Hicham Chiguer : « La transformation digitale n’est pas un phénomène de mode ! »
Hicham Chiguer.
Trésorier général de l’AUSIM et directeur des systèmes d’information chez Majorel Afrique
Quelles sont les pistes de relance proposées par l’AUSIM ?
L’AUSIM a mené 8 webinaires pour accompagner ses membres et la communauté IT et digital. Nous avons traité des sujets tels que le PCA (Plan de continuité d’activité), la communication de crise, le télétravail… Nous ne sommes pas à l’abri d’un retour au confinement partiel ou général selon la situation sanitaire du pays. Pour cela, il est impératif de préparer un plan de relance. Nous avons proposé certaines pistes de relance comme capitaliser sur les plateformes digitales créées pendant cette période de crise, accélérer le mouvement et l’adopter de façon officielle et continuer ce début d’intelligence collective qui a vu le jour de façon naturelle et spontanée. Il s’agit aussi de prendre des mesures drastiques dans les secteurs vitaux et prioritaires : santé, justice, éducation, e-gov…
En quoi la Covid-19 a-t-elle changé l’activité ?
La crise sanitaire a ouvert les yeux des dirigeants sur l’importance de mener la transformation digitale au sein des entreprises privées/publiques des administrations. Elle a démontré les faiblesses et le manque de maturité de nos infrastructures dans plusieurs domaines. Aujourd’hui, il y a unanimité sur le caractère urgent de cette transformation. Ce n’est pas un phénomène de mode ! L’AUSIM a sorti, en septembre dernier, un livre blanc qui décrit comment mener cette transformation digitale au Maroc avec une analyse de l’état des lieux et des témoignages d’experts, de DSI et des directeurs du digital, consultables sur notre site.
Quels sont les principaux enjeux et défis liés au digital ?
Au cours des dernières années le Maroc a pris du retard par rapport aux autres nations. Notre cadence n’est pas adaptée en comparaison à la tendance mondiale. Nous recommandons de lancer une task force pour accélérer le digital au Maroc au service du citoyen. Le 11 juin dernier, le CESE (Conseil économique, social et environnemental du Maroc) a consulté l’AUSIM. Cette audition visait à pouvoir échanger sur notre vision et nos recommandations sur l’inclusion numérique. Pour résumer, notre proposition s’articulait autour de 3 axes majeurs : la gouvernance des données, l’inclusion numérique et la sécurité (sureté, stabilité, résilience).
Qu’est-ce qui manque en termes de régulation et législation ?
Nous avons aussi évoqué ce volet loi et réglementation avec le CESE. Le Maroc a besoin de renforcer le dispositif réglementaire et légal pour faciliter l’usage des Nouvelles technologies au profit des citoyens. Nous pensons qu’il est important de créer ou renforcer le cadre réglementaire sur la signature électronique pour accélérer sa généralisation, sur l’open data pour construire un écosystème qui alimente les parties prenantes, sur le télétravail comme un nouveau mode de travail avec des avantages fiscaux intégrés dans le Code du travail, et sur le cloud pour encourager son adoption «Cloud first».
Quels sont les enseignements à tirer de cette crise inédite ?
Le Maroc est devant un virage décisif. La Covid-19 a impacté notre économie et notre façon de voir les choses. Avec un peu de recul, elle nous a recentrés sur l’essentiel et sur nos valeurs propres. Nous avons malheureusement perdu plusieurs dizaines de citoyens marocains. Par contre, nous avons une opportunité à saisir, vu que ceux qui avaient lancé leur transformation digitale ont montré leur capacité de survie, de résilience et de continuité d’activité et cela à plusieurs niveaux : Les administrations publiques, les entreprises privées et les professions libérales. Nous avons tous vu comment nous avons sauvé l’éducation avec un enseignement à distance grâce au digital, le guichet unique digital avec l’ADD qui a vu le jour pendant cette période de crise et a permis le traitement des documents pour une quinzaine d’administrations, l’application Wiqaytna par le ministère de la Santé qui est le fruit d’une collaboration forte avec les entreprises marocaines et startups expertes en développement en adoptant une méthode agile. Nous avons un capital humain compétent et compétitif, nous avons pu mener des projets dans des délais records, il y avait une volonté gouvernementale pour adopter des mesures courageuses. Il est temps de maintenir cette dynamique, de réussir le virage du digital et de prendre de l’élan dans un monde où les entreprises digitales ont déclassé les grandes compagnies pétrolières, automobiles et agro-alimentaires. L’AUSIM a toujours été précurseur dans le domaine du digital en lançant des débats constructifs et avant-gardistes afin d’encourager l’écosystème marocain à adopter les dernières technologies, et avoir le courage nécessaire pour mener une transformation de fond. Nous considérons que le Maroc a un rôle fédérateur à jouer à l’international et plus spécialement en Afrique dans une relation win-win.
Sanae Raqui
Les Inspirations Éco