La nouvelle politique étrangère du Maroc : sous le règne du Roi Mohammed VI
Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI (Institut marocain des relations internationales)
Depuis l’intronisation du Roi Mohammed VI en 1999, la politique étrangère du Maroc a subi un changement. Trois orientations caractérisent cette nouvelle politique : la diversification, la fermeté, et la primauté de la question du Sahara.
Au niveau de la diversification de notre politique étrangère, on peut citer en premier lieu le renforcement de nos relations avec l’Afrique subsaharienne. En effet, pas moins d’une cinquantaine de visites du Roi Mohammed VI ont eu lieu dans cette région. À chaque fois, le Souverain est accompagné d’une forte délégation composée de ministres, de responsables des grands organismes publics et des hauts représentants du secteur privé.
À chaque fois aussi, sont signés des accords ou des conventions dans tous les domaines : politique, économique, social, culturel et cultuel. La politique africaine du Monarque a approfondi les relations traditionnelles avec l’Afrique de l’Ouest, mais s’est également élargie à l’Afrique anglophone et lusophone, sans que la question du Sahara soit un préalable. Les investissements du Maroc en Afrique subsaharienne sont spectaculaires et concernent plusieurs secteurs : infrastructures, banques, télécoms, agriculture, industrie, services.
Le Maroc est ainsi devenu le premier investisseur africain en Afrique de l’Ouest et le second à l’échelle continentale. Il a aussi pris l’initiative du gigantesque projet du Gazoduc Nigeria-Maroc qui va traverser 11 pays africains. Il a lancé également les travaux du grand port Dakhla-Atlantique. On peut résumer la doctrine marocaine en Afrique par la déclaration ci-après du Roi Mohammed VI, prononcée à Abidjan, en Avril 2014 : «L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique».
Des choix judicieux
Cette politique a donné ses fruits sous un double volet. Le premier est économique avec le développement des exportations marocaines et des investissements sur le continent africain. Le second est politique puisque des dizaines de pays africains ont retiré leur reconnaissance au Polisario, et que le Maroc a pu retourner dans l’Union africaine (UA) en Janvier 2017. Depuis lors, le Maroc est très actif dans plusieurs domaines, notamment la lutte contre le changement climatique, le terrorisme et l’immigration clandestine. Alors que 28 pays africains ont déposé une motion pour suspendre la RASD au niveau de l’UA, 30 pays étrangers ont ouvert un consulat dans les Provinces du Sud. Le Royaume a manifesté à maintes occasions la nécessité de l’intégration africaine en demandant, en février 2017, son adhésion à la CEDEAO et en signant l’Accord de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), entré en vigueur le 1er Janvier 2021. La diversification de la politique étrangère marocaine se manifeste aussi par l’approfondissement des relations avec les États-Unis d’Amérique, alliés traditionnel du Maroc. Le Roi Mohammed VI a effectué plusieurs visites officielles USA pour rencontrer les présidents américains : Bill Clinton en 2000, George Walker Bush en 2002 et Barack Obama en 2013.
Ces visites ont un double objectif : consolider le soutien des États-Unis à la question du Sahara, et développer davantage les échanges commerciaux et les investissements dans le cadre de l’Accord de libre-échange entré en vigueur le 1er Janvier 2006. Mais la décision la plus importante entre les deux pays a été la signature des Accords d’Abraham le 10 Décembre 2020, par lequel les États-Unis reconnaissent la marocanité du Sahara, et le Maroc accepte la reprise des relations diplomatiques avec Israël. Cette reconnaissance de la marocanité du Sahara, prise sous le mandat du Président Donald Trump, a été confirmée par son successeur, le président Joe Biden.
La diversification de la politique étrangère du Maroc s’est faite également en direction d’autres pays. Le Roi Mohammed VI a effectué des visites au Japon en 2005, en Inde en 2015, en Chine et en Russie en 2016. Le but de ces visites est double : consolider la position du Maroc sur la question du Sahara, et développer les échanges commerciaux et les investissements. Cette diversification s’accompagne aussi de la consolidation des relations avec l’Union Européenne avec laquelle le Maroc a des liens étroits sur les plans politique, économique et culturel. On peut noter le succès obtenu par le Royaume avec cette Union concernant l’élargissement des accords agricole et de pêche aux Provinces du Sud.
Fermeté
La politique étrangère marocaine, depuis l’avènement du Roi Mohammed VI, s’est aussi caractérisée par sa fermeté et des mesures de rétorsion concrètes chaque fois que les intérêts supérieurs du Maroc sont touchés, et notamment concernant la question du Sahara. On peut citer à titre d’exemple le retrait, en mai 2012, de la confiance du Maroc à Christopher Ross, envoyé personnel du Secrétaire Général de l’ONU pour le Sahara, vu sa partialité. Également son opposition, en avril 2013, à la proposition faite par l’Administration Obama pour l’élargissement du mandat de la Minurso aux questions relevant des droits de l’Homme. Le Maroc a aussi rompu ses relations diplomatiques avec l’Iran, en 2009, pour soutenir Bahreïn qui a été revendiqué par l’Iran en tant que sa 14e province, et pour stopper le prosélytisme chiite iranien dans le Royaume. En 2018, la rupture avec l’Iran a été causée par le soutien de ce pays au Polisario, via le Hezbollah libanais. En mars 2016, le Maroc a émis de vives protestations concernant la visite à Tindouf de Ban Kimoon, secrétaire général de l’ONU, du fait de son attitude inacceptable sur la question du Sahara. En 2017, il a proclamé sa neutralité suite à la crise entre l’Arabie Saoudite et Qatar. En mai 2021, le Royaume a suspendu toute relation avec l’Ambassade d’Allemagne et rappelé son ambassadeur à Berlin, suite à son attitude négative suite à la reconnaissance de la marocanité du Sahara par les États-Unis. Enfin le 18 avril 2021, il a protesté énergiquement auprès de l’Espagne après l’accueil sur son sol de Brahim Ghali, chef de la milice séparatiste du Polisario, sous un faux passeport et une identité usurpée, alors qu’il est poursuivi par la justice espagnole pour de nombreux crimes et délits. En conclusion, le Maroc, du fait de ses réalisations internes et de son rayonnement à l’international, notamment sur le plan de la lutte contre le changement climatique, le terrorisme, et l’immigration clandestine, a diversifié ses relations extérieures et adopté une politique vigoureuse lorsque les intérêts supérieurs de l’État sont mis en cause. Cette politique a porté ses fruits, notamment avec la reconnaissance de la marocanité du Sahara par plusieurs pays, le dernier étant Israël, et le soutien au Plan d’autonomie du Maroc pour le Sahara par de nombreux pays européens dont l’Allemagne et l’Espagne. La question du Sahara est vitale pour notre pays, car les Provinces du Sud, dont la marocanité historique a été maintes fois prouvée, constituent un tiers du territoire national. Elles ont bénéficié d’investissements très importants, et sont le prolongement naturel de notre pays vers l’Afrique subsaharienne. Il est donc hors de question que le Maroc accepte la constitution d’un État fantoche au Sud, inféodé à un adversaire déclaré à l’Est.