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 10 MDH. Mais qu’en est-il de ce soutien de l’État au tissu productif national, durement impacté par la pandémie ? Depuis leur mise en place par la Caisse centrale de garantie (CCG), les mécanismes Relance TPE et Damane Relance ont profité à pas moins de 15.183 entreprises, pour un total de 22,4 MMDH de crédits ayant bénéficié de ces garanties exceptionnelles, soit un montant global d’engagements s’élevant à 19,7 MMDH, s’est félicitée la CCG au mois de septembre. En termes de répartition du volume des crédits garantis selon les secteurs d’activité, les mécanismes Relance ont principalement profité aux secteurs de l’industrie (33%), du commerce et distribution (31%) et du BTP (17%). Début octobre, les chiffres s’améliorent. Le nombre d’entreprises ayant bénéficié de ce crédit est de 20.000 pour un montant total de 26 MMDH, alors que le potentiel serait trois fois supérieur, selon les récentes estimations du cabinet Inforisk.
Quid du produit Damane Oxygène ?
Il faut noter, à ce propos, une utilisation moindre de Damane Relance par rapport à Damane Oxygène. Même si l’encours engagé au profit des entreprises dans le cadre de cette enveloppe est de seulement 17,4 MMDH pour un total de 47.000 bénéficiaires. Force est de constater que ces deux mécanismes, lancés le 15 juin dernier dans le cadre de la mise en œuvre des mesures décidées par le Comité de veille économique (CVE), visant l’atténuation des effets de la crise induite par la pandémie de Covid-19, sont loin d’atteindre les résultats escomptés, selon de nombreux spécialistes. Si l’objectif “noble’’ était de permettre aux très petites entreprises (TPE), petites et moyennes entreprises (PME) et grandes entreprises (GE) de financer le retour progressif à une activité normale, en moyenne, seules 30% des entreprises ont bénéficié de Damane Oxygène contre 20% pour Damane Relance, si l’on en croit les résultats du troisième baromètre de la CGEM. «Cela témoigne de la difficulté pour les entreprises d’accéder au financement», regrette un spécialiste. «Il y a une grosse propagande autour des produits bancaires ainsi que des prêts Damane Relance en faveur des entreprises», mais, «pour notre part, nous n’avons rien reçu», a récemment confié aux Inspirations ÉCO Lahoucine Azaz, président de la Fédération nationale de la boulangerie et pâtisserie du Maroc (FNBPM). Il ajoute que le modèle des banques marocaines ne permet pas de prêter de l’argent aux petites mains. Si les directives du roi en faveur des PME/TPE sont «claires et nettes», «ce sont les grandes entreprises et les promoteurs immobiliers qui bénéficient des prêts bancaires, non les petites entreprises», insiste Azaz, non sans amertume.
Si la question de l’accès au financement se pose encore avec acuité, malgré l’appel incessant du roi aux banques à mettre un terme à ce fléau, le rythme d’attribution des enveloppes suscite aussi des interrogations. Sur une fenêtre de quatre mois, «on a atteint uniquement un tiers du potentiel des entreprises cibles», estime Khalid Ayouch, PDG d’Inforisk D&B, qui se demande s’il va falloir attendre huit autres mois pour couvrir la totalité des entreprises cibles. Récemment, lors de la présentation des résultats d’une enquête de son cabinet sur les impacts de la Covid-19 sur les entreprises, Ayouch s’interrogeait aussi sur le risque de crédit des entreprises alors que les échéances de remboursement, coïncidant avec le mois de janvier, se rapprochent. «La question du temps est centrale puisqu’il peut y avoir un manque de soutien de l’activité, mais il va falloir gérer le pont entre la crise et la reprise, malheureusement sur un facteur que personne ne maîtrise, à savoir la crise liée à la Covid-19», avertit l’expert. Une question centrale qui risque de faire grand bruit durant les prochains mois.
Khadim Mbaye / Les Inspirations Éco