Opinions

Formation du gouvernement : Une seule et unique voix, celle de la légitimité, celle de l’avenir

Plus d’un mois après les élections législatives, la situation du blocage que connaît le processus de formation du nouveau gouvernement nous secoue et nous interpelle à plus d’un titre. Cette situation que rien ne justifie, ne constitue pas véritablement une grande surprise. Cependant, elle risque surtout de se traduire, qu’à Dieu ne plaise, par un grand gâchis. D’abord, sur le plan constitutionnel, les choses sont claires et n’ont besoin d’aucune exégèse, ni interprétation. En effet, toute la Constitution et surtout son préambule et ses articles 42 et 47 ne supportent qu’une seule et unique lecture.

Le Maroc a fait de la construction d’un État de droit démocratique un choix irréversible. Le roi, garant de la pérennité et de la continuité de l’État, veille au respect de la Constitution, au bon fonctionnement des institutions constitutionnelles et à la protection du choix démocratique. Le roi nomme le chef du gouvernement au sein du parti politique arrivé en tête des élections des membres de la Chambre des représentants. Fidèle aux constances constitutionnelles et à ses conviction et choix démocratiques, le roi a nommé, 48 heures après les élections -plus rapidement qu’en 2011- monsieur Abdelilah Benkirane secrétaire général du PJD, qui seul jouit de la légitimité de la représentation démocratique au niveau national et au niveau de son parti, pour former et conduire le nouveau gouvernement.

De son côté, l’article 175 de la Constitution, en stipulant qu’aucune révision ne peut porter sur le choix démocratique de la Nation, rend illusoire tout débat sur l’interprétation du mode de choix du chef de gouvernement et hasardeuse toute velléité de révision de ce mode. Cette ligne rouge interdisant de remettre en cause le choix démocratique dans toute révision de la Constitution, est un rappel à l’ordre pour ceux qui proposent un passage par l’article 174 pour débloquer la situation. Dans ce contexte, la mise en application de cet article, qui permet la révision de certaines dispositions de la Constitution, se traduirait par une humiliation de la volonté populaire, par ceux-là mêmes qui en sont l’émanation, à savoir les membres de la Chambre des représentants, où les partis politiques ont été classés par la volonté et l’expression du vote populaire.

Selon cette proposition, les parlementaires seraient in fine appelés à approuver un changement de nature à altérer le sens de la volonté populaire telle qu’exprimée par le scrutin, un changement qui rendrait possible le fait que le parti politique arrivé en tête des élections ne soit plus considéré ainsi et que le deuxième, voire même le troisième ou le quatrième… le soient au sens de l’article 47 de la Constitution. En aucun cas le législateur constitutionnel n’aura songé à faire subir aux représentants démocratiques du peuple un tel scénario humiliant. Et en aucun cas cet article n’a été stipulé pour être le réceptacle d’une telle exégèse rétrograde des prétendus constitutionnalistes, journalistes ou politiques. Ensuite, sur le plan électoral, il est utile de rappeler ce que tout le monde sait, que notre mode de scrutin a été fait, et amendé récemment, pour qu’aucune formation politique, voire même deux ou trois, ne soient en capacité de former une majorité gouvernementale claire. Dès lors, en principe, tous les acteurs doivent œuvrer dans le sens de faciliter la formation du gouvernement, et toute action en vue de réorganiser les élections serait une gabegie politique, institutionnelle et économique. Sur ce registre, et au regard des débats et des propositions qui fusent de partout, s’il y a une révision qui mérite vraiment le débat, c’est bien celle du mode du scrutin qui devrait permettre de dégager une majorité franche et non celle de l’une des constances constitutionnelles fédératrices sur laquelle s’appuie la Nation dans sa vie collective, à savoir le choix démocratique, et dont l’article 47 de la Constitution n’est qu’une consécration pure et simple. C’est en fait au mode de scrutin de s’adapter pour être compatible avec une constance constitutionnelle et non le contraire. Dans le même sens, les acteurs politiques sont interpellés pour faire un choix clair, cohérent et courageux, et non de circonstance. Soit de garder un mode qui, certes, ne permet pas de dégager une majorité, mais favorise une représentation plurielle au Parlement.

Dans ce cas, il faudrait juste que tous les acteurs respectent le choix des urnes et facilitent la formation du gouvernement par le parti politique arrivé en tête et ce, conformément à la Constitution. Soit de changer ce mode pour permettre de dégager une majorité franche et sacrifier dans ce cas la représentation plurielle et surtout celle des petits partis. Enfin, sur le plan politique, le gouvernement sortant -et le PJD en particulier- a été plébiscité par les électeurs, et sa victoire a été accueillie avec satisfaction, enthousiasme et espoir, et sur cet élan démocratique. L’opinion publique s’attendait à une succession logique d’actions politiques et d’événements constitutionnels pour pouvoir s’atteler le plus rapidement au travail et répondre aux attentes légitimes des citoyens.

