WAC-Espérance de Tunis. Un match financier aussi !
La finale de la Ligue des champions d’Afrique entre le WAC et l’Espérance sportive de Tunis, qui a lieu ce vendredi, constitue aussi un duel financier et managérial entre les deux grandes écuries footballistiques du Maghreb.
Deux présidents-mécènes, le recrutement des meilleures stars du continent, un public contribuant fortement aux finances des deux clubs… voici quelques points communs aux deux clubs historiques du Maroc et de Tunisie, le WAC et l’Espérance sportive de Tunis (EST). Loin des rivalités sportives, les deux clubs présentent des similitudes dans leur business model. Les rivaux de cette finale présentent les deux modèles les plus aboutis en matière de gestion sportive au Maghreb. Un modèle comportant aussi des fragilités et des limites caractérisées par la dépendance à de puissants dirigeants des deux clubs. L’EST se distingue du WAC par son modèle de club omnisport. Si le comité directeur des Rouges et blancs donne la priorité au football, les Sang et or de Tunisie sont une véritable puissance africaine dans d’autres disciplines également (basketball et handball).
Budget : le WAC plus «riche» que l’EST
Étonnant ! Le club casablancais est doté de ressources financières plus importantes que celles dont dispose l’EST. Le budget du WAC pour la saison 2017/18 était de 114 MDH. Les sang et or tunisiens talonnent le WAC avec un budget de 84,1 MDH. Les performances du WAC s’expliquent par les participations continentales depuis quatre ans aux phases de groupes de la Ligue des champions. Quant à eux, les Tunisiens comptent surtout sur les généreux dons du président du club, Hamdi Meddeb. Les performances financières du club tunisien sont à nuancer. La dévaluation de la monnaie tunisienne depuis 2014 joue en faveur du WAC dans ce registre. Malgré cette contrainte financière, l’EST continue d’investir dans l’acquisition de joueurs internationaux au prix fort.
Management : deux «hyperprésidents »
Meddeb tient les rênes de l’Espérance depuis 2007. Le richissime homme d’affaires a survécu aux soubresauts de la révolution de 2011 dans son pays et à sa proximité avec Mohamed Sakhr El Materi, gendre du président déchu Ben Ali. Meddeb est une des premières fortunes de Tunisie. Il est présent dans l’agroalimentaire (Délice-Danone), le secteur financier (Banque Zitouna) et l’aviation d’affaires (Princesse Private Aviation). Meddeb finance à hauteur de 51% le club. Des dons qui ont permis au club de désendetter et de restructurer sa gestion. La méthode Meddeb s’appuie sur l’investissement dans de jeunes talents tunisiens, ivoiriens et nigérians pour ensuite les céder sur le mercato européen ou des pays du Golfe. Après douze ans à la tête du club, Meddeb veut marquer l’histoire de son club à l’instar des deux présidents historiques Chedly Zouiten et Slim Chiboub. Said Naciri, président du WAC, présente des similitudes avec Meddeb. Sans revendiquer un empire financier aussi puissant que celui de l’homme d’affaires tunisien, Naciri fait partie des businessmen du foot. Sa particularité: la très grande discrétion entourant son business. On sait qu’il est promoteur immobilier (AK Promotion) et actionnaire d’un média (Médina FM). Selon Jeune Afrique, sa fortune est estimée à «quelques centaines de millions de dirhams». Ces ressources lui ont permis de lancer la restructuration financière du WAC. De club fortement endetté du temps de Abdelilah Akram, le WAC est une équipe abonnée aux phases finales de Ligue des champions à l’instar d’Al Ahly (Égypte), du TP Mazembe (République démocratique du Congo) et de son adversaire du jour, l’EST. Naciri est aussi créancier du club à hauteur de 13 MDH. Contrairement à l’EST, la dépendance du WAC à son président baisse au fur à mesure que le club marocain enregistre de bons résultats dans ses campagnes africaines. En matière de recrutement, le Tunisien Meddeb engrange plus de succès que Naciri. Les choix des joueurs recrutés par ce dernier s’avèrent peu concluants sur le plan sportif et coûteux sur le plan financier (les cas de Chikatara, Babatoundi ou Jibour).
Marketing : longueur d’avance pour les Tunisiens
Dans le volet marketing, Meddeb a une longueur d’avance sur Naciri. En bon marketeur, Meddeb et son équipe ont su dès le départ revoir l’image du club pour en faire un produit attractif pour les sponsors nationaux et internationaux, le tout dans le cadre du plan stratégique intitulé «Perspectives 2019». Cette politique marketing offensive a permis au club de développer et de diversifier ses sources de financement. Il demeure que le club souffre d’une quasi-dépendance aux financements provenant des entreprises du président Meddeb (groupe Délice Holding). 50% des recettes sponsoring du club proviennent de contrats signés avec ces entités. Les recettes marketing du club ont atteint 20 MDH. Seul le Raja arrive à ce niveau de recettes. Le WAC, malgré une forte exposition médiatique à l’échelle africaine, ne draine que 13,5 MDH de recettes sponsoring. En termes de merchandising, l’EST fait mieux que le WAC. Le club tunisien dispose de points de vente officiels (Taraji Store) depuis 2017 et d’un partenariat télécom (Taraji Mobile) depuis 2014. Ce partenariat permet aux fans de bénéficier de cartes SIM aux couleurs du club. Pour sa part, le WAC peine toujours à lancer des produits dérivés et toute stratégie de merchandising pérenne.
Ultras : Winners vs Emkachkhines
Avec le Raja de Casablanca et Al Ahly, les deux clubs revendiquent une très large fanbase. Leur présence sur les réseaux sociaux traduit l’engouement considérable pour les deux clubs. L’EST et le WAC comptent aussi sur des groupes d’ultras les plus anciens du continent. Les Winners au WAC et l’Emkachkhines à l’EST ont une rivalité historique. Chacun de ces groupes d’ultras se revendique comme le premier mouvement ultra dans le monde arabe. Les deux groupes ont été créés au courant de l’année 2005; difficile de se prononcer objectivement sur la date officielle de leur lancement. Le soutien des supporters sera décisif lors de cette finale. Ce match, qui se tiendra à guichet fermé, se jouera sous hautes tensions. Des accrochages violents entre les deux publics lors du match aller au Maroc ont été signalés. Le risque de nouveaux débordements n’est pas à écarter, surtout que le public wydadi a fait le déplacement. Il se compte en milliers.
Et sur le terrain… En finir avec la malédiction de Radès
Loin des différences de budget et de stratégie managériale, la final devra être gagnée sur le terrain. Le stade olympique de Radès ne porte pas toujours chance aux équipes marocaines. En sélection comme en club, les Marocains ont enregistré des revers. En 2004, en finale de la CAN, les Lions de l’Atlas ont perdu la finale face à la Tunisie sur ce stade avec un Ben Ali en tribune d’honneur. En 2005, l’équipe menée par Baddou Zaki échoue à se qualifier à la Coupe du monde 2006. Un autre échec sur cette pelouse de Radès. Le WAC a aussi essuyé de fâcheux revers sur ce même stade. En 2009, le WAC perd la finale de la Coupe arabe contre le même EST. En 2011, les Rouges et blancs laissent filer la Ligue des champions d’Afrique face à leur rival historique de l’EST. Le match de ce soir aura tout d’une revanche. Le club marocain porte l’espoir de tout un pays de décrocher un nouveau sacre africain….