Emploi : le freelancing à haute valeur ajoutée séduit de plus en plus
Par Siham Sentissi
Managing partner Morocco de BlueBirds
Le modèle du salariat, hérité des précédentes révolutions industrielles et des luttes sociales du XXe siècle est en profonde mutation, sous le double effet de la révolution digitale amorcée déjà depuis plusieurs années et plus récemment du Covid-19. C’est un nouvel agencement de notre société du travail qui est d’ores et déjà à l’œuvre, et qui nous rappelle l’économie à la tâche d’avant le salariat.
Aujourd’hui, nous sommes entre un retour vers le passé et un changement total de paradigme du travail. Je recommande à vos lecteurs un essai de Laetitia Vitaud intitulé “Du Labeur à l’Ouvrage”. Lire Mme Vitaud, c’est mieux comprendre notre siècle dans nos rapports au travail. Aux USA en 2020, 50% de la force de travail aura testé le freelancing contre plus d’un tiers des actifs, en 2016 ! Ce mouvement a essaimé ensuite au Royaume-Unis, puis en Europe continentale où les indépendants constituent le segment du marché du travail européen qui connaît la croissance la plus rapide avec, en premier, l’Allemagne (~1,3M d’indépendants), puis la France (~1M d’indépendants).
Avec l’augmentation de l’offre d’indépendants et celle de la demande par les entreprises, des sociétés comme BlueBirds naissent et grandissent pour faciliter la rencontre de l’offre et de la demande. Nous avons choisi un positionnement à forte valeur ajoutée et sommes présents en Afrique, en Europe et au Moyen-Orient. Nous sommes implantés depuis plus de deux ans à Casablanca.
Le marché du freelancing à haute valeur ajoutée sur lequel nous sommes positionnés répond, en effet, aux attentes à la fois des entreprises et des cadres supérieurs : les entreprises recherchent de plus en plus l’ultra-compétence pour répondre à des besoins spécifiques à un moment donné. Les solutions existantes (cabinets de conseil, recrutement interne ou externe), ne suffisent plus. Aujourd’hui, un recrutement prend des mois, parfois jusqu’à un an, et l’appel à un cabinet de conseil entre 2 et 3 mois. Le recours à un indépendant peut être activé, lui, en quelques jours.
Le freelancing permet donc un accès rapide à des compétences expertes et permet de rester toujours en phase avec les besoins des projets. Les DRH qui nous lisent savent la difficulté de former les salariés tout au long de leurs années en entreprise. Un indépendant apporte ses compétences et la formation pour ces indépendants n’a pas lieu d’être. Les cadres supérieurs, de leur côté, ne se sentent plus toujours engagés dans les organisations à complexité croissante.
Pour mieux comprendre ce phénomène, je vous renvoie vers les ouvrages et vidéos de Dan Pink, sociologue américain. Le passage des salariés dans le monde des indépendants correspond avant tout à un choix aspirationnel : être autonome, avoir de meilleures conditions de travail, gagner en flexibilité, décider de ses projets et de ses clients. Et accessoirement, parfois, mais pas toujours, mieux gagner sa vie. L’indépendant est ainsi un excellent exemple de ce que cette nouvelle approche du travail peut donner.
Le premier défi se situe donc au sein des entreprises. Les indépendants se tiennent à l’avant-garde du nouvel ordre du travail, où la flexibilité, l’adaptabilité et le focus sur les résultats sont la clé ou plutôt la locomotive.
En tant que précurseurs, ils peuvent agir comme catalyseurs de la transformation digitale de l’entreprise et des nouveaux modèles de travail. Les freelances sont, désormais, à la tête d’une nouvelle façon de penser le travail dans laquelle les organisations deviennent des réseaux ouverts où des écosystèmes de talents travaillent sur projets et selon une organisation temporaire.
Le travail à distance ouvre de nombreuses perspectives. Certains indépendants européens de notre plateforme travaillent pour des clients marocains et, inversement, certains indépendants marocains travaillent pour nos clients européens. Quoiqu’il advienne, nous allons vers un monde du travail avec des évolutions profondes, déjà observables, mais aussi des questions de fond pas encore résolues. Et c’est là qu’arrive le deuxième défi.
En effet, si le freelancing apporte plus de flexibilité et de liberté, il change totalement le système de protection sociale qui repose sur le salariat massif. Si le freelancing se développe, il faudra repenser totalement le modèle de protection et son financement.
Pour illustrer mon propos, contrairement aux employés qui bénéficient des avantages et la sécurité structurée qu’offre une entreprise, les indépendants sont perçus par la loi comme de petites entreprises. L’indépendant doit choisir son comptable, sa propre sécurité… Aujourd’hui, de nombreux indépendants ont le sentiment d’être mal représentés et que leurs besoins ne sont pas correctement pris en charge par les gouvernements.
Par exemple, même si un indépendant a des revenus stables, il est encore souvent perçu comme instable parce que non salarié. Cela diminue d’autant sa solvabilité auprès des banques qui lui prêtent moins, en particulier au moment de l’achat d’une résidence principale. Pour conclure, le freelancing est un phénomène qui va grandir et s’installer dans nos sociétés contemporaines, en particulier au Maroc.
Nous commençons déjà à l’observer. Chez BlueBirds, nous sommes très fiers de participer à cette révolution avec un positionnement à forte valeur ajoutée. Notre pays n’est pas toujours reconnu avec ce positionnement, c’est l’un de nos défis!