Maroc

Risque pays : le Maroc tient bon dans la tempête

Malgré des déficits jumeaux -celui du compte des opérations courantes et du Budget de l’État- qui risquent d’exploser, le Royaume maintient son rating (B) chez l’assureur-crédit Coface et sa notation souveraine chez S&P Global. Mais pour combien de temps ?

Même si cela ne rendra pas du pouvoir d’achat aux ménages qui affrontent un niveau d’inflation jamais vu depuis plus de 25 ans, le fait que les notations du risque pays restent stables est un indice que l’économie marocaine résiste, mieux qu’on pouvait le redouter, à une tempête comme elle n’en a jamais traversé ces dernières années : une croissance trop molle (1%) due à une chute attendue des récoltes céréalières et à l’embrasement des prix mondiaux de l’énergie qui augmente la fièvre inflationniste de tous les biens et services. Le tout conjugué à des incertitudes géopolitiques alimentées par l’invasion de l’Ukraine.

Dans la cartographie du risque pays Coface, actualisée mardi 21 juin, le Maroc maintient son rating (B) qui synthétise le risque d’impayés de la part des entreprises et de l’État. Pareil pour l’appréciation de l’environnement des affaires qui reste dans la catégorie A4, dernière échelle de la première division malgré tout.

Dans les deux cas, ces notes placent l’économie nationale parmi les bons élèves du continent, très peu de pays en Afrique, exceptée une poignée, dont Maurice et le Rwanda, affichant ce rating. Cette résistance se retrouve également dans la notation souveraine du Royaume que l’agence S&P Global a publiée fin avril. Le Trésor garde sa note BB+ avec perspective stable un an après avoir perdu son investment grade, le triple B.

Cela veut dire qu’à moins qu’il y ait un événement imprévu aux conséquences colossales ou un cataclysme à court terme, les conditions de financement du Trésor ne devraient pas changer, y compris celles de toutes les entités qui lui sont rattachées. Il s’agit de celles où il exerce un contrôle effectif, notamment les entreprises publiques, les administrations et les collectivités locales pour lesquelles l’État se porte garant au cas où elles feraient appel au marché pour se financer.

Le gouvernement ayant confirmé de nouvelles sorties du Trésor sur le marché international, le fait d’afficher un BB+ est un atout dans un contexte de remontée des taux d’intérêt et d’une appréciation du dollar qui se répercutent sur le coût de la dette.

Les analystes de S&P Global, comme ceux de Coface, relèvent tous une menace structurelle: les déficits jumeaux, du budget et de la balance des opérations courantes, dont les trous apparaissent clairement comme des fragilités. Au cours des dix dernières années (2012 à 2021), le déficit hors privatisation a toujours été au-dessus de 3,5% avec un pic prévisible (dû aux mesures budgétaires de soutien à l’économie) à 7,7% du PIB.

Cette année, il est attendu à plus de 6% du PIB contre 6% en 2021 (source : ministère des Finances). Pour l’agence de notation S&P Global, les déficits courant et budgétaire atteindraient, respectivement, 4,4% et 6% de PIB en 2022. Excepté en 2004 et 2005, le compte courant est en déficit chronique depuis une trentaine d’années.

Le poids des importations incompressibles des produits énergétiques (pétroliers, gaz et charbon) est tel qu’il neutralise l’effet de la montée en puissance des exportations de l’industrie automobile et des envois de fonds par les MRE dont on attend plus de 9 milliards de dollars cette année. S&P Global prévient : «les perspectives stables concernant le Maroc reflètent notre attente concernant de nouvelles réformes économiques et budgétaires assorties d’une croissance robuste».

Pour ce dernier point, c’est raté ! Le PIB n’enregistrera qu’un petit 1% de croissance, selon les projections de la Banque centrale (voir notre édition du mercredi 22 juin). Dans le scénario baissier, l’agence de notation assure qu’elle pourrait abaisser la note souveraine du Trésor si le déficit budgétaire dérape par rapport à ses prévisions et si les déséquilibres extérieurs se creusent encore plus. Car cela exigerait une forte hausse des besoins de financement de l’économie.

Les déficits du Trésor et du compte courant devraient se réduire à partir de 2023 en raison d’une baisse de la pression sur les prix et d’une accélération de la croissance. Bien que la mise en œuvre de réformes structurelles soit susceptible d’empêcher les déficits budgétaires de diminuer sensiblement à court terme, elle sous-tend l’assainissement budgétaire à moyen et à long terme, concluent, optimistes, les analystes de S&P Global.

L’œil de Coface sur les comptes extérieurs

Le déficit courant s’est dégradé en 2021 suite à une hausse du déficit commercial. En effet, alors que la forte hausse des prix du pétrole (12,5% des importations étant des hydrocarbures) et une demande intérieure plus forte, ont augmenté la facture des importations, (21% alloués à des biens d’équipement et machines), la hausse des exportations manufacturières n’a pas pu compenser la faible reprise des exportations de services, plombée par le secteur du tourisme, toujours en convalescence.
Après une modeste reprise en 2021, les recettes touristiques devraient poursuivre leur rebond en 2022, permettant d’améliorer l’excédent de la balance des services. Cependant, le déficit commercial continuera de peser sur le déficit courant, se traduisant par un solde quasiment inchangé en 2022. L’excédent du solde des revenus secondaires continuera d’être alimenté par les envois de fonds de la diaspora.
La reprise européenne favorisera les rapatriements de capitaux et donc le creusement de la balance des revenus primaires. Les besoins de financement extérieur seront assurés par les réserves de change, représentant toujours plus de six mois de couverture des importations, et la reprise des IDE…

 

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO

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