Dialogue social : le bras de fer s’annonce musclé
Le dialogue social tripartite doit reprendre la semaine prochaine entre le gouvernement et les partenaires sociaux et économiques. Les négociations seront tendues autour des dossiers chauds à commencer par celui de la réforme du Code du travail auquel tient le patronat et qui est rejeté par la plupart des centrales syndicales.
Le chef de gouvernement devra répondre la semaine prochaine aux requêtes des partenaires sociaux et économiques. L’actuel round du dialogue social s’inscrit dans une conjoncture difficile, marquée par les efforts de lutte contre les effets de la crise sanitaire sur les salariés et les entreprises. Le compromis s’avère difficile entre les centrales syndicales, qui ont exposé, il y a une semaine, leurs doléances au chef du gouvernement, Saad Dine El Otmani, et la CGEM. La balle est désormais dans le camp du gouvernement en ce qui concerne plusieurs points. Les syndicats plaident, entre autres, pour le maintien de l’indemnité du Fonds de lutte contre la pandémie de la Covid-19 au profit des travailleurs qui sont toujours à l’arrêt. Une requête partagée aussi par le patronat. C’est d’ailleurs, l’un des rares points qui ne divisent pas les deux parties. Le bras de fer risque d’être serré sur plusieurs dossiers, à commencer par celui de l’opérationnalisation de la deuxième augmentation du SMIG, qui devait être actée à partir du 1er juillet. Le gouvernement est appelé à trancher sur cette question. Cette mission est très difficile vu les positions de la CGEM et des syndicats. Les partenaires sociaux rejettent catégoriquement la demande du report de la deuxième augmentation du SMIG, car il s’agit d’un accord signé noir sur blanc par les trois parties lors du dernier accord du dialogue social (5% en 2019 et 5% en 2020).
Discorde autour du Code du travail
La réforme du Code du travail, prônée par le patronat depuis des années et redoutée par les syndicats, est un autre dossier épineux que le gouvernement est appelé à gérer. La CGEM se fait insistante en cette période de crise pour entamer ce chantier qui fait partie des engagements du gouvernement. Le chef du gouvernement l’avait en effet inscrit dans sa déclaration devant les parlementaires en 2017. Va-t-il enfin pouvoir entamer le processus des négociations ? Rien n’est moins sûr. La plupart des syndicalistes opposent un niet catégorique à ce projet de réforme controversé. L’UNTM, bras syndical du PJD, semble favorable à cette réforme.
Concrètement, la CGEM réclame une flexibilité responsable au service de la compétitivité et de l’emploi et en phase avec les nouveaux enjeux de l’économie marocaine et les attentes des opérateurs économiques à commencer par le volet contractuel (contrats à temps partiel, un nouveau cadre-juridique pour le télétravail…). Au niveau du marché du travail, on estime, entre autres, qu’il est nécessaire de réviser la durée de l’intérim. Le patronat plaide aussi pour la révision de certaines dispositions du code du travail qui restent «rigides et sujettes à des interprétations». Les syndicats ne l’entendent pas de cette oreille et plaident pour le report de ce dossier en raison de la spécificité de la conjoncture actuelle. La bataille s’annonce rude également sur le projet de loi organique réglementant le droit de grève qui est gelé dans les tiroirs de la chambre des représentants depuis son transfert par le gouvernement de Benkirane en 2016 à cause des réticences syndicales. C’est un autre dossier qui tient à cœur au patronat qui appelle à accélérer la cadence de son adoption alors que les syndicats prônent une nouvelle mouture. Depuis presque quatre ans, les partenaires sociaux réclament le retrait du texte qui «restreint le droit à la grève, voire l’interdit» et sa programmation dans le cadre du dialogue social. Le chef de gouvernement s’est récemment engagé à soumettre bientôt la nouvelle mouture du texte au Parlement, après les concertations avec les syndicats et le patronat.
Par ailleurs, la CGEM prône l’adoption du décret tant attendu par le patronat sur les secteurs qui peuvent recourir aux Contrats de travail à durée déterminée (CDD). L’article 16 du Code du travail stipule que le Contrat de travail à durée déterminée peut être conclu dans certains secteurs et dans certains cas exceptionnels fixés par voie réglementaire après avis des organisations professionnelles des employeurs et des organisations syndicales des salariés les plus représentatives ou en vertu d’une convention collective de travail. Ce décret a été finalisé par le ministère du Travail après concertations avec les partenaires sociaux et économiques et transféré au secrétariat général du gouvernement. Il sera bientôt introduit dans le circuit législatif. Le SG de l’UMT, Miloudi Moukharik, se dit d’accord pour introduire les CDD pour des tâches exceptionnelles. «Il ne s’agit pas de remplacer des CDI par des CDD comme le pensent certains patrons», souligne-t-il.
Jihane Gattioui ; Les Inspirations ÉCO