Artisanat : à Fès, les bazaristes agonisent
Des magasins et ateliers fermés dans l’ancienne médina et des artisans au bord de la faillite, telle est la situation du secteur de l’artisanat, dont l’économie locale dépend fortement.
Les artisans connaissaient déjà des difficultés liées à la baisse du chiffre d’affaires, en raison notamment de la concurrence du secteur industriel et des produits chinois. La pandémie de la Covid-19 est venue aggraver cette situation. Dans la ville de Fès, où cette activité est source de revenus pour nombre de ménages, l’artisanat est en crise plusieurs semaines après la levée du confinement. Aujourd’hui encore, les artisans ont du mal à écouler leurs produits. La plupart d’entre eux se retrouvent sans ressources et les clients se font rares.
La dinanderie s’organise
Dans le segment de la dinanderie, les artisans ont décidé de mettre en place une coordination nationale qui rassemble les professionnels de Fès et de Marrakech. Cette coordination, récemment établie, entend défendre les droits de ses adhérents et faire face à la concurrence du «laser chinois», qui a remplacé le travail manuel et inondé le marché de produits industriels. «Durant la période du confinement, marquée par l’arrêt total des activités artisanales, les entreprises industrielles ont élargi leurs parts de marché au détriment des produits artisanaux. Actuellement, les dinandiers peinent à positionner leurs produits», précisent les membres de la Coordination nationale des artisans du métier de la dinanderie. Mohamed Yazami, artisan au sein du village artisanal de la dinanderie à Ain Nokbi, affirme que «les transactions ont reculé de près de 100%. Les principaux clients de la dinanderie étaient des visiteurs et des touristes. Avec la fermeture des frontières, le commerce s’est arrêté».
Une situation alarmante
À Fès, la plupart des bazaristes peinent à tenir leurs boutiques ouvertes, tant leurs commerces croulent sous les dettes et les factures accumulées durant le confinement. La situation est alarmante pour la plupart d’entre eux. Aujourd’hui, ils plaident pour une intervention rapide et ciblée, afin de sauver leurs commerces de cette crise inédite. Il faut rappeler que le secteur de l’artisanat à Fès compte plus de 40.000 unités de production, dont 360 PME et 530 coopératives. Il contribue à 12,8% dans le PIB de l’artisanat au niveau national. En 2019, le secteur a réalisé plus de 94,8MDH de chiffre d’affaires (CA) avec une contribution à l’IS de 0,37%. Les artisans de la région ont réalisé 66MDH de chiffre d’affaires à l’export en 2019, soit 8% du CA national à l’export. Notons qu’après le confinement, le secteur a connu une reprise pour quelques activités de service qui concernent 20.000 artisans (mécaniciens, tôliers, électriciens, plombiers, fours traditionnels). Cela s’est traduit par une hausse du CA à l’export de 52% pour Fès, au mois de juin par rapport à la même période en 2019. Néanmoins, plusieurs autres métiers connaissent encore des difficultés de redémarrage, en raison du manque de matière première ou de son coût élevé, l’accumulation des charges fixes (eau, électricité, loyer), la faible demande intérieure ou encore la forte dépendance du secteur vis-à-vis du tourisme.
Mehdi Idrissi / Les Inspirations Éco