Cet espoir était et reste nourri par le fait que le gouvernement sortant, conduit par le PJD, grâce au courage politique et au leadership de son secrétaire général, a contribué à redonner son sens à l’action politique, a mis en œuvre de grandes réformes et des actions dégageant des marges de manœuvre et des opportunités pour l’avenir et a surtout tracé une nouvelle ligne de conduite qui place les citoyens, et surtout les plus vulnérables, au cœur de l’action gouvernementale. Ceci a consolidé la confiance des citoyens et des partenaires dans l’acteur politique sérieux, responsable et respectueux de sa parole.

Il a aussi contribué à renforcer l’adhésion aux décisions du gouvernement, la cohésion sociale, l’intermédiation civile et l’encadrement des contestations légitimes, face à tout risque de dérapage et de récupération politicienne. Ceci a surtout participé à la stabilité de notre pays et à renforcer la position et le rayonnement du Maroc à l’international, que ce soit pour défendre son unité nationale et territoriale et ses intérêts légitimes ou pour développer des relations stratégiques d’égal à égal avec ses partenaires, ou encore de renouer avec sa profondeur africaine et être un acteur de paix, de stabilité et de progrès. Ce qui consacre, à bien des égards, l’exception marocaine aussi bien au niveau politique, économique que social. Cette exception, faut-il le marteler, est la somme de tous ces ingrédients réunis à la fois, et celui qui croit que l’on peut la maintenir en se passant de l’une de ces composantes manque au mieux de lucidité et de clairvoyance.

À la lumière de ces réalités, il est décevant et révoltant de constater cette course à la déperdition de cette exception et au nivellement par le bas. Il est également légitime de se demander d’où puisent nos politiques, nos constitutionnalistes, nos médias et nos élites tout court, toute cette énergie et ingéniosité pour qu’avant, pendant et après les élections. Ils parlent de tout sauf du bilan et des programmes, pour dénigrer et humilier le choix démocratique de même que les attentes légitimes des citoyens, évitant à tout prix d’aller dans le sens du progrès et de l’avenir. Partant de toutes ces considérations, le déblocage de cette situation n’est ni constitutionnel, ni politique. Il se fera d’abord par un retour au bon sens et aux fondamentaux par tous les acteurs et surtout par ceux qui s’en sont égarés ces derniers temps. Les élites de toute nature ont eu, de par l’histoire, et doivent avoir pour mission de tirer vers le haut la société. Ils ont également intérêt à soutenir le choix démocratique, que les résultats leur plaisent ou non, parce que c’est leur seul rempart contre toutes les formes de déviation et c’est la seule voix qui permet de continuer à vivre ensemble en quiétude dans ce pays merveilleux qu’est le Maroc. Ce pays fait certes l’exception, mais il a besoin, pour pouvoir assurer la durabilité de cette position ô combien convoitée, d’asseoir sa pratique démocratique avec des intermédiaires crédibles, ainsi que des partis politiques, des médias et des élites indépendants, et des programmes des politiques publiques qui prennent en charge, de manière institutionnelle, crédible et durable la problématique du développement économique et de la justice sociale. Le déblocage est aussi et surtout entre les mains de partis politiques indépendants, dont l’organisation et le fonctionnement doivent être conformes aux principes démocratiques, comme l’exige la Constitution.

Ces partis politiques, selon la Constitution, concourent à l’expression de la volonté des électeurs. De par la Constitution également, ils ne peuvent avoir pour but de porter atteinte aux principes constitutionnels et aux fondements démocratiques. En somme, tous les acteurs doivent intérioriser cela, une fois pour toutes, et respecter le principe constitutionnel de base qui stipule que seules des élections libres, sincères et transparentes constituent le fondement de la légitimité de la représentation démocratique, qui consacre le fait que le gouvernement est l’émanation de la volonté́ populaire exprimée à travers les urnes. Alors de grâce, le Maroc a tant souffert de batailles politiciennes qui nous ont fait perdre tant d’années de progrès et de développement.

Aujourd’hui, le Maroc est sur une belle lancée démocratique, politique, économique et sociale et dispose d’une vraie fenêtre et d’opportunités réelles pour s’inscrire réellement sur la voie de l’entrée méritée et définitive dans la sphère des pays émergents, où tous ses citoyens jouissent de la sécurité, de la liberté, de l’égalité des chances, du respect de leur dignité et de la justice sociale, dans le cadre du principe de corrélation entre les droits et les devoirs de la citoyenneté. Ce serait un grand dommage de dilapider tout cet actif. La raison et la sagesse marocaines l’emporteront certainement.

Driss Elazami Elidrissi
Maire de Fès Membre du secrétariat général du PJD



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