Enseignement privé : une réforme législative en vue
Le projet de réforme législative du secteur de l’enseignement privé est fin prêt et devra bientôt être introduit dans le circuit législatif. Il vise, entre autres, à réguler les tarifs des établissements privés et à régir leurs relations avec les parents. Le montant d’assurance ne doit pas dépasser 50 DH. Les députés veulent amender cette loi avant la fin de la session parlementaire en cours.
C’est le sujet de l’heure qui accapare les débats : comment réguler les tarifs de l’enseignement privé. Le ministre de l’Éducation nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Saaid Amzazi a été interpellé, mardi dernier, par les députés de la Commission de l’enseignement, de la culture et de la communication sur ce dossier épineux. Les parlementaires n’y sont pas allés avec le dos de la cuillère. Le département de tutelle est vertement critiqué car il s’est contenté de jouer les médiateurs entre les établissements publics et les parents. À cet égard, Amzazi est on ne peut plus clair: «nous n’avons pas d’assise juridique, pour le moment, pour pouvoir jouer un autre rôle que celui de la médiation» mais cette situation ne va pas visiblement durer.
Une réforme législative sera bientôt mise sur les rails
L’amendement de la loi 06-00 régissant le secteur scolaire privé figure sur l’agenda du plan législatif de mise en œuvre de la loi-cadre de l’éducation et de la formation. La vision est fin prête et sera présentée le 17 juillet aux travaux de la commission ministérielle chargée du suivi de la mise en œuvre de la loi-cadre et présidée par le chef du gouvernement. Initialement, Amzazi comptait soumettre la nouvelle législation à l’institution législative à partir de la prochaine session parlementaire d’automne mais les députés s’impatientent et prônent l’accélération de la cadence d’examen et d’adoption des textes avant la fin de la session en cours. Une demande à laquelle le ministre de tutelle est manifestement favorable mais la concrétisation de cet objectif serait difficile. Le processus législatif est en effet très long : il faut approuver les nouvelles mesures par la commission ministérielle, faire passer le texte par l’étape fatidique du secrétariat général du gouvernement puis par le Conseil de gouvernement avant de le soumettre au Parlement.
Concrètement, quelles sont les réformes attendues ?
Il s’agit en premier lieu de donner la main au gouvernement pour agir sur le plafonnement des tarifs des écoles privées. Une classification des établissements est en vue pour fixer les fourchettes des prix en fonction des services supplémentaires offerts aux élèves (transport, restauration, activités parascolaires, enseignement des langues…) ainsi que des infrastructures et de la nature des investissements. Amzazi insiste sur la nécessité de restaurer la confiance dans l’enseignement privé à travers la transparence. À titre d’exemple, les montants exorbitants d’assurance exigés par les établissements privés doivent changer. À ce titre, le ministre tient à souligner que sur la base d’une consultation des cabinets spécialisés, le montant d’assurance ne doit pas dépasser 50 DH. Or, les écoles privées demandent des montants beaucoup plus élevés pour payer le personnel pendant les mois de juillet et d’août, comme tient à l’indiquer le responsable gouvernemental. Le gouvernement compte intervenir sur ce volet mais cela pourrait ne pas avoir d’impact sur les frais de scolarité. Les parents pourraient se retrouver contraints de payer les mois de vacances scolaires dans le cadre du respect du principe de la transparence prôné par le ministre de tutelle.
Que peut-on faire dans l’immédiat ?
Le département de tutelle reconnaît que sa marge de manœuvre est très limitée. Amzazi incite les parents «fonctionnaires» et ceux dont le revenu n’a pas été touché pendant la crise sanitaire à payer les frais de scolarité des mois du confinement aux écoles privées pour qu’elles puissent verser les salaires aux enseignants qui ont, selon lui, déployé des efforts considérables pour assurer l’enseignement à distance. Tout porte à croire que le bras de fer va durer. Si certains établissements ont volontairement exonéré les parents d’une partie des frais scolaires, d’autres campent sur leur position. Les représentants de l’enseignement privé plaident pour un plan de sauvetage du secteur qui n’a pas bénéficié du soutien du fonds du Covid-19. Amzazi annonce que le gouvernement compte faire bénéficier le personnel des écoles privées inscrit à la CNSS (hormis les enseignants qui n’ont pas été en arrêt de travail) du fonds du Covid-19. Le ministre estime que les écoles privées sont un partenaire indispensable. Il met en garde contre une migration massive de l’enseignement privé à l’école publique qui n’est pas prête à accueillir tous les élèves du privé. L’enseignement privé compte plus de 14% des élèves marocains soit plus d’un million et 40.000 enfants. Amzazi estime qu’il faut sauvegarder l’acquis de la lutte contre la massification des classes dans les établissements publics.
Nouvelles dispositions
Par ailleurs, la réforme législative ne tend pas uniquement à réguler les tarifs. Il faut aussi mettre en œuvre les autres dispositions qui figurent dans la loi-cadre. À cet égard, le contrôle de la qualité de l’enseignement est un élément fondamental. Les inspections générales et les académies régionales de l’éducation et de la formation sont appelées à renforcer leur contrôle pour s’assurer du respect de la qualité de l’enseignement privé. Une entité spéciale de suivi sera dédiée à ce secteur. En outre, l’enseignement privé est tenu, en vertu des dispositions de la loi-cadre, de s’engager à respecter les principes du service public et à participer à fournir l’éducation, l’enseignement et la formation pour les enfants des familles nécessiteuses et les personnes en situation de handicap. Les conditions et le taux de participation des établissements privés en matière d’offre pédagogique gratuite au profit des nécessiteux seront fixés par un texte réglementaire. Il s’agit aussi de mettre en œuvre les dispositions ayant trait à la contribution du secteur privé dans les efforts relatifs à l’enseignement obligatoire et à la réalisation des objectifs de lutte contre l’analphabétisme et l’éducation informelle. Un système d’incitation sera mis en place, comme stipulé par la loi-cadre.
Jihane Gattioui
Les Inspirations ÉCO