Maroc

Tourisme & Hôtellerie : les non-dits du contrat-programme

Le 6 août dernier, les professionnels du tourisme ont signé avec le gouvernement le contrat-programme 2020-2022, pour relancer le secteur lourdement impacté par la crise sanitaire. Quatre mois plus tard, les dirigeants d’entités, représentant les professionnels du tourisme, grincent des dents. Ils espèrent signer, avant la fin d’année, la prorogation de cet accord.

Les hôteliers et professionnels du tourisme grincent des dents, quelques mois après avoir signé le contrat-programme avec le gouvernement. Réunis lors de la 22e édition des Mardis du tourisme, les dirigeants d’entités représentant les professionnels du secteur font un état des lieux d’exécution, à mi-parcours, de l’accord. Ils se sont également exprimés sur les chances de succès des mesures, à moyen et long termes, contenues dans ce contrat-programme. D’entrée de jeu, Abdellatif Kabbaj, président de la Confédération nationale du tourisme (CNT) s’est montré incisif : «Très honnêtement, le secteur touristique et à sa tête l’hôtellerie n’a pas été aidé, mis à part les 2.000 dirhams octroyés aux employés. Les principales mesures de ce contrat-programme ont été la sauvegarde des entreprises et des emplois. C’est cela qui nous intéressait le plus. Les entreprises du secteur ont obtenu des crédits avec des taux d’intérêt pas très élevés (3,5%). Ce sont des financements pour lesquels nous tenons à remercier les banques, mais je ne peux pas considérer cela comme une aide, comparée aux avantages que les pays européens accordent à leurs professionnels». Il prend exemple sur les mesures prises récemment par le gouvernement français. Le 29 octobre dernier, la France avait accordé un fonds de solidarité à toutes les professions, à hauteur de 10.000 euros par entreprise de moins de 50 employés. Toutes les entreprises de l’Hexagone ont pu en bénéficier, sans compter que leur personnel est payé à hauteur de 100% par l’État. Ce qui n’est pas le cas chez nous où l’État a bien voulu aider à hauteur de 2.000 dirhams, mais il ne faut pas oublier que les employeurs paient les 2/3. 1/3 de la charge salariale est supporté par l’État et les 2/3 restant par les employeurs. À l’origine de la désillusion des dirigeants du secteur : une mauvaise estimation de la durée de la crise. «Nous pensions qu’à l’hiver 2020, nous allions passer ce cap de crise et nous espérions que l’été allait être assez intéressant, au niveau national déjà. Malheureusement, on nous a bloqués au niveau de toutes les villes. Personne ne pouvait circuler, ce qui fait que nous n’avons rien pu faire. Si l’État ne fait rien pour nous d’ici la fin d’année, nous sommes morts !». Au moment de la signature du contrat-programme, les dirigeants de la CNT nourrissaient l’espoir que la reprise du tourisme allait avoir lieu incessamment. Grande fut la désillusion !

«Nous savons maintenant et sommes convaincus que le premier semestre 2021 est compromis et qu’il ne faut pas compter sur une reprise du tourisme avant fin juin 2021. Donc, nous avons demandé officiellement à notre ministre de tutelle de revoir le contrat-programme pour qu’il puisse être prorogé jusqu’au 30 juin. À défaut de quoi, nous aurons beaucoup d’entreprises qui vont faire faillite et des employés qui seront à la rue. J’espère que nous aurons gain de cause», explique Abdellatif Kabbaj.

Le dirigeant espère signer, avant la fin d’année, la prorogation de ce contrat-programme. L’enjeu est de sauvegarder les emplois et les entreprises et mettre en place une batterie de conventions connexes. En effet, dans le contrat-programme, signé le 6 août dernier, figure une clause extrêmement importante, qui stipule que les hôteliers doivent signer une dizaine de conventions spécifiques avec des institutions. Pour l’heure, seules les conventions avec la CNSS et le GPBM ont été paraphées. Et là encore, «la convention signée avec le GPBM n’est pas encore appliquée par toutes les banques», dénonce Lahcen Zelmat, président de la Fédération nationale de l’industrie hôtelière (FNIH). Il ajoute que la convention signée avec la CNSS a omis pas mal de monde, notamment les femmes en congé maternité dans la période de février, les employés qui étaient en arrêt maladie pour accident de travail, et d’autres qui n’ont pas pu déclarer leur situation à temps. Sept autres conventions n’ont pas encore été signées et les dirigeants du secteur espèrent qu’elles le seront assez rapidement. Il s’agit notamment de la convention du report des paiements de cotisations sociales, celle sur l’intégration de toutes les corporations dans le régime social, la convention de la fiscalité auprès de la DGI et de la DGSN. Une convention doit également être signée avec l’ONMT. S’y ajoutent les conventions de la refonte du dispositif fiscal, celle pour le Fonds d’investissement touristique et la convention sur la formation.

Moins de 30% des hôteliers continuent à fonctionner !

Le secteur hôtelier a bénéficié de mesures de soutien dans le cadre du contrat-programme, notamment sur la partie crédit, avec Damane Oxygène et Damane Relance Hôtellerie. Cependant, selon Lahcen Zelmat : «Les entreprises sont endettées davantage. Du moins, celles qui le pouvaient. En effet, il faut être bancable pour pouvoir bénéficier de ces crédits, qui étaient conditionnés. Bon nombre d’établissements n’ont pas pu obtenir ce crédit», dénonce le dirigeant. Après 8 mois sans recettes, les hôtels se retrouvent sans trésorerie, avec des charges fixes à supporter notamment certains impôts et taxes. Selon Abdellatif Kabbaj, moins de 30% continuent à fonctionner et ne tournent même pas à 5% de taux d’occupation. Alors que pour rentabiliser un hôtel, il faut être au-delà de 50%, voire 60% de taux d’occupation.

Modeste Kouame / Les Inspirations Éco



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