Conférence de Munich sur la sécurité : un monde devenu de plus en plus instable
Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI (Institut marocain des relations internationales)
La Conférence de Munich sur la sécurité a été créée en 1963 par un officier allemand qui avait participé au complot du 20 juillet 1944 contre Hitler. Sa devise est «préserver la paix par le dialogue». La 60e édition de cette Conférence s’est tenue du 16 au 18 février 2024. Appelé également «Le Davos de la défense», ce rendez-vous géopolitique incontournable en matière de sécurité a regroupé 180 participants gouvernementaux, dont 50 Chefs d’État et de gouvernement et une centaine de ministres. Près de 1.000 invités y ont participé, dont des représentants de firmes internationales, des universitaires, et des représentants d’ONG et du Sud global, parmi lesquels le Maroc. La vice-présidente américaine, Kamala Harris, était présente ainsi que les Chefs d’État et de gouvernement européens, et les représentants de la Chine, du Brésil, et de l’Inde.
Par contre la Russie et l’Iran n’ont pas été invités. Le thème de cette Conférence a été «Le renforcement de l’ordre international fondé sur des règles». Le premier constat qui s’est dégagé de la Conférence est la multiplicité des guerres et des conflits à travers le monde. Une place importante a été consacrée à la guerre en Ukraine, déclenchée par la Russie le 24 Février 2022, et la guerre à Gaza suite à l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023. Des craintes ont été exprimées concernant la région Inde-pacifique, où se multiplient les menaces de la Chine de récupérer Taïwan militairement. La guerre civile au Soudan a également été évoquée, laquelle a entrainé le déplacement forcé de plus de huit millions de Soudanais, suite à un conflit entre deux généraux.
L’Afrique a connu également plusieurs coups d’État militaires, notamment dans les pays suivants : Burkina Faso, Gabon, Guinée, Mali, Niger, Soudan, Tchad, mettant fin à la tentative de démocratisation de l’Afrique de l’Ouest par le recours aux urnes. Concernant le conflit du Haut-Karabakh entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan de septembre 2023, les deux belligérants présents à Munich ont promis de régler à l’avenir leurs différents par la voie pacifique, selon le Chancelier Olaf Scholz.D’autres actions contre la paix concernent le comportement de la Corée du Nord qui multiplie les lancements de missiles, menaçant la Corée du Sud et le Japon, tout en fournissant des munitions à la Russie. L’Iran, de son côté, accélère son programme visant la mise au point d’une bombe atomique, et continue à soutenir le Hamas, le Hezbollah, et les Houtis.
Pour rappel, ces derniers menacent le commerce international en Mer rouge, en attaquant les navires civils marchands qui croisent près de leurs côtes. Enfin, d’autres risques sont à prendre en compte. Il s’agit principalement du changement climatique, de l’intelligence artificielle, et de la migration massive engendrée par la guerre et le climat.
Concernant la guerre en Ukraine, et surtout après la mort suspecte le 16 février 2024 de l’opposant à Poutine Alexeï Navalny, aussi bien les États-Unis que les pays européens ont reconfirmé leur aide financière et militaire à l’Ukraine. C’est ainsi que la vice-présidente des États-Unis, Kamala Harris, a condamné les ambitions «impérialistes» de la Russie, déclarant que les frontières reconnues internationalement ne doivent pas être changées par la force, conformément au droit international. Elle a promis de convaincre le Congrès américain de débloquer la somme de 60 milliards de dollars en faveur de l’Ukraine. Trois pays européens, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni ont signé des accords bilatéraux de sécurité pour une durée de dix ans avec l’Ukraine, comportant une aide financière et militaire. C’est ainsi que le président Macron a promis trois milliards d’euros pour l’année 2024. Concernant la guerre à Gaza, qui a entrainé une situation humanitaire catastrophique, Kamala Harris a déclaré que «la guerre prendra fin lorsque les Palestiniens auront droit à l’autodétermination».
De son côté, le président Macron a affirmé, le 16 février 2024, que «la reconnaissance d’un État palestinien n’est pas un tabou pour la France, et que l’offensive israélienne contre Rafah serait un désastre humanitaire sans précédent». En conclusion, la situation du monde, en cette année 2024, est très dangereuse, du fait de la multiplication des guerres et des conflits. D’où la nécessité de réformer l’ONU qui s’est montrée incapable de préserver la paix dans plusieurs régions de la planète. La Conférence a donné lieu à un durcissement de ton des pays européens vis-à-vis de la Russie. C’est ainsi que le ministre allemand de la défense a déclaré que «les pays de l’OTAN doivent se préparer à pouvoir faire la guerre». Le président allemand de la Conférence a affirmé que «Poutine osera attaquer un territoire de l’OTAN».
De son côté, le président ukrainien Volodymir Zelenski a demandé une aide supplémentaire financière et militaires aux pays de l’OTAN tout en indiquant qu’«iI faut agir immédiatement car Poutine risque d’envahir d’autres pays». Les pays européens ont donc décidé d’augmenter leurs dépenses militaires, surtout que Donald Trump a de fortes chances de se faire réélire à la présidence des États-Unis en novembre prochain, et qu’il a déclaré «ne plus garantir la protection de l’OTAN face à la Russie». La non-invitation de la Russie et de l’Iran à la Conférence de paix de Munich témoigne de la division du monde en trois blocs : l’Occident représenté par l’Amérique du Nord, l’Australie et l’Europe, le deuxième bloc constitué de la Russie, l’Iran, et la Corée du Nord, et le troisième regroupant les pays émergents et en développement qui coopèrent avec les deux premiers. Quant à la Chine, qui a été invitée à la Conférence, les Occidentaux souhaitent qu’elle n’intègre pas le deuxième bloc, dominé par la Russie. Jawad Kerdoudi