Rentrée parlementaire : Le «faux départ» des Conseillers
Le manque de coordination entre les deux chambres du Parlement vient d’être confirmé par la récente sortie de la 2e Chambre. La double lecture des dispositions qui cadrent la période de gestion des affaires courantes ainsi que le délai de formation du nouveau gouvernement sont à l’origine du faux départ de cette rentrée.
Après l’ouverture de la session d’automne, le 14 octobre par le roi, les Conseillers voulaient absolument passer au travail dès mardi dernier, jour fixé par le règlement intérieur pour la tenue de la séance hebdomadaire des questions orales. Après le refus du gouvernement de répondre favorablement à la demande qui lui a été adressée par l’instance présidée par Hakim Benchamass, cette Chambre a publié un communiqué qui étale son argumentaire en faveur du maintien du contrôle parlementaire durant la période de gestion des affaires courantes (www.leseco.ma). Le principal fait marquant reste sans aucun doute le statut des ministres sortants, qui ont été élus lors du scrutin du 7 octobre, et qui ont actuellement la double casquette de ministres au sein du gouvernement et de députés pour leurs partis. Ce qu’il est important de noter, c’est que cette incompatibilité clairement indiquée par la loi organique portant statut du gouvernement a été à l’origine du refus du gouvernement de répondre aux questions sectorielles qui étaient prévues par les Conseillers. La même incompatibilité touche le chef du gouvernement, qui a été lui aussi réélu lors des législatives et qui ne peut donc lui aussi assister aux séances réservées à la politique générale du gouvernement durant cette période.
Les raisons des Conseillers
La 2e Chambre, qui est jusqu’à présent dominée par «l’opposition» (si on range l’Istiqlal et l’USFO à côté du PAM) n’a pas temporisé avant de réagir à la non tenue de la séance hebdomadaire. La 2e instance législative a pris «toutes les dispositions permettant la tenue de la première séance des questions orales, y compris l’envoi d’une correspondance au gouvernement à travers le président de la Chambre», indique le bureau de cet organe qui ajoute que «le contrôle du gouvernement reste de la responsabilité des Conseillers, et dans la limite des prérogatives qui sont octroyées au gouvernement dans le cadre de la gestion des affaires courantes».
Le bureau de la 2e Chambre cite dans ce registre plusieurs raisons supplémentaires, essentiellement la continuité des services publics. Pour appuyer son interprétation du cadre légal de cette période, le Conseil rappelle la session d’octobre 2011, qui a vu la tenue de 5 séances hebdomadaires, avant la mise en place des structures internes de la 1re Chambre. Cette «coutume doit être maintenue», indique le communiqué de la Chambre des conseillers qui qualifie l’interprétation faite de l’article 37 de la loi organique sur le statut du gouvernement «de lecture spéciale». C’est que le communiqué en question semble exprimer implicitement le refus des Conseillers d’attendre la fin des concertations et la mise en place du nouveau bureau de la Chambre des représentants et des commissions parlementaires.
La rentrée parlementaire a confirmé le manque cruel de coordination entre les deux chambres du Parlement ainsi que la divergence profonde sur le statut du gouvernement durant cette période. Le flou de certaines dispositions qui cadrent la période de gestion des affaires courantes ainsi que le délai de formation du nouveau gouvernement sont à l’origine du faux départ de cette rentrée, minant de l’intérieur tous les efforts consentis pour que les deux ailes du Parlement fassent converger leurs visions pour gérer à la fois le transfert des projets de lois et les missions consistant à demander des explications orales et écrites au gouvernement.
Les raisons invoquées par le gouvernement
En plus de l’incompatibilité sus-expliquée, le gouvernement s’est basé sur l’article 37 de la loi organique sur l’expédition des affaires courantes. L’énoncé de la loi indique que le gouvernement ne peut intervenir que pour «l’adoption des décrets, des arrêtés et des décisions administratives nécessaires, et des mesures urgentes requises pour garantir la continuité des services de l’État et de ses institutions ainsi que le fonctionnement régulier des services publics». La même disposition précise que la période des affaires courantes ne doit pas inclure «les mesures susceptibles d’engager durablement le futur gouvernement, notamment l’approbation des projets de loi et des décrets réglementaires ainsi que la nomination aux fonctions supérieures». Le même statut indique que le nouveau gouvernement, une fois nommé par le roi sur proposition du chef du gouvernement, doit immédiatement élaborer le programme du gouvernement qui sera exposé devant le Parlement, ainsi que l’édiction des arrêtés d’attribution ou de signature nécessaires pour la continuité des services publics. Il est à rappeler que l’homogénéité requise entre les membres de l’Exécutif pendant cette étape charnière de la vie du gouvernement n’est pas codifiée et reste dépendante des résultats des concertations menées pour la formation du nouvel Exécutif. La réaction de la Chambre des conseillers a, quant à elle, mis en garde contre le relâchement durant ce laps de temps qui sépare de la date de la présentation du programme du gouvernement.