Opinions

Fiscalité. Neutralité de la TVA : Quel rôle à jouer par les experts-comptables ?

Par Khalil Mekouar
Expert-comptable, commissaire au comptes

Notre pays a entrepris un vaste chantier de modernisation de la fiscalité en adoptant en 2021 une loi-cadre de réforme fiscale. Après la Loi de finances 2023 qui a introduit des réformes de l’impôt sur les sociétés (IS) en instaurant une convergence progressive vers un taux unique, celle de 2024 se penchera sur la révision des règles régissant la TVA, notamment en renforçant sa neutralité.

Neutralité de la TVA : kezako?
La neutralité signifie que la TVA ne devrait pas représenter un coût supplémentaire pour les entreprises lorsqu’elles achètent des biens ou des services destinés à leurs activités économiques. La neutralité de la TVA vise à garantir que la taxe est supportée par les consommateurs finaux, et non par les entreprises intermédiaires, de manière à ne pas fausser la concurrence ni créer de distorsions économiques. Pour que ce mécanisme fonctionne dans la pratique, il est essentiel que tous les contribuables qui génèrent un excédent de taxe aient la possibilité de solliciter le remboursement de cet excédent auprès de l’État. Cependant, cette option n’est pas actuellement disponible au Maroc.

Le remboursement partiel pour les activités taxables
Il semble que la généralisation pure et simple du remboursement au profit de tous les contribuables soit difficilement réalisable dans notre pays compte tenu des contraintes budgétaires de l’État. Cependant, en observant les pratiques fiscales internationales, nous constatons que certains pays, dont l’économie peut être comparée à la nôtre, comme la Tunisie, accordent ce droit à tous les contribuables selon les conditions suivantes :

– Le remboursement est accordé aux assujettis ayant généré un crédit de taxe sur une période de six mois, indépendamment de la nature de ce crédit (exploitation ou investissement) ou du type d’activité exercée.

– Le remboursement est autorisé pour les activités taxables à hauteur de 50% seulement.

À notre avis, si le Maroc adoptait cette solution, il pourrait partiellement résoudre le problème de la taxe chronique qui pénalise la trésorerie des entreprises marocaines, en particulier les PME. Cependant, il est possible que la généralisation du remboursement partiel puisse entraîner des retards dans le traitement des dossiers par la Direction générale des impôts (DGI). Il semble que le mécanisme des avances sur crédit remboursables soit une solution efficace.

Le mécanisme des avances sur crédit remboursable
En vue d’accélérer les procédures fiscales, plusieurs pays ont instauré un mécanisme permettant aux contribuables ayant des comptes certifiés sans réserves par un commissaire aux comptes de bénéficier d’une avance sur le crédit de taxe remboursable, avant toute vérification du dossier par l’administration fiscale. En Tunisie, par exemple, le taux de cette avance s’élève à 15%. En s’inspirant de cette pratique, le Maroc pourrait mettre en place un régime similaire. Les contribuables ayant des comptes certifiés sans réserves par un commissaire aux comptes bénéficieraient d’une avance calculée à un taux fixé en fonction des ressources budgétaires de l’État.

Par ailleurs, la possibilité de faire certifier les comptes par un expert-comptable pourrait être étendue même aux contribuables qui ne sont pas tenus de désigner un commissaire aux comptes (par exemple, les personnes physiques). Le contrôle des conditions de remboursement prévues par la loi serait effectué ultérieurement par l’administration fiscale. En cas de constatation d’un manquement par l’administration fiscale, le montant de l’avance serait déduit du reliquat du crédit à rembourser. À défaut, si le reliquat ne permet pas une déduction totale de l’avance initiale, le contribuable ne pourrait bénéficier du remboursement que s’il restituait le montant de l’avance qu’il avait indûment perçue au départ.

À notre avis, en mobilisant les compétences des experts-comptables et des commissaires aux comptes, l’établissement d’un mécanisme de remboursement équitable et fluide est essentiel pour consolider la neutralité de la TVA, faisant écho au rôle prépondérant qu’ils ont joué dans la réglementation des délais de paiement, apportant ainsi une valeur ajoutée à la gestion fiscale du pays.



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