Intelligence artificielle : au service du développement du secteur bancaire marocain
Par Sanaa Rezki
Professeure permanente à l’ISGA Campus Casablanca
De nos jours, l’Intelligence artificielle (IA) occupe une place importante dans le développement de l’économie. Les algorithmes commencent à intervenir dans plusieurs domaines. Depuis la crise sanitaire, l’État marocain a décidé d’accélérer le rythme de la digitalisation et de la numérisation des procédures et des différents services. Même la Banque centrale (BAM) s’est lancée dans cette nouvelle ère. Plusieurs conférences ont été organisées dans ce sens, et parmi elles, celle qui s’est tenue le 24 juin 2022, en partenariat avec le FMI, sous le thème «Une reprise transformationnelle : saisir les opportunités de la crise».
Les principaux points qui ont été traités sont relatifs au partage d’expérience en matière d’IA. La volonté de BAM de moderniser le secteur bancaire national explique la raison de son inscription dans cette nouvelle dynamique. Néanmoins, comment sera-t-elle en mesure de protéger et d’assurer la confidentialité des données de ses clients ? Pour rappel, le concept d’IA a été créé en 1956 par John McCarthy lors d’une conférence organisée autour du thème «Dartmouth summer research project on artificial intelligence. Cette manifestation a donné naissance à plusieurs types d’analyses. Il s’agit, entre autres, de l’analyse prédictive et de l’analyse des données. L’IA est un processus qui reproduit l’intelligence humaine.Sur la base de données, de systèmes informatiques et d’algorithmes, une machine peut imiter le comportement des êtres humains. Elle présente de multiples avantages qui permettent de prendre des décisions importantes dans un laps de temps réduit. L’IA peut être au service du secteur bancaire marocain, par exemple en décelant les fraudes liées au paiement par carte bancaire en temps réel.
À l’aide des algorithmes, la banque peut prévoir les transactions financières frauduleuses et vérifier facilement les identités. Elle facilite et accélère le temps consacré au traitement des demandes de crédit par le biais de l’automatisation des processus qui analysent le risque de solvabilité des clients. Elle peut même établir une étude prévisionnelle du niveau de risque en se référant aux données historiques et aussi en prenant en considération les fluctuations du marché. Elle propose des produits bancaires plus appropriés et personnalisés qui répondent mieux aux besoins des clients, et ce, grâce aux algorithmes analysant les données collectées sur ces derniers. Nous pouvons en déduire qu’une application judicieuse de l’IA permettra au secteur bancaire marocain de se moderniser en proposant des produits personnalisés aux clients et en rendant son intervention dans le financement de l’économie plus efficace, plus pertinente et plus rapide.
En revanche, la mise en application de l’IA dans l’industrie bancaire doit faire face à plusieurs entraves. Il s’agit, notamment, de l’alimentation de la base de données pour que les algorithmes puissent bien fonctionner. Des données qui doivent être collectées et bien structurées. L’utilisation de ces données, notamment à caractère personnel, peut porter atteinte à la vie privée des clients et affecter leurs finances. Les banques nationales sont tenues de respecter la loi 09-08 relative à la protection des données personnelles pour prémunir les clients contre les abus d’utilisation des informations.
La conformité à cette réglementation peut freiner le processus de mise en place de l’IA. Il faut ajouter à cela la problématique des coûts que les établissements bancaires devraient supporter pour l’installation des outils et matériels informatiques appropriés ainsi que pour le recrutement de profils qualifiés et/ou la formation du personnel pour une bonne utilisation des algorithmes.
En effet, son utilisation reste complexe pour les non-initiés. Plusieurs mesures peuvent être prises pour surmonter les différents obstacles liés à l’utilisation de l’IA. Il s’agit, tout d’abord, de l’élaboration de procédures écrites qui contiennent des informations liées aux traitements et aux classements des informations personnelles.
Ces procédures doivent porter aussi sur les méthodes d’enregistrement ainsi que sur la périodicité des analyses et de supervision. L’objectif étant de garantir l’exhaustivité et l’exactitude des informations, de faciliter leur utilisation par le personnel et de protéger les clients contre les abus d’utilisation en interne comme en externe. Les banques doivent renforcer leurs contrôles de sécurité et s’appuyer sur des techniques d’anonymisation et de la pseudonymisation des données pour en assurer la confidentialité. À noter que la différence entre ces deux techniques réside dans la suppression ou la substitution des informations qui peuvent identifier un client par rapport à un autre. La Banque centrale est consciente des défis auxquels la mise en application de l’IA doit faire face pour enrichir son système d’information et faciliter l’accès des utilisateurs internes et externes aux données, tout en assurant la confidentialité des clients. Plusieurs conférences sont organisées dans ce sens et d’autres programmées à l’échelle internationale, comme celle qui aura lieu en mois d’octobre 2023 à Marrakech. L’objectif étant de tenter de trouver des solutions efficaces qui permettront aux avantages de l’IA de l’emporter sur ses inconvénients